La chapelle de l'ancien hôtel-Dieu avant restauration
I – HISTOIRE DE LA FONDATION
La fondation de l’hôtel Dieu de Valognes remonte en l’an 1497. L'initiative en revient à
Jean Lenepveu, prestre, bourgeois manants habitant du lieu, qui fit à cet effet don d'une maison et mesnage contenant deux vergées ou viron rüe Levesque bornez par laditte rüe,
le douy et le clos du Gisors.
Cette propriété étant tenue en fief de l'abbaye Notre-Dame-du-Vœu de Cherbourg, Lenepveu dû reconnaître qu'il
serait lui-même fondateur et administrateur de l'établissement sa vie durant, mais que l'abbé détiendrait ensuite le droit de nommer à sa tête l'un des chanoines de son abbaye. Cette fondation fut d'emblée
placée sous la dépendance de l'ordre des hospitaliers du Saint-Esprit de Rome, également en charge des hôtels Dieu de Saint-Lô et de Coutances.
Jean Lenepveu était le confesseur de Jeanne de France, comtesse de Roussillon, dame de Mirebeau et de Valognes, fille
naturelle de Louis XI et veuve de l’amiral Louis de Bourbon. Soucieux d’asseoir plus
solidement sa fondation, il obtint de cette dernière le don d'une acre de terre ou environ pour la fondation de l’hôpital, église, maison Dieu et cimetière, située dans le Clos du
Gisors, attenantes à son propre ménage. En retour cependant, Jeanne
de France exigea de se faire reconnaître fondatrice dudit hôpital et maison Dieu, et le privilège de pourvoir et présenter au gouvernement dycelle en lieu et place de l'abbé de
Notre-Dame-du-Vœu. Elle demanda aussi à ce qu'elle-même, ainsi que son défunt époux et les membres de sa famille, soient participants à tous les biens, messes, prières et oraisons dites dans la
chapelle. Le contrat de donation que la dame de Valognes fit établir en date du 28 janvier 1499, précise encore que cet établissement serait édifié sous l'honneur et révérence de Nostre Dame
et de toutte la cour céleste, et stipule que son cimetière serait commun à tous les bourgeois et habitans dudit Vallongnes a y estre inhumez et ensépulturez. Jean Lenepveu se voyait
par le même acte reconnu prieur, administrateur et gouverneur de la nouvelle fondation. Il avait pour charge d'employer les revenus dont il disposait à la construction des bâtiments ainsi qu'à sustenter, recueillir, loger et alimenter les pauvres personnes qui illec viendront et affluront. L’autorisation de
bâtir la chapelle fut octroyée le 15 août 1499 par Geoffroy Herbert, évêque de Coutances. Cette création se vit en
outre soutenue par les principaux notables de la ville, tels le sieur Jallot qui fit don de vitraux, Guillaume le Tellier, baron de la Luthumière, Robert d'Anneville, seigneur de Chiffrevast, ou
Gautier de Ricarville, capitaine de Valognes.
L'hôtel Dieu sur le plan Lerouge de
1767
Dans la typologie de ce type d'établissements, l'ancien hôtel Dieu de Valognes offre un exemple tardif de fondation urbaine.
Son édification, entreprise à l'extrême fin du XVe siècle, se situe encore dans le mouvement de reconstruction qui fait suite à la guerre de Cent ans. En 1433, Thomas de Clamorgan, vicomte de
Valognes, n'hésitait pas à faire savoir que Valognes n'avait alors ni Hôtel Dieu ni religion ! En tant qu'institution
charitable, le nouvel établissement remplaçait d'ailleurs une ancienne maladrerie, attestée au XIIIe siècle sur la paroisse voisine de Lieusaint, en bordure de l'ancienne voie romaine, et dont la
chapelle avait été "terrée à néant". Mais cette fondation
s'inscrivait aussi dans une phase importante du développement de la ville, dont le tissu urbain, auparavant très lâche, tendait alors à se densifier. Au Moyen âge, la villa de Valognes
est principalement formée d'une juxtaposition de grands domaines ruraux et de hameaux dispersés, étendus sur un vaste territoire. Au delà du petit noeud serré des habitations regroupées autour de
l'église paroissiale, au pied du manoir ducal, le bourg proprement dit s'y étire principalement le long de l'actuelle rue des Religieuses et de la rue de la Poterie, dans le fléchissement d'un
axe routier menant de la baie des Veys au port de Barfleur. L'évolution postérieure de la ville, qui ne possédera jamais d'enceinte défensive ni d'autres limites que celle de ses croix de franche
bourgeoisie, mettra longtemps à atténuer cette physionomie très diluée. L'amorce d'un nouvel essor se surtout fait sentir à partir du XVe siècle, avec le tracé de nouvelles rues, les premières
mentions d'hôtels particuliers, le renouveau des constructions religieuses. En 1468, quelques années
avant la fondation de l'hôtel-Dieu, l'implantation d'un couvent de cordeliers avait déjà engendré, au sud-ouest de la ville, l'assèchement de marais et accéléré le développement de la
voirie. Mais, lors de sa
construction, l'hôtel Dieu, situé au point de franchissement d'un passage à guet, jouxte le chemin tendant de Valognes à Yvetot, se trouvait encore aux marges du bourg médiéval.
