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13 décembre 2010 1 13 /12 /décembre /2010 11:11

 

 Valognes, chapelle de la Victoire

La Chapelle de la Victoire (notice sommaire et provisoire, J. Deshayes, 2009)

L'abbé Adam écrivait en 1891 : "S'il est une opinion vraisemblable, c'est bien assurément celle qui consiste à penser que la chapelle Notre-Dame de la Victoire à Alleaume remonte au temps des romains". L'historien de la ville de Valognes rappelait que cette hypothèse, alors communément acceptée, se fondait sur ce vocable de la Victoire, susceptible de reprendre celui d'un temple Païen plus ancien, ainsi que sur l'observation archéologique de l'édifice, dont les soubassements semblent bel et bien intégrer une construction romaine. Une seconde tradition voulait toutefois que cette chapelle tienne son nom de la victoire remportée sur un groupe de soldats anglais, rescapés en 1450 de la bataille de Formigny, et qui, se repliant sur Cherbourg, furent massacrés le jour de la Pentecôte par la population valognaise.

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Carte postale postérieure aux travaux effectués sur l'édifice en 1914

Les mentions les plus anciennes de l'édifice n’évoquent pas cependant le vocable de la Victoire, mais une chapelle dite "du Castellet". La première mention identifiée est contenue dans le cartulaire de l'abbaye de Saint-Sauveur-le-Vicomte, consignant en 1222 le don d'une terre située "ad ecclesiam Sancte Marie de Casteler". Elle figure ensuite dans le "Livre Blanc" du diocèse de Coutances, datant de 1332, et mentionnant la "capella Castello". Un document de 1440 évoque également un chemin "tendant à la chapelle du Casteller". L’abbé Adam cite un acte encore postéieur, datant de 1616, relatif à la fondation d'une rente pour un sermon le jour saint Marc à la croix du Haut Castelley, en allant en procession à la chapelle du Castelley. Quelques années plus tard, avant le milieu du XVIIe siècle, il est question d’une « ancienne chapelle presque abandonnée, puisqu’elle n’était fréquentée qu’une fois l’an, le jour où il était d’usage dy dire la messe en l’honneur d’un saint dont le culte était assez vague car on en sçavoit même pas le nom ».

Cette chapelle ne fut finalement baptisée sous le nom de la Victoire qu'à compter de 1643, suite à un prêche public de saint Jean-Eudes, qui fit également restaurer l’édifice et y institua un pèlerinage annuel en l'honneur de la Vierge. Ce pèlerinage fut selon les témoins "très vite fréquenté comme l'étaient les plus grands pèlerinages de Normandie". On y mentionne également des miracles opérées par l’intercession de la Vierge : jeune fille de Néhou possédée  par le diable, résurrection d’un enfant mort né…

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Procession de N.D de la Victoire, vers 1900 (coll. A Lecoutour)

La statue de la Vierge de la Victoire

Cette statue réputée miraculeuse, faisait l'objet du pèlerinage relancé en 1643 par saint Jean-Eudes. Elle fut déposée et cachée à la Révolution par un charpentier du nom de Letourmy et installée ensuite dans l'église d'Alleaume. Une copie de cette statue fut installée dans la chapelle en 1911, puis détruite semble t-il lors des bombardements de 1944. La copie actuelle est une œuvre de Joseph Bataille installée en 1958, lors de la bénédiction de la chapelle restaurée. La Vierge de la Victoire est une œuvre du XVIe siècle, présentant Marie debout et couronnée, portant sur le bras gauche l'Enfant Jésus qui tient une pomme. "On dit qu'elle aurait remplacée une statue en chêne de la Vierge terrassant le dragon et portant l'enfant Jésus tenant les palmes de la Victoire".

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L'édifice actuel comportait sur sa charpente une fausse date portée de 1121, créditée par l'abbé Adam de quelque vraisemblance. Selon les critères stylistiques que l’on peut appliquer notamment aux chapiteaux végétaux et aux bases des colonnes du portail occidental, une datation sensiblement postérieure (vers 1140) apparaît cependant plus acceptable. L'observation de l'édifice montre  - en dépit des restaurations menées au XVIIe, XIXe et XXesiècles -  que cet édifice roman vint lui-même prendre appuis sur une construction plus ancienne, datant vraisemblablement du XIe siècle et dont subsiste, au niveau du choeur, des portions d'élévation en "opus spicatum". 

