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Ce site présente les actualités proposées par l'équipe du Pays d'art et d'histoire du Clos du Cotentin. Il contient également des dossiers documentaires consacrés au patrimoine et à l'histoire de Valognes, Bricquebec et Saint-Sauveur-le-Vicomte.

Ferme de Durécu

Propriété privée / accès réservé / possibilité d'hébergement en GITE

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I - Données historiques sur la propriété (éléments provenant pour l'essentiel des recherches de M. Jack Lepetit-Vattier).

Jean Estricard, membre d’une famille de bourgeois implantés à Bricquebec depuis au moins le XVIe siècle, portait en 1621 le titre de « sieur de Durécu », du nom de la propriété qu’il avait lui même constitué dans la mouvance de la baronnie de Bricquebec et de la seigneurie des Perques. En 1635, Jean Estricard détenait l’office de « greffier ordinaire de la maitrise » de Bricquebec. De 1639 à 1663, cette terre était tenue par son héritier et homonyme, maître Jean Estricard, sieur de Durécu, avocat, contrôleur au domaine de Bricquebec, lieutenant particulier du bailli de la haute justice. Ce dernier avait épousé en 1634 une demoiselle Messent. Il donna en 1662 démission de son office et mourut probablement la même année. De 1663 à 1704, Durécu est en possession de son frère cadet, maitre Germain Estricard, antérieurement sieur du Quesnoy, qui se déclarait alors bourgeois de Saint-Malo. Germain Estricard est également cité en 1669 comme « escollier juré en l’université de Paris ». Il résidait en 1670 à Sénoville, chez son oncle, curé du lieu. En 1709, Marie-Marguerite Estricard, devenue héritière de la terre de Durécu, la baillait en fermage. La propriété fut ensuite transmise en héritage à François Guillaume Lefol, écuyer, sieur de la Lande, capitaine de vaisseau de la compagnie des Indes. C’est ce dernier qui, en 1772, vendit la propriété à Georges Ambroise Lepoittevin, meunier du moulin de Gonneville. Durécu se composait alors d’une « maison manable à usage de salle, cellier, les chambres et greniers dessus », et de trois autres maisons servant de grange et étable, de pressoir et cellier et d’étable. Au nombre des terres énumérées dans l’acte de vente, sont citées « la maitrise », le « clos du moulin » ou encore le « prey Bataille » et « la bataillerie ». Décédé en 1780, Ambroise Lepoittevin laissa un fils, Paul Lepoittevin, est une veuve, Jeanne Desperques, qui se remaria alors avec François Dequesnes et mourut elle aussi sur sa propriété de Durécu, en 1810. Ayant fait fortune comme manufacturier à Rouen, Paul Lepoittevin racheta en 1818 le moulin et le manoir de Gonneville et augmenta ainsi les 20 ha de Durécu de 66 hectares de terres attenantes. Il mourut en 1850, laissant ce domaine à sa veuve et à ses deux filles. L’une d’entre elles, Laure-Marie-Geneviève Lepoittevin conçu de son union avec Gustave François Albert de Maupassant le célèbre écrivain Guy de Maupassant (5 août 1850- 6 juillet 1893). Lors de la succession de 1850 sont mentionnés « la ferme et les moulins de Durécu » ainsi que les quarante parcelles constituant cette propriété. Les héritiers de Paul Lepoittevin revendirent en 1860 l’ensemble du domaine de Durécu-Gonneville, qui fut ensuite démembré en plusieurs lots. Durécu appartient aujourd’hui à M. et Mme Halley Desfontaines.

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II - Approche du bâti

La ferme de Durécu se compose actuellement de quatre bâtiments principaux, parmi lesquels peuvent être identifiés l’ancienne grange, le pressoir, un bâtiment d’étables et le logis. Au nombre de dépendances figurent aussi un terrain semblant correspondre à l’ancien jardin potager et, derrière la grange, le coursier d’un moulin disparu.

La grange, bien qu’accolée sur l’arrière d’un appentis servant de remises pour les véhicules, a conservé ses élévations du premier tiers du XVIIe siècle. Le pressoir à cidre, récemment transformé en gîte, conserve également certaines de ses dispositions originales, en particulier le petit corps en saillie sur l’arrière du bâtiment, qui servait à loger la longue étreinte du « ponceux ».

Le logis est un édifice de petites dimensions, comptant un seul étage sous un niveau de combles et abritant deux pièces par niveaux. En rez-de-chaussée, l’accès à la salle et au cellier se faisait initialement par deux portes distinctes. Tandis que la porte donnant sur la salle se signale par son linteau droit à larmier orné d’un blason buché, la porte du cellier est abritée sous un arc en plein cintre. Toutes les baies du rez-de chaussée, côté façade, sont maçonnées en pierre de taille calcaire et équipées d’arcs de décharge en brique rouge, induisant un effet de polychromie assez original. Le même type d’ornements se retrouve non loin, au manoir de l’Epinay, sur la commune des Perques et apparait en Cotentin caractéristique d’une Renaissance déjà tardive. La division des fenêtres de l’étage par des traverses et meneaux de section carrée rattache également cette construction à l’extrême fin du XVIe siècle ou au premier tiers du XVIIe siècle. Au niveau des sablières, la façade s’agrémente des trous de boulins d’une ancienne volière à pigeon et l’on remarque aussi, auprès de deux des fenêtres de l’étage, d’énigmatiques plaquettes de pierre manifestement destinées à supporter ou exposer quelque chose. On relèvera aussi que l’escalier en vis, au lieu de prendre place dans une tour hors-œuvre reportée en façade postérieure, venait s’inscrire dans un retrait échancré dans l’épaisseur même du mur. Désormais supprimé cet escalier a été récemment remplacé par un escalier droit et une fenêtre a été percée à son emplacement.

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En dépit de modifications intervenues sur certaines ouvertures (les fenêtres latérale de la façade ont été agrandies vers le fin du XVIIIe siècle ; deux fenêtres ont été ouvertes au mur pignon nord à la fin des années 1990…) Durécu constitue encore un bel exemple de logis traditionnel cotentinais édifié dans les toutes premières décennies du XVIIe siècle. Portant titre de « sieurie », il est caractéristique d’un habitat de statut moyen, occupant une sorte d’échelon intermédiaire entre la demeure noble et la simple maison paysanne. Par le rang de ses bâtisseurs - bourgeois détenteurs d’offices – Durécu apparait enfin représentatif de toute une série d’édifices, bâtis à la Renaissance par les représentants de ces nouvelles classes sociales alors en pleine expansion.

Julien Deshayes (mai 2011)

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