L'acte primitif de fondation daté du 25 février 1497 précise que cet hôtel Dieu avait pour destination de recueillir,
nourrir et gouverner les pauvres personnes, pèlerins, passants et autres nécessiteux et indigents et accomplir les œuvres de miséricordes. Sa vocation est également précisée dans la
permission donnée à sa création par le général l'ordre des hospitaliers, le 5 octobre 1497, qui lui assigne une fonction ad recipiendum pauperes transeuntes et infirmos ut ibidem de morte
prima Capita reclinent, et orphanos projectos, et infantes bastardos. Le contrat établi par Jeanne de France en date du 28 janvier 1499, mentionnant uniquement le devoir de sustenter,
recueillir, loger et alimenter les pauvres personnes qui illec viendront et afflurontreste plus évasive. Il ne spécifie plus notamment la définition d'un usage destiné aux
pèlerins.
Les fenêtres du chevet de la chapelle (avant restauration).
Quelles que fussent les véritables applications de la vocation charitable de l'établissement - sur lesquelles nous sommes
malheureusement très mal renseignés - il est indéniable que celui-ci répondait aussi aux attentes religieuses de la population Valognaise. Sans avoir le titre d'église paroissial, sa chapelle
tenait manifestement le rang d'un sanctuaire de proximité qui, comme le ferait au XVIIe siècle la nouvelle abbaye des dames bénédictines, attirait à ses offices de nombreux fidèles. La
fonction funéraire qui lui fut assignée par Jeanne de France allait dans le sens d'une telle appropriation, et cela justifie aussi l'importance des proportions de l'église proprement dite.
En 1687, lors de la construction d’un nouvel hôpital, les habitants du quartier se mobiliseront d'ailleurs contre la
désaffectation de l'édifice. Ils en entreprendront, à leurs frais, la restauration et la chapelle sera alors des mieux réparée et décorée. Il n’empêche que
l’autorisation d’y maintenir les offices ne sera, finalement, pas accordée. Passé la Révolution, l’édifice devient un casernement militaire, puis, peu avant 1880, est affecté à un dépôt d’étalon.
Il abrite depuis 2002 le centre culturel de la ville de Valognes.
Flanc nord de la chapelle avant restauration
II – ANALYSE SOMMAIRE DU BÂTI
Les bâtiments de l'ancien hôtel-Dieu regroupent aujourd'hui une aile sur rue et une chapelle formant retour, située sur
l'arrière du bâtiment, au milieu d'une cour. L'aile sur rue a été entièrement remaniée au XIXe siècle et ne présente plus aujourd'hui de lisibilité apparente des structures anciennes. Sa façade
intègre cependant un puits médiéval, conjointement accessible depuis l'intérieur du bâtiment et ouvert sur la voirie publique. Pour le reste, l'intérêt archéologique de cette élévation tient
surtout aux fragments de pierres tombales en remploi et une inscription ancienne, maintenue en dépit des travaux de réaffectation de l'édifice en haras. Ecrite en caractères gothiques, celle-ci
porte quatre vers rimés : "Vous qui passez devant ce lieu / Elargissez vous de vos biens / Il est constant pour Hôtel Dieu / De sustenter pauvres Chrétiens".