Bien que la chapelle s'inscrive de façon cohérente dans le parcellaire urbanisé de l'agglomération antique d'Alauna, objet de sondages et de fouilles répétées depuis le XVIIe siècle, je n'ai pas connaissance d'éventuelles prospections archéologiques sur le site même de l'édifice ou de son enclos. L'hypothèse de la subsistance, sous la chapelle médiévale, des fondations d'un édifice antique - peut-être celles d’un fanum ? - semble cependant étayée par l’importante quantité de fragments de tegulae et de briques jonchant le sol de l'enclos environnant. Des éléments de soubassements maçonnés en petit appareil régulier, caractéristique des constructions antiques, sont en outre nettement visibles à l'oeil nu aux fondements de la façade occidentale et du bas-côté nord du chœur. A l'oeil nu également, il est possible de lire à la surface du sol non seulement l'emprise au sol des anciens bas-côtés de la chapelle (marquée par une herbe plus jaune), mais aussi la trace d'un bâtiment relié au mur du chevet et se prolongeant vers le sud sur plusieurs mètres.

 

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Maçonneries de petit appareil régulier visibles sous le niveau des fondations de la chapelle romane

Retenons que cet édifice, pourvu jadis de bas-côtés flanquant chacune des trois travées de la nef, se signale par des proportions relativement importantes à l'échelle d'une simple chapelle. Il faut souligner que celle-ci était initialement environnée d’un cimetière : la construction récente (hors de toute surveillance archéologique !) d’un pavillon résidentiel empiétant sur l’enclos qui environnait l’édifice a fait remonter, en même temps que des briques romaines, des ossements humains qui en confirment l’existence. Ces observations témoignent du fait que ce sanctuaire, jadis environné d’une nécropole, possédait des fonctions curiales plus étendues que celles normalement attribuées à de simples chapelles. La mention de l’édifice sous la dénomination d’ecclesia dans un acte de 1222 constitue un argument dans le sens du maintien, jusqu’à une date relativement tardive, d’un statut paroissial.

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Dessin en élévation de la chapelle de la Victoire (extrait de A. ADAM, 1891)

Si le vocable de la Victoire n’est attesté historiquement que de manière relativement tardive, je crois qu'il ne faut pas minimiser un possible phénomène de réactivation par saint Jean Eudes d'une tradition cultuelle antérieure. Les missionnaires du XVIIe siècle, et des prêtres érudits tel que saint Jean Eudes en particulier, ont à mon sens su inscrire leur démarche dans le renouveau de traditions remontant parfois aux origines du christianisme. Ce phénomène, qui se retrouve à Cherbourg où d'anciens ermitages ont été restaurés durant la même époque, mériterait en tout cas d'être mieux analysé. La dévotion vouée à la Vierge de la Victoire n’est pas par ailleurs sans rappeler la tradition similaire qui se rapportait à la statue miraculeuse de la Vierge de la chapelle Notre-Dame de la Roquelle, à Coutances. L’attestation en 1603 d’une procession se rendant depuis l'église d'Alleaume à la chapelle du Castellet le jour de la Saint-Marc induit que la chapelle abritait aussi un autel voué à ce saint. Bien que tardive, la statue en plâtre de sainte Agnès, conservée dans la chapelle nord, témoigne probablement d’une dévotion ancienne.

(J. Deshayes janvier 2007)

 

LIEN : Dialogues du patrimoine et de la création contemporaine

2007, Chantal Canuet

2008, Anne Sangra

2009, Christophe Rouil

2010, Tony Guilois

2011, Philippe Lefevre

2012, Fred Lutz

2013, Véronique SABLERY et Yves LEDENT

2014, Michel BEZ

2015 : Eric-Georges MICHEL

2016 : Florane BLANCHE

 

 RETOUR

 

(sorry pour la présentation, ce pauvre crétin de serveur "overblog", en plus de nous gaver de pub, n'est pas fichu de proposer de caractères lisibles !!)

Compte-rendu sommaire du suivi archéologique du creusement d’une tranchée de réseau électrique

Julien Deshayes (Pah Clos du Cotentin/Craham), août 2016.

