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Ce site présente les actualités proposées par l'équipe du Pays d'art et d'histoire du Clos du Cotentin. Il contient également des dossiers documentaires consacrés au patrimoine et à l'histoire de Valognes, Bricquebec et Saint-Sauveur-le-Vicomte.

Le Valdecie, éléments d'histoire communale

 

Géographie physique

Le territoire de la commune du Valdecie occupe le flanc nord d'un relief qui s'atténue progressivement depuis le sud, au lieu-dit le Haut de la Ferrière situé à 113 m d'altitude, vers cours de la rivière de Scye qui le borde au nord. Les limites de ce territoire sont assez nettement dessinées par son cadre géographique, puisque, outre la rivière Scye, il est bordé par les ruisseaux de Renon à l'ouest, et du Brécourt à l'est. Côté sud, ces frontières sont plus indécises, prenant conjointement appuis sur d'anciennes routes (ancien chemin dit de Bricquebec à Fierville et chemin dit de Barneville) et sur la ligne de crête des reliefs. La situation administrative de la commune, détachée de Barneville et rattachée depuis seulement 1950 au canton de Bricquebec, est indicative de sa situation un peu marginale, aux confins de plusieurs territoires constituant jadis d'importants domaines féodaux (seigneuries de Barneville, Bricquebec et Néhou-Saint-Sauveur).

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Le Valdecie sur la carte de Tardieu, XVIIIe siècle

 

Géographie historique : la forêt

La première occurrence référencée concernant la paroisse du Valdecie est comprise dans une charte de confirmation des possessions qu'y détenait l'abbaye de Saint-Sauveur-le-Vicomte, datant des environs de 1090. Il y est indiqué que le dénommé Guillaume fils d’Hastench avait fait don à l'abbaye d'un quart de la forêt de Sie (silva Segie) avec l'accord de Néel le Vicomte, seigneur de Saint-Sauveur. Dans la