Le site de Brix sur la carte de Mariette de la Pagerie (1689)
Le château de Brix ne subsiste plus aujourd’hui qu’à l’état de vestige mais il fut l’un des plus importants lieux de pouvoir du Cotentin médiéval. La nature du site, éperon établi sur une hauteur dominant tout le nord de la presqu’île, justifie l’hypothèse d’une implantation très ancienne, remontant de toute évidence à l’époque protohistorique. Cette phase précoce de mise en défense se distingue en particulier par un remarquable ouvrage fossoyé, large talus de plus de huit mètre de haut coupant sur environ 500m toute la pointe du relief.
Flanc occidental du "haut mur" de Brix, dans sa partie conservée
Malheureusement miné dans l'indifférence générale par des constructions nouvelles, le "Haut Mur" de Brix peut être comparé à d'autres ouvrages défensifs fossoyés du Cotentin, en particulier au célèbre Hague-Dick ou bien à l'éperon de la Lande à Carnet, sur la commune de Vauville, réçemment étudié par Fabien Delrieu. La découverte de plusieurs dépôts datant de l'âge du bronze aux abords du site offre un indice possible de datation de cet ensemble. Brix a également livré aux prospecteurs d'assez nombreuses monnaies du Haut Empire, ce qui pourrait témoigner d'une continuité d'occupation du site, au delà de la conquête romaine. Mais cette fortification est connue également par un célèbre document du haut Moyen-âge, la Chronique de l'abbaye de Fontenelle, indiquant qu’elle était devenue, au milieu du VIIIe siècle, le site d'un bourg rural et la résidence d’un puissant aristocrate local. L’analyse de ce texte, la comparaison également que l’on peut établir entre le site de Brix et d’autres fortifications de cette période, permet de souligner le rôle tout à fait important qu’il occupait alors à l’échelle de notre territoire. Sans développer ici toute cette analyse, retenons principalement que trois églises y auraient alors été fondées à l'initiative du comte Richwin, représentant du pouvoir carolingien, suite au transfert de reliques provenant de l'abbaye de Portbail. Probablement détruit à la fin du IXe siècle, lors des incursions scandinaves, le château de Brix fut ensuite rattaché au domaine des ducs de Normandie.
C’est à ce titre qu’il est cité, dès 1025, aux côtés de la cité de Coutances, du château de Cherbourg et de la « cour » de Valognes, dans le douaire constitué pour Adèle de France, épouse du duc Richard III. Il est possible d'attribuer à une phase d'occupation de l'époque ducale les fortifications subsistantes à l'état résiduel sur la pointe du relief, à l'intérieur de la propriété (privée !) du château proprement dit. La seule étude archéologique significative consacrée à ces vestiges résulte des travaux menés dans les années 1970 par Frédéric Scuvée, dont nous reproduisons ici un relevé topographique.
Relevé topographique du site du château de Brix, par Fréderic SCUVEE
L'an 1180, les rouleaux de l'échiquier de Normandie font état de travaux effectués sur la charpente de la "domus" (maison/logis) et les palissades du château, aux frais du trésor ducal. Le module des pierres de taille calcaire et les traces de layage visibles en parement sur les rares structures conservées en élévation permettent d'en situer la datation dans le courant du XIIe siècle.
Brix, site du château, détail de maçonneries romanes
L'état des structures ne permet pas - faute d'une étude suffisante - de restituer l'aspect général de l'édifice. Au regard des éléments visibles sur le terrain, l'hypothèse d'une structure à enceinte maçonnée du type "shell-keeps" semble toutefois la plus vraisemblable.
Ouvrage fossoyés délimitant côté ouest l'emprise du château
En revanche - contrairement à ce qu’affirment depuis des décennies les historiens locaux – cette forteresse n’a jamais appartenue à la famille de Brix, dont la descendance fit souche après 1066 dans le nord de l’Angleterre et atteint ensuite, sous le nom de Bruce, au titre de roi d’Ecosse. En définitive les de Brix n'étaient que les intendants de ce château ducal, sorte d’administrateurs héréditaires, ne jouissant en bien propre que d'une portion du domaine à titre de rémunération de leur office. Cela explique aussi pourquoi, en 1204, lors de la conquête de la Normandie par le roi Philippe Auguste, l’édifice se trouva désaffecté et ses dépendances progressivement démembrées…
(Résumé succinct de la conférence donnée à Brix le vendredi 20 janvier 2012, J. Deshayes).