Ce site présente les actualités proposées par l'équipe du Pays d'art et d'histoire du Clos du Cotentin. Il contient également des dossiers documentaires consacrés au patrimoine et à l'histoire de Valognes, Bricquebec et Saint-Sauveur-le-Vicomte.
68, rue de Poterie
L'hôtel le Poerier de Portbail était au début du XVIIIe siècle en possession de Nicolas René Muldrac, seigneur de Sainte-Croix. A son décès, en juillet 1710, l'hôtel revint à son épouse Marie-Anne Le Bourgeois, puis fut transmis en 1741 à ses deux filles. Ces dernières avaient épousés d'importants seigneurs du Cotentin ; la première, Anne, étant mariée à Louis François de Hennot seigneur et patron d’Octeville-l’Avenel, et la seconde, Catherine, à messire Georges-Charles Clérel, seigneur et patron de Tocqueville. Plutôt que de partager l'hôtel, ces dernières en gardèrent, durant plusieurs années, la propriété commune. L'hôtel ne fut vendu conjointement que le 10 février 1753, à François René de Hennot, seigneur et patron du Rozel. L'acte de vente précise que l'édifice était alors constitué d'un « corps de logis consistant en maison manable, escalier, écuries, remises, cuisine, celliers, boutique et autres aistres, cour et jardin potager, 4 ou 5 vergées, jouxte et butte la rue de Poterie ».
L'hôtel du Poerier de Portbail sur le plan Lerouge, 1767
Le 27 octobre 1768, Gérôme Bignon, seigneur et patron de Joganville, époux de Marie Bernardine de Hennot, fille et unique héritière de Pierre François de Hennot, revendit l'hôtel à un autre membre de la famille, André de Hennot, colonel général de dragons, seigneur et patron d’Octeville l’Avenel, seigneur également de Gorges, du fief de Saint-Nazaire à Gréville-Hague et de Crosville. En 1787 André de Hennot employait à son service dans son hôtel de la rue de Poterie un maître d’hôtel, un cuisinier, un valet de chambre, une femme de chambre, un cocher, un jardinier, une gouvernante, une sommelière, une lingère et deux laquais. Le 1er nivôse an 11 (22 novembre 1802), la veuve de ce dernier, Catherine de Thieuville, et son gendre Auguste-Pierre de Blangy échangèrent l’édifice, ainsi que plusieurs terres, contre le château de Saint-Pierre-Eglise, avec M. Erard de Belisle. En 1808, après la mort de ce dernier, sa veuve, Constance Simon de Carneville (1749-1825), revend la l'hôtel à M. Henry François Delanoüe, qui s’en sépare à son tour en 1815 au profit d'Adrien Bernardin Louis du Poërier de Portbail (1768-1855)."Uni en 1810 à Joséphine Françoise de Chivré (1787-1831), fille du puissant détenteur de Sottevast, cet ancien colonel chef de division dans l’armée de Frotté en 1797, chouan et émigré, s’est distingué parmi ses pairs par son opposition résolue au gouvernement impérial" (Bruno Centorame).
Le 14 mai 1861, Louis Hervé de Portbail, son héritier, vend la propriété à Marie Mottley, veuve d'Alexis de Tocqueville. Elle y décéda le 2 décembre 1864, léguant la propriété à Gustave Auguste de la Bonnivière de Beaumont, ancien ambassadeur, ancien député et membre de l'Institut. En juin 1888, l'hôtel est revendu par le fils de ce dernier, Antonin Emile Jules de la Bonnivière de Beaumont, chef de bataillon dans l'armée d'Algérie, à Joseph Bertin de La Hautière, qui y résidait déjà antérieurement, en tant que locataire, avec son épouse Mathilde Anna Revault. Il est signalé lors de cette vente que la maison comprenait "notamment cuisine, salles à manger, salon, bureau, chambres, cabinets, greniers, mansardes, communs grande cour et jardin", et que les clotures et toitures de l'édifice nécessitaient réparation. L'hôtel appartient aujourd'hui à M. Henri de Tourville.
L'hôtel de Poërier de Portbail est formé d'un long corps de logis de neuf travées longeant la rue de Poterie et d'une aile en retour fermant la cour. Cet édifice intègre en rez-de-chaussée des portions significatives d'une construction Renaissance, datant de la seconde moitié du XVIe siècle. Tout l'étage en revanche a été entièrement réinvesti et modifié dans la première moitié du XVIIIe siècle et les ouvertures de façade ont été modifiées et réordonnancées. La cour s'accède par une porte cochère, encadrée de pilastres doriques. Les six grandes baies à garde-corps en ferronnerie du premier étage éclairent les pièces en enfilade de l'étage noble, composé d'un salon, salle à manger et deux chambres. Les moellons du parement sont aujourd'hui apparents mais la façade était initialement enduite. La liaison entre le corps principal et l'aile en retour s'effectue par un corps de bâtiment coiffé d'une haute toiture en pavillon abritant un escalier monumental. Cet escalier tournant se compose d'une première volée droite menant à un repos, suivie d'une seconde volée double à montées divergentes donnanyt accès à un large palier suspendu. Cette articulation relativement savante permet de compenser les différences de niveau entre les deux ailes, héritage de la construction d'époque Renaissance initialement dotée d'un escalier en vis. L'aile en retour située en prolongement ne possède qu'une porte d'entrée en rez-de-chaussée, et deux grandes fenêtres passantes au premier étage, éclairant une chambre à coucher initialement dotée d'une alcôve encadrée de deux cabinets.
Stéphanie Javel / Julien Deshayes