L’église paroissiale Saint-Malo de Valognes est citée pour la première fois dans une charte du duc Guillaume le Bâtard, vers le milieu du XIe siècle. De l’ancienne église romane, jadis située à proximité du manoir ducal, seuls subsistent aujourd’hui quelques éléments de sculpture, retrouvés lors des travaux de la Reconstruction (conservés au Musée des Vieux Métiers de la ville). Le chœur de l’église actuelle, réédifié vers le milieu du XVe siècle, constitue l’un des plus remarquables représentant de l’architecture de style gothique flamboyant de Normandie. Il présente extérieurement une silhouette élancée, articulée par de puissants contreforts, dont la monumentalité est renforcée par la présence d’une crypte formant soubassement. Au sommet de l’élévation, une balustrade ajourée de quadrilobes relie les pinacles hérissés de gargouilles grimaçantes. L’intérieur du sanctuaire surprend par son spectaculaire étagement des voussures, s’additionnant au dessus des grandes arcades pour supporter la galerie de circulation qui courre à l’étage des fenêtres hautes.
Nous savons d’après une inscription relevée au XVIIe siècle par Pierre Mangon du Houguet que Thomas Lours et son épouse, avait financé en 1478 la construction du pilier sud ouest de la croisée de l’église, ainsi que l’arc jointif à celui-ci. Cette intervention indique une phase d’avancement du chantier, qui, le chœur achevé, progressait désormais en direction de la nef. La construction de la façade occidentale fut terminée peut avant 1532, date de la fondation de la chapelle du Saint Sépulcre, située à son revers, qui fut dotée et ornée cette année là d’une grande verrière et de deux statues. Cette façade était constituée d’un haut mur pignon accolé de fines tourelles d’angle et flanqué de bas côtés couverts de toitures à double pente. Elle était initialement divisée en trois niveaux par d’étroites galeries à balustrades et percée en son centre d’une grande baie circulaire. Le porche abritant le portail occidental constituait un élément architectural de qualité exceptionnelle et d’une grande originalité. Plutôt que de s’avancer vers l’extérieur de l’édifice, celui-ci était inséré en creux, dans l’épaisseur de la façade. Cette solution répondait à la contrainte imposée par un tissu urbain très resserré, interdisant tout empiétement sur la voirie. Couvert de voûtes sur croisées d’ogives ce porche ouvrait sur la rue par un haut arc en accolade couronné d’un gâble à fleuron. Son entrée se trouvait divisé en deux arcades par un pilier central formé d’une curieuse colonne annelée au fut inférieur orné d’écailles (un motif copié de l’architecture romaine). Avant que ces ornements ne soient détruits par les huguenots lors des guerres de Religion, les encadrements et les tympans du portail étaient entièrement tapissés de sculptures. On y trouvait notamment « représentés dans un paysage deux éléphants portant deux châteaux et l’arbre généalogique de la Vierge ». Auprès du porche, figurait aussi « une statue assez mal faite et mal placée » représentant selon la tradition maître maçon Halli Berghot, « lequel tenant un plomb à la main tomba de l’une des deux tours et se cassa le col ». Les photographies antérieures aux bombardements de la seconde guerre Mondiale laissent apparaître des niches creusées dans les ébrasements intérieurs du porche ainsi qu’un riche décor d’ornements végétaux recouvrant les voussures. Si cette architecture appartenait encore au style flamboyant, les huisseries en revanche affichaient clairement leur appartenance à la première Renaissance. Les vantaux de bois étaient sculptés de panneaux en reliefs montrant l’Assomption de la Vierge et la Transfiguration du Christ, placés sur un registre d’arcatures ou venaient se loger des figures d’apôtres. Les panneaux étaient ornés de candélabres, de cartouches, de pilastres et de petits chapiteaux composites.
Avant la dernière guerre, la porte d’entrée ouvrant au nord au bas de la nef de l’église Saint-Malo, du côté de l’actuelle place Vicq d’Azir, constituait un bel exemple d’ornement Renaissance. Celle-ci était couronnée de pots à feu et coiffée par un tympan orné d’un vase et de rinceaux d’acanthe. Elle était encadrée de profonds ébrasements en fasces et par d’étroits pilastres à décor de cercles et de losanges.
Le dôme réputé « florentin » qui couvrait la tour de l’église Saint-Malo faisait avant guerre la fierté des valognais. Planté sur une base octogonale ajourée en lanterne et couvert de dalles de pierre, il s’hérissait d’un lanternon, de gables et de frontons en pyramidions. Cet ouvrage restait toutefois d’une écriture assez sobre et bien qu’appartenant à une Renaissance déjà tardive, il s’harmonisait avec l’architecture flamboyante du reste de l’édifice. Le marché passé pour sa construction nous a été conservé, ainsi qu’un dessin à la plume montrant sommairement le projet en élévation. Nous savons ainsi qu’il fut édifié entre 1607 et 1612 par le maître maçon Richard Gobey, originaire de Hamblie, au compte de la fabrique et sous le contrôle actif du trésorier Gourrault. Le contrat stipulait que la construction se consisterait en « un dosme en forme d’imperialle de carreau », édifié en pierre de Valognes et d’Orival et qu’une ceinture de plomb viendrait en consolider la base. Quelques comptes de travaux, indiquant notamment le coût du transport de la pierre calcaire du Bessin acheminée via le port de Quinéville, ont été publiés.
Véritable morceau de bravoure architectural, le choeur de l’édifice contraste aujourd'hui avec la sobriété dénudée de la nef, intégralement reconstruite après les bombardements américains de 1944. L’architecte Yves-Marie Froidevaux (également connu pour la restauration de l’abbatiale de Lessay) a privilégié une esthétique résolument moderne, où les piliers légers à l’épiderme de béton brut soutenant la voûte dégagent un volume ample et lumineux. Une tour de croisée formant lanterne a remplacé l’ancien dôme Renaissance, qui faisait jadis la fierté de la ville. Sur son flanc sud, l’église est précédée par un petit baptistère de plan carré et par un long porche couvert, dont chaque pilier est orné d’une figure de prophète biblique.
(J. Deshayes avril 2008)