L’analyse de la chapelle révèle une évolution complexe, depuis la mise en chantier de l'édifice, à l'extrême fin du
XVe siècle, jusqu’à l’installation du haras au XIXe siècle. Aucune trace d'habitat ou de structures maçonnées antérieures à cette chapelle n'a été observée à l'intérieur des zones
prospectées. Dans sa construction initiale, celle-ci paraît avoir fait l’objet d’au moins deux campagnes de construction successives, marquant une progression d'est en ouest. Achevé
cet édifice était conjointement accessible par un portail ouvrant à l'ouest, dans l'axe de la façade sur rue, par un second grand portail latéral ouvrant du côté sud, et par au moins deux porte
latérales donnant côté nord, sur la cour et le cimetière. La multiplication des accès pourrait, comme on l'a évoqué précédemment, traduire différentes phases successives d'aménagement de
l'édifice. Mais ceci est également indicatif d'une organisation relativement complexe des circulations, dont la distribution visait manifestement à garantir conjointement l'accès vers la rue, la
cour sud, le cimetière et l'aile nord des bâtiments annexes.
Cette chapelle était initialement charpentée et paraît avoir été couverte, dans sa phase primitive de construction, par une
couverture en tuiles.
Le bâtiment, situé contre le flanc sud de la chapelle, correspond à une adjonction effectuée dans un second
temps. Au XVIIe siècle, toute la chapelle a été remaniée et modernisée, notamment par la construction d’un voûtement sur croisées d’ogives. Au XIXe siècle, l’édifice a été de nouveau profondément
remanié. La façade occidentale a été abattue et reprise selon un tracé différent. Le volume intérieur a été plafonné et cloisonné par des boxes à chevaux. Au cours de ces travaux, de nombreuses
pierres de tailles – sépulture, autel, autres éléments de la construction – ont été démonté.
Les travaux engagés en 2002 à l’intérieur de la chapelle, dans le cadre de l’aménagement du centre culturel de la ville de
Valognes, ont entraîné la suppression des cloisonnements établis au XIXe siècle lors de la création des boxes à chevaux du haras. Ces travaux ont également déterminé le piquetage des
anciens enduits intérieurs, la reprise partielle des maçonneries, et ont affecté les niveaux de sols de l’édifice. Des tranchées ont été percées à l’intérieur de la chapelle et des travaux de
terrassement ont été entrepris dans la cour située sur le flanc nord, à l’emplacement de l’ancien cimetière, attesté par les sources écrites et les plans anciens de Valognes. L’implication
archéologique de ces travaux concerne aussi bien les parties en élévation que les sols anciens, qui ont livrés plusieurs éléments liés à l’affectation primitive du bâtiment.
Julien Deshayes
Le choeur de la chapelle, vue axiale (avant restauration)
ANNEXE : compte rendu des observations menées sur l'édifice lors des fouilles effectuées en 2002.
1 – L'architecture de la chapelle
1a : deux phases de construction pour la nef
La chapelle se compose d’un long vaisseau unique, ouvrant à l'est sur un chœur polygonal à trois pans. La lecture des
élévations permet de restituer une division de la nef en cinq travées de baies, délimitées par d'épais contreforts. L’observation détaillée du bâtiment révèle également une zone de rupture des
maçonneries, à peu près au milieu de la nef. Cette rupture est repérable aussi bien sur le mur nord que sur le mur sud de l’édifice. Extérieurement, la rupture correspond à un changement du type
d’appareillage. Tandis que les deux travées occidentales sont traitées en pierre de taille de moyen appareil régulier, les travées orientales sont édifiées en petit moellon. L’ouverture d’une
tranchée de fondation située assez exactement au niveau de cette zone de rupture n’a révélé aucune fondation au sol. En conséquence, il semble s’agir d’une reprise correspondant à un arrêt
provisoire du chantier, entre deux phases de construction sans doute assez rapprochées l’une de l’autre. Conformément à un usage fréquemment identifié depuis l'époque romane dans l'architecture
religieuse, il est vraisemblable que ce chantier aura progressé d'est en ouest, privilégiant d'abord le chœur liturgique avant de développer sa capacité d'accueil des fidèles.
1b – façade occidentale
Le piquetage des enduits a permis de faire apparaître à l’extrémité ouest du mur nord, le tracé d’un contrefort appartenant à
la façade de l’ancienne chapelle, situé à un mètre quarante en retrait par rapport à la façade actuelle. Le décaissement des sols entrepris dans cette partie du bâtiment a également engendré le
dégagement des assises de l’ancien mur de façade correspondant. Ce mur d’une épaisseur d’environ 1 mètre a été découvert à 52 cm sous le niveau de sol. Un bandeau formant débord de 10 cm, et
marquant probablement un niveau de sol ou d’assise de pavement était visible sur sa face interne, à une profondeur de 75 cm. En partie nord, la surface de mur découverte était en grande partie
composée de carreaux de pavement en pierre de taille. Probablement s’agit t’il de remplois, mais le motif de cet aménagement reste énigmatique. L'existence d'un seuil de portail d'entrée ouvrant
au centre de cette façade peut se déduire de l'usure des pierres de pavement recouvrant une portion de ces fondations. La largeur précise de cette ouverture n'est pas déterminée, mais on peut
toutefois affirmer que celle-ci atteignait pour le moins 1m20. La façade occidentale de l’ancienne chapelle a été détruite au XIXe siècle, pour être reprise et intégré selon un tracé oblique
correspondant à l’alignement de la rue. Il est vraisemblable que l'inscription en vers remployée dans le bâtiment accolé, reconstruit à la même période, provienne de cette façade.
