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Ce site présente les actualités proposées par l'équipe du Pays d'art et d'histoire du Clos du Cotentin. Il contient également des dossiers documentaires consacrés au patrimoine et à l'histoire de Valognes, Bricquebec et Saint-Sauveur-le-Vicomte.

La cour aux gendres ou "cour Clamorgan"

14, Rue de l'officialité (ensemble disparu)

 

Il existait au cœur du Valognes d’avant-guerre un ensemble imbriqué de propriétés regroupées autour d’une vaste cour, qui ouvrait au nord par un passage couvert donnant sur la rue de l’Officialité, presque au chevet de l’église Saint-Malo, et s’étendait au sud jusqu’à la rivière du Merderet, sur les arrières de l’actuel Musée des vieux métiers (hôtel de Thieuville). Le nom usuel sous lequel les vieux valognais connaissaient cet ilot apparaît déjà en 1751 dans un document  mentionnant la « cour vulgairement depuis plusieurs années appelée la cour aux gendres ». Cette mention fait directement référence aux frères Nicolas et René Legendre, nés à Teurthevillle-Bocage, qui exerçèrent à Valognes la profession d'ébéniste, architecte et entrepreneurs durant le premier tiers du XVIIIe siècle. On devait en particulier à Nicolas Legendre la construction de l'un des bâtiments de l'hôpital de la ville et la réalisation des très belles stalles de choeur de l'église Saint-Malo. Nicolas fut le père de Jean-Gabriel Legendre, né à Valognes le 30 décembre 1714, qui fit une brillante carrière d'ingénieur du roi en charge de la généralité de Châlons (cf. sur ce personnage article de la revue VAL'AUNA du premier semestre 2013). La "Cour Legendre" abrita aussi la librairie des imprimeurs Clamorgan et la maison familiale du médecin Félix Vicq d’Azir.

 

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La cour aux Gendres et la maison Lerouge, plan de 1767

 

Le 18 septembre 1718, les frères Nicolas et René Legendre passaient un accord avec l’imprimeur Joachim Clamorgan pour l’acquisition commune d’un corps de logis appartenant antérieurement à Thomas le Coutre, sieur de Sauxmesnil, situé « dans la bourgeoisie de Valognes, au grand-carrefour dudit-lieu ». Chacun des deux contractants s’attribuait ainsi une portion distincte d’un immeuble avec boutique donnant sur la rue, passage couvert, escalier, puits et autres dépendances sur l’arrière de la propriété, en maintenant la cour dans leur jouissance commune. Deux ans plus tard, le 19 janvier 1720, l’inventaire après décès de René Legendre était dressé dans la partie d’habitation revenant à sa veuve, Louise Moysi. Ce document est assez décevant car il ne mentionne à l’intérieur de la salle et de l’unique chambre du défunt aucun outil, ouvrage ou autre élément se rapportant à son activité professionnelle. L’atelier des Legendre devait bien cependant occuper une partie de l’édifice car un nouvel acte notarié, passé le 15 janvier 1722 pour régler leur succession, évoque « les immeubles, biens et outils qui appartenaient en commun à Nicolas et René Legendre, frères ». Il semble, à la lecture d’autres transactions, que cet atelier occupait une « maison nouvellement rétablie » située non sur la rue mais sur l’arrière de la cour commune. La propriété de ce lot passa ensuite aux héritières de René, les demoiselles Marie et Anne Legendre, qui s’en séparèrent le 2 mars 1747 au profit de François Chaulieu, avocat et bourgeois de Valognes.



 

Hotel-Valognes-1924--AD-50-.jpg

La "Maison Lerouge" et la Cour aux Gendres par Lepeuple, 1924 (coll. archives de la Manche)

 

A la mort de Nicolas, survenue le 8 décembre 1730, l’autre part d’héritage des frères Legendre fut en revanche transmise à son fils aîné, Jean(-Gabriel), alors âgé de 16 ans. Le 18 mai 1739, parvenu à la majorité et se présentant comme « bourgeois de Caen », le futur ingénieur de la Généralité de Châlons cédait son lot à Jean Vicq sieur de Valemprey et au sieur Felix Vicq. La portion d’immeuble acquise par le sieur de Valemprey fut revendue en 1756, par sa veuve, Marie Gaucher, au profit de Guillaume Corval, marchand. L’acte de vente stipule que « laditte veuve venderesse » intervenait comme « acquéreur du sieur Legendre, ingénieur ». Le 1er juillet 1774 Félix Vicq d’Azir (le père du médecin de Marie-Antoinette) revendait l’autre part au sieur Corbin de l’Epine. La propriété comportait alors « deux salles sur la rue avec boutiques, un vestibule entre les deux, deux chambres au premier étage, des combles couverts d’ardoise, un cabinet avec balcon sur la cour et un escalier ». Elle fut rachetée le 4 janvier 1776, par le sieur Orange, qui ne tarderait pas en entrer en conflit avec les héritiers Clamorgan, ses voisins, pour des problèmes de mitoyenneté. Au début du XIXe siècle, les cinq filles du sieur d’Orange exerçait dans l’ancienne demeure des Legendre une activité de mercerie. En 1806, l’une des sœurs amputa cet héritage en cédant sa part à Baptiste Laurent Despinose, receveur des contributions de Valognes.

La « Cour aux Gendre » comprenait encore d’autres bâtiments situés en fond de parcelle, au contact de la rivière. L’un d’eux appartenait au milieu du XVIIIe siècle à Michel Pinel, avocat. En 1774, le fils de Michel Pinel, Guillaume Pinel sieur de Falaize, revendait ce bien à l’abbé Charles Louis d’Hauchemail, propriétaire de l’hôtel dit « de Thieuville », pour en agrandir les dépendances. Un autre corps de logis compris dans cet ensemble, appartenait en 1780 au sieur Lerouge. Jacques Lerouge, époux de Françoise Pottier, avait été fermier des greffes du tribunal de Valognes puis procureur au bailliage. Il apparaît encore en 1786 dans un recensement de la population valognaise avec la mention « ancien procureur ». Parmi les jeunes clercs passés par son étude figure en particulier Jean-Baptiste Lecarpentier, devenu célèbre en tant que délégué de la Convention nationale durant la période révolutionnaire

 

 

 

J. Deshayes

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