I - Contexte des observations :

Le mardi 23 aout 2016, les employés municipaux de la ville de Valognes ont ouvert une tranchée à l’intérieur de l’enclos de la chapelle de la Victoire afin d’y faire passer un câble destiné à l’électrification de l’édifice. Ayant été prévenu dans la matinée des travaux qui venaient d’être entrepris, j’ai pu me rendre immédiatement sur place, afin d’apporter une surveillance archéologique au chantier en cours. Le creusement de la tranchée ayant déjà été mené sur environ 5 mètre de longueur depuis le poste électrique placé contre le mur oriental de l’enclos de la chapelle, en direction de l’ouest, il était déjà trop tard pour suggérer un autre tracé, moins susceptible d’affecter les vestiges au sol. De fait, plusieurs structures de maçonneries enfouies avaient déjà été repérées ou pressenties antérieurement, d’abord par observation visuelle des vestiges affleurant (J.L. Adam 1891 ; J. Deshayes 2014), puis par le biais de deux campagnes de détection géophysique menées à l’intérieur de l’enclos de la Victoire, respectivement en mars 2015 (J. Spiesser) et en juillet 2016 (J. Thiesson). Les observations consignées à la suite ont été effectuées entre 10h15 et 14h30. La tranchée a été rebouchée en milieu d’après-midi. Laurent Paez (Inrap), aussitôt contacté par téléphone, a pu se déplacer sur le chantier dans l’heure de midi et venir constater la présence des éléments maçonnés décrits à la suite.

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II - Résultats :

Deux structures maçonnées enfouies (M01 et M02) ont été dégagées sur le tracé d’une tranchée d’environ 60 cm de large sur 80 cm de profondeur, creusée selon un axe est-ouest, parallèle au mur sud du chœur de la chapelle, qu’elle longe à une distance de 1,30 mètre. Une petite fenêtre ouverte en surface, à moins de 10cm de profondeur et à 6,60 mètre dans l’axe du mur occidental de la chapelle sud du chœur, a par ailleurs permis de repérer un autre segment de mur enfoui dans l’enclos de la Victoire (M03) .

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1) Segment de mur (M01) situé dans l’axe du chevet de la chapelle :

La première structure observée correspond à un segment de mur arasé d’orientation nord-sur situé dans l’axe du mur du chevet de la chapelle, à 1,30 mètre de distance de ce dernier. Ce mur présente une épaisseur de 126 cm.

La profondeur de la tranchée qui atteint environ 80 cm sous le niveau de sol a fait apparaître les deux parements en place, des côtés est et ouest de ce segment de mur. Le parement oriental présente à la base un débord marquant l’assise d’un socle de fondation situé à 68 cm sous le niveau de sol en place. Il compte encore 5 à 6 assises en élévation, rendues difficilement dissociables car en grande partie recouvertes d’un enduit de coloration rouge .

Le parement occidental présente 5 assises maçonnées mieux lisibles, formées d’un petit appareil régulier d’un module compris entre 16 et 10 cm de côté, liés par des joints épais d’environ 1,5 à 2,8 cm. Ce second parement a été dégagé sur 38 cm de largeur et 78 cm de profondeur, sans que l’on ait pu repérer l’indice d’un niveau de sol ou de fondation en place.

A la différence du parement précédent, celui-ci ne présente aucune trace d’enduit. Etant orienté selon le même axe et dans le prolongement immédiat du mur du chevet de la chapelle, ce segment de mur présente cependant une épaisseur nettement supérieure aux murs de l’édifice conservé en élévation (env. 76 cm).

La coïncidence d’orientation entre la structure maçonnée enfouie M01 et le mur du chevet de la chapelle semble confirmer que ce dernier est venu prendre appui sur les vestiges d’une construction antérieure, mais en marquant un assez net retrait d’épaisseur par rapport aux maçonneries qui lui servent d’assise.

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2) Parement de mur (M02) sous-jacent au mur sud de la chapelle sud du chœur :

La seconde structure maçonnée rencontrée sur le tracé de la tranchée se situait au point de raccord de cette dernière avec l’extrémité occidentale du mur sud de la chapelle sud du chœur. Il s’agit d’un parement de mur immédiatement sous-jacent au mur gouttereau de la chapelle, auquel il a servi de fondation.

Marquant en épaisseur un débord de 13 cm par rapport aux élévations qu’il supporte, ce parement est constitué comme le précédent d’un petit appareil régulier à joints épais. Six assises sont conservées sur une hauteur de 79 cm, qui prennent appuis sur un socle de fondation repéré en fond de tranchée. La première assise inférieure, d’une hauteur de 18 cm est supérieure aux autres assises qu’elle supporte, comprises elles entre 10 et 13 cm, avec des joints d’une épaisseur de 2 à 3 cm d’épaisseur. Rendu visible sur un dégagement horizontal de 88 cm, ce parement de maçonnerie est en place sur 54 cm, et montre ensuite, côté ouest, une rupture qui correspond à l’amorce d’un retour d’angle formé par un second mur perpendiculaire (M03), orienté plein sud, qui s’est trouvé partiellement arraché.