1c – Insertion du voutement.
L'édifice conservait avant travaux des traces encore très lisibles de son ancien voûtement sur croisées d'ogives. Sur les
murs gouttereaux et à l'intérieur du chevet, les maçonneries présentaient des revêtements d'enduit blancs à la chaux, indiquant le rythme des travées que déterminait la portée des voûtes. En
partie haute de la nef des supports composés d'impostes moulurées placées sous la retombées des nervures recevaient chacune trois colonnes engagées. La répartition des voûtains ne respectant pas
l'espacement des baies gothiques, il apparaissait clairement que ce voûtement constituait une insertion postérieure à la phase de construction initiale. L'ornementation appliquée à la sculpture
des supports apparaissait en outre représentative de l'architecture classique de la seconde moitié du XVIIe siècle. On peut en conséquence, de manière assez fiable, attribuer cette
reprise architecturale aux travaux de modernisation documentés en 1687. Dans sa conception primitive, la chapelle de l'hôtel Dieu de Valognes était un édifice charpenté.
1d – Un chœur surélevé
Dans l'ensemble de la nef, un niveau de sol médiéval a été identifié à 70 cm au dessous du niveau de sol actuel. En revanche
le niveau le plus bas des sols d'occupation du chœur est repérable à 10 cm de profondeur seulement. Il devait donc exister un décalage d'environ 60 cm entre le niveau du chœur et celui de la nef.
L’hypothèse d’un chœur surélevé, initialement accessible par quelques marches parait de ce fait devoir être proposée.
1 e – Traces de polychromie
L’encadrement du portail latéral découvert lors du grattage du mur sud de la chapelle présente des traces de peinture noire,
appliquée directement sur la pierre calcaire. D’autres traces résiduelles de polychromie avaient pu être observées précédemment en partie haute du chœur, aux ébrasements des fenêtres datant de la
fin du XVe siècle ou du début du XVIe siècle. Il est vraisemblable que l’ensemble de la chapelle ait reçu, dans son état d'achèvement primitif, un décor peint. Ce dernier
fut recouvert d'un badigeon blanc au XVIIe siècle, et fut nécessairement endommagé lors de la réaffectation de l’édifice au XIXe siècle. La suppression des enduits lors des travaux de
2002 a provoqué la disparition des derniers vestiges de ce décor.
2 - Percements et circulations
2a – portail occidental
Les observations effectuées au niveau des soubassements de l'ancien mur de façade permettent de localiser un portail occidental donnant
accès à la chapelle depuis l'ancienne rue Levesque. Cette ouverture faisait pour le moins 1 m 20 de largeur.
2b - portes latérales
Deux portes latérales sont visibles sur la façade nord de la nef, l'une située à hauteur de la première travée occidentale,
et la seconde ouvrant dans la quatrième travée. Toutes deux sont coiffé d'un arc appareillé et dotées d'encadrements chanfreinés, détails représentatifs des constructions datant de la fin du
XVe ou du XVIe siècle.
Deux autres portes, situées côte à côte, ouvraient également à hauteur de la première et deuxième travée sud de la nef.
Toutes deux se sont trouvé condamnées lors de l'ouverture d'un nouveau portail, simplement coiffé d'un linteau en bois, au XIXe siècle. Le tracé surbaissé de leurs arcs oriente vers une datation
postérieure au XVIe siècle.
2c – Le grand portail sud
Le piquetage du mur sud de la nef a notamment permis de dégager l’encadrement d’une porte
en arc brisé d’environ 3 mètres d’ouverture, dotée de piédroits chanfreinés à doubles ressauts (ill. 4). Cette porte est surmontée par une dalle gravée portant une inscription
latine versifiée en caractère gothique. Celle-ci n’a pas encore été interprétée, si ce n’est la première ligne : Hic est pauper domus …, dont le contenu évoque évidemment la
fonction d’accueil de l’ancien Hôtel Dieu. D’après les observations effectuées sur les structures
murales de l’édifice, il apparaît que ce portail sud ouvrait jadis directement sur l’extérieur de la chapelle, et devait être précédé par un porche avec une toiture charpentée à deux pans. Les
traces d’arrachement du larmier du porche disparu se devinent encore dans les maçonneries externes de l’édifice.
2d – Deux portes jumelles ouvrant dans le sanctuaire
A l’extrémité orientale du mur sud de la chapelle, deux portes jumelles, plus modestes que le portail précédemment évoqué,
ont également été conservées (ill.6). Il s’agit d’ouvertures en plein cintre qui ont été murées, sans doute lors de la destruction d'un bâtiment adossé, avec lequel elles
communiquaient initialement. La fonction et la date de ces percements ne sont pas assurées. Le système de dédoublement des portes pourrait correspondre à la desserte d’une sacristie, qui
aurait ainsi ouvert immédiatement sur le chœur liturgique. La nature des maçonneries de ces ouvertures, comportant apparemment plusieurs pierres de remplois, suggère un aménagement fait à
l’économie. Deux niveaux de seuil différents, correspondant respectivement à chacune de ces deux portes, ont été identifiés, la porte la plus orientale se trouvant à -15 cm et sa voisine à – 30
cm. Ce décalage de niveaux s’explique par la surélévation du chœur que nous avons évoquée précédemment, les portes jumelles s'étant manifestement situées à l’intérieur de l’emmarchement de
l’escalier. Les travaux ont également permis de dégager un lavabo d'autel avec étagère abrité sous un arc en accolade à l'intérieur du chœur de l'édifice.
3 - Bâtiments accolés à la chapelle
3a – Le bâtiment
sud
A une date non définie, le portail sud a été intégré à un bâtiment adossé
contre le flanc de la chapelle. L’addition de cet édifice accolé a également occasionné l’obstruction de deux hautes baies à lancette ouvrant initialement sur la façade sud de la chapelle, de
part et d’autre du grand portail latéral. Ce nouveau bâtiment, immédiatement associé au sanctuaire, est encore visible sur le plan de la ville de Valognes édité par Lerouge en 1767. Il s’agissait
manifestement d’une construction sur deux niveaux, disposant à l’étage d’un hagioscope, sorte de judas permettant de voir l’autel situé en contrebas, dans le chœur de la chapelle
(ill. 5). Ce dispositif était potentiellement destiné à des malades contagieux ou incapables de se déplacer, à qui l'on permettait ainsi de suivre les offices sans se mêler aux
autres fidèles. La disparition de cette aile sud, détruite au XIXe siècle, ne permet pas d'en évaluer précisément la date de construction. Divers indices externes permettent cependant
de la placer antérieurement aux travaux de réhabilitation effectués à la fin du XVIIe siècle à l'intérieur de la chapelle.
3b – L'aile sur rue
Une baie en lancette obstruée a été identifiée lors des travaux de 2002 sur la première travée occidentale de la
nef, du côté nord. Il est évident que cette ouverture n'a jamais pu fonctionner en connexion avec l'aile de bâtiment sur rue qui, à ce niveau, prend appuis contre la chapelle. Cette analyse est
également confortée par la présence d'une porte obstruée à encadrements chanfreinés et arc en plein cintre située sous l'appui du mur de ce bâtiment. En terme de phasage relatif, ce corps de
bâtiment correspond bien, pour partie au moins, à une adjonction postérieure à l'aménagement de la chapelle. Si il reste vraisemblable que la maison de la rue Levesque offerte en 1497 par le
fondateur a pu subsister de ce côté-ci de la chapelle, cette dernière devait donc, initialement, se trouver en retrait, et non au contact direct du sanctuaire.
4 – Sépultures et structures au sol
Le décaissement du sol de l’ancienne chapelle a entraîné la mise au jour de deux pierres tombales. La première, située près
du portail mis à jour sur le mur sud de la nef, appartenait à une certaine Roberde Flay ( ?), en son vivant femme de Guillaume Jallot, bourgeois de Valognes, qui
décéda en janvier 1628. La seconde pierre tombale se trouvait dans l’axe de la nef, à peu près au centre de l’édifice. Elle présente une graphie plus ancienne en caractères gothiques très usés,
qui n’ont pas été déchiffrés. Cette pierre tombale est fragmentaire, la pointe ayant été brisée lors de son remploi en fondation sous un poteau établi au XIXe siècle.