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3) Segment de mur (M03) situé dans l’axe de la façade occidentale de la chapelle sud du chœur :

Une petite ouverture sous le couvert végétal pratiquée à 6,60 mètres dans l’axe de la façade occidentale de la chapelle sud du chœur a permis de retrouver un segment de mur (M03) perpendiculaire au parement précédent (M02), dans l’axe du retour d’angle venant s’y raccorder. Immédiatement affleurant sous le couvert végétal, celui-ci présente une épaisseur de 124 cm, mais il n’a pas été dégagé en profondeur.

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4) Stratigraphie :

La stratigraphie visible en coupe à l’intérieur de la tranchée, au contact des structures maçonnées M01 et M02 présentait, sous 18/20cm de terreau du couvert végétal, une première épaisseur de remblais de démolition chargée en fragments de tegulae, de briques, de pierre et de mortier, se développant sur 48/52 cm de profondeur, puis se superposant à un niveau inférieur d’occupation riche en déchets alimentaires (coquilles d’huitre principalement, mêlées de charbons). Aucun fragment de poterie domestique n’a été rencontré dans ces remblais. A noter également que la tranchée n’a pas livré non plus d’indices de sépultures, ceci en dépit de la mention faite au XIXe siècle de la découverte d’un sarcophage et des traces d’inhumation qui avaient été relevés à l’ouest de la façade occidentale de l’édifice.

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5) Mode de construction et datation relative :

Le mode de construction en petit appareil régulier de pierre calcaire, prenant appui sur un socle de fondation formant débord, l’épaisseur relative de la maçonnerie, la nature du mortier et de l’enduit rouge de recouvrement de l’un des parements observés permettent d’attribuer ces éléments d’architecture à la période antique. Ce mode de construction est en particulier similaire à celui employé pour la construction des thermes et du théâtre.

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6) Remarques générales sur les structures enfouies :

Les données recueillies sont globalement conformes aux résultats d’interprétation de l’étude géophysique menée en 2014 par J. Spiesser. Elles confirment aussi bien la présence du mur orienté nord-sud, situé dans l’axe du chevet, qui était déjà détectable à l’œil nu sous le couvert végétal, que la présence du second mur qui lui est parallèle (M03) à 7, 70 mètres vers l’ouest. Ces données permettent dans le même temps de mieux préciser les dimensions, la datation et la nature des maçonneries concernées. En sens inverse, le fait d’avoir pu vérifier l’existence d’éléments détectés par la géophysique crédibilise l’interprétation de ces données, en particulier lorsque celles-ci font ressortir d’autres indices de maçonneries partiellement reprises en fondation de l’édifice médiéval. Il en ressort que, par l’ampleur de son plan, l’épaisseur de ses murs et la qualité de leur mise en œuvre, l’édifice antique situé sous l’enclos de la Victoire constituait de toute évidence un bâtiment monumental. Sa position sur le sommet d’un relief, en limite de l’agglomération antique et dans l’axe supposé de l’ancien forum, lui conférait sans doute une position particulièrement significative au sein de la cité. Si les données rassemblées sont encore insuffisantes pour en préciser la fonction, l’option d’un grand édifice public, contribuant à la parure monumentale de la cité, semble devoir être privilégiée.

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7) Articulation avec le sanctuaire médiéval :

L’existence de maçonneries antiques servant d’assise au sanctuaire médiéval, déjà partiellement constatée par l’étude du bâti en élévation et par la détection géophysique, se trouve donc nettement confirmée par les données archéologiques recueillies à l’occasion du creusement de cette tranchée électrique. La reprise en fondation des murs antiques apparaît désormais aussi bien avérée pour le chevet et la façade occidentale de l’édifice, qu’au niveau des murs gouttereaux nord et sud du chœur, qui se prolongeaient jadis par ceux des bas-côtés de la nef. L’existence d’une partition transversale nord-sud courant sous la chapelle au niveau de la séparation entre chœur et nef semble également vérifiée. Ces différents constats démontrent que le plan du sanctuaire médiéval s’est trouvé largement déterminé par l’existence des vestiges antiques. La présence d’un enduit au ciment couvrant, entièrement refait en 1914, empêche malheureusement d’observer les parements intérieurs de l’édifice. L’épaisseur anormale des murs formant séparation entre le chœur et ses deux chapelles latérales (M04 et M05), ainsi que les diverses anomalies repérables dans l’élévation de ces massifs de maçonnerie, suggèrent que les partitions internes du chœur pourraient également avoir pris appui sur des structures antiques, voir même les avoir intégrées alors qu’elles étaient encore partiellement conservées en élévation. Une petite fenêtre de 60 cm de côté ouverte en parement du mur de la chapelle sud du chœur a permis en 2016 d’en lire seulement quelques assises. Celles-ci sont formées de petits moellons irréguliers, disposés en oblique et noyés dans une forte épaisseur de mortier, selon une technique qui évoque un appareil en opus spicatum. Un fragment de terre-cuite architecturale y figure en position de remploi. Ce détail d’élévation apparaît bien distinct dans sa mise en œuvre des structures antiques observées en sous-œuvre. Il est davantage similaire en revanche aux portions résiduelles d’élévation en opus spicatum que l’on peut aussi discerner, malgré leur rejointoiement, sur le mur du chevet de la chapelle, et qui viennent se raccorder directement à l’élévation concernée. Comme nous l’avions indiqué dans une notice antérieure, ces portions d’élévation en opus spicatum se distinguent également des maçonneries appartenant à la phase romane de construction, et constituent visiblement les vestiges d’un sanctuaire médiéval antérieur. Selon l’état actuel des recherches, la récupération des vestiges antiques du Clos de la Victoire et leur intégration dans un sanctuaire chrétien se serait donc opérée en au moins deux phases principales d’intervention. Dans la première phase identifiée il s’agissait d’un édifice à nef unique et chœur à chevet plat bâti au moins partiellement en opus spicatum. Sa datation, bien que comprise vraisemblablement entre la fin du Xe et le dernier tiers du XIe siècle, reste à préciser. Ce sanctuaire « pré-roman » s’est trouvé augmenté et largement remanié dans le second quart du XIIe siècle, lorsque furent adjoint des bas-côtés de part et d’autre du chœur et de la nef. Dans chacune de ces deux étapes, il apparaît donc que l’on vint prendre appui sur des vestiges antiques, qui étaient probablement encore apparents en élévation. La présence de nombreux blocs antiques en remploi (blocs calcaire avec trous de louve, petits blocs cubiques, terres-cuites architecturales…), repérables dans les maçonneries de l’édifice médiéval confirme la récupération massive de vestiges architecturaux antiques au cours de ces deux phases de construction.

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III - Orientations et pistes de recherche :

L’état de conservation des maçonneries enfouies dans l’enclos de la chapelle incite à espérer la conduite d’une fouille plus étendue sur l’ensemble du site de la Victoire, qui permette d’appréhender le plan global et la fonction initiale de l’édifice auquel elles semblent appartenir. L’intérêt du site de la Victoire réside aussi dans la capacité d’étudier la récupération de ces vestiges architecturaux antiques en contexte chrétien. Dans l’état actuel de la recherche, le phasage relatif de la construction médiévale permet de discerner une phase d’implantation antérieure à la structure romane, elle-même restaurée aux XVe, XVIIe et XXe siècles, mais il conviendrait là aussi d’en vérifier l’emprise et d’en préciser la datation. A cet effet, une campagne de dégagement des enduits ciments du XXe siècle qui recouvrent les élévations intérieures de l’édifice offrirait probablement d’importants éléments d’analyse.

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IV - Bibliographie :

~~Abbé ADAM, Notre-Dame de la Victoire, notice historique, Valognes, 1891. Jean CANU, « La chapelle Notre-Dame de la Victoire », L’Ami de tous (doyenné de Valognes), mai 1979, p. 3-4. Julien DESHAYES, « Au seuil du Moyen-âge, la chapelle de la Victoire à Alleaume », Vikland, n°12, printemps 2015, p. 34-36. Julien SPIESSER, Résultats des prospections géophysiques réalisées autour de la chapelle de la Victoire à Valognes, 2014. Laurence JEANNE, Caroline DUCLOS et Laurent PAEZ-REZENDE, L’Agglomération antique d’Alleaume, prospection thématique, décembre 2012, document final de synthèse, 3 volumes, 2013. Laurence JEANNE, Caroline DUCLOS et Laurent PAEZ-REZENDE, La Victoire, sondages programmés 1ère année, Rapport 2013, 2013. Laurence JEANNE, Caroline DUCLOS et Laurent PAEZ-REZENDE, La Victoire/ Le Castellet, sondages programmés 2ème année, Rapport 2014, 2014. Laurence JEANNE, Caroline DUCLOS et Laurent PAEZ-REZENDE, La Victoire/ Le Castellet, sondages programmés 3ème année, Rapport 2015, 2015.

Plan de synthèse des structures observées

Plan de synthèse des structures observées

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