Les travaux de prospections ont permis d’observer que cette pierre tombale n’était pas en place. Elle recouvrait une fosse de
80 centimètres cube environ, entièrement remplie d’une succession de lits de dalles calcaire formant cinq niveaux de pavement successifs. Cet aménagement correspond à l’assise de fondation des
poteaux insérés au XIXe siècle pour supporter le plafonnement établi afin de créer un étage résidentiel à l’intérieur de la chapelle. Sous un second poteau, d’autres fondations du même type ont
été observées. Parmi les structures en remploi se trouvaient les fragments d’une large dalle avec bordure à chanfreins et cavets, que nous avons identifié comme une ancienne table d’autel.
Tout le sol de la chapelle est truffé d’ossements humains qui, pour la plupart, semblent fragmentaires et ne paraissent plus
correspondre à des sépultures en place. Deux squelettes complets ont été identifiés et fouillés. L’un à - 85 cm de profondeur, exactement axé face au
grand portail sud évoqué ci-dessus (décubitus dorsal, tête à l’ouest, sans mobilier), l’autre à l’extérieur de la chapelle, entre les deux contreforts de la dernière travée nord-est de la nef.
Plusieurs clous et fragments de cercueil en bois ainsi que les vestiges d’un textile de couleur noire, largement décomposé, recouvrant le corps étaient associé à cette sépulture, qui reposait sur
un sol naturel de plaquettes de pierre calcaire.
La profondeur des niveaux de sols comprenant des débris osseux atteint jusqu’à 80/90 centimètres de profondeur à l’intérieur
de la chapelle. Les sols bouleversés par les travaux en cours comprenaient aussi de nombreux fragments de couverture en schiste, provenant de toute évidence de l'effondrement de la toiture de
l’ancienne chapelle. Quelques fragments de tuiles, certain avec trou de fixation à deux tenons et d’autres avec bourrelet de calage, ont également été ramassés sur le site. Il s'agit probablement
des témoignages les plus anciens de la couverture du bâtiment primitif.
Par endroit, le sol de la chapelle a également conservé un pavement en « carreau d’Yvetot » encore en place.
L’organisation de ce pavement était en particulier visible à l’extrémité ouest de l’édifice, où son tracé suivait la limite de l’ancienne façade occidentale, avant sa reconstruction du
XIXe siècle.
5 - Autres éléments mis à jour lors des travaux
Parmi les autres éléments mis à jour, les ouvriers ont découvert une dalle à inscription qui, retournée, formait l’appuis
d’une fenêtre percée au XIXe siècle dans le mur nord de la chapelle. Cette dalle ne constitue que la moitié de l’inscription primitive. Malheureusement forée pour y fixer des barreaux
de fenêtres, puis brisée lors du démontage récent, cet élément nous est parvenu dans un état lacunaire. L’inscription est en caractères gothiques, très soignés. En couronnement de l’inscription
se trouvait un buste d’ange tenant le cadre du texte à la manière d’un phylactère. Cet élément peut être daté de l’extrême fin du XVe siècle ou du tout début du XVIe siècle. Il s’agissait
manifestement d’une épitaphe.
Une grosse dalle d’emmarchement provenant de l’escalier de l’aile nord a également révélé, lors du démontage, la présence
d’inscriptions en caractères gothiques. Il s’agit manifestement d’un fragment de pierre tombale réemployé au XIXe siècle.
D’autres fragments de pierres tombales sont visibles en remploi sur l’élévation est du bâtiment du haras. Le linteau de l’une
des fenêtres percée au XIXe siècle est notamment constitué d’une dalle funéraire de la fin du moyen âge gravée de caractères gothiques. Il est manifeste que l’aménagement du haras a occasionné la
récupération d’un grand nombre de pierres de tailles provenant des constructions médiévales ou d’anciennes sépultures. Le pillage en règle mené au XIXe siècle explique aussi le caractère très
bouleversé des sols anciens de la chapelle.
L'aspect des supports en pierre formant l'assise des poteaux de bois divisant les boxes à chevaux du haras installé au XIXe
siècle dans la chapelle présentaient une forme octogonale et une taille relativement soignée. Il est vraisemblable qu'il s'agissait là aussi de remploi provenant d'une construction antérieure.
L'hypothèse selon laquelle il s'agirait de bases ayant servi à soutenir les piliers d'une galerie de circulation mérite d'être soulevée. Auquel cas, ces éléments permettent d'envisager la
question d'une structuration de l'espace de la cour, entre la chapelle et d'autres bâtiments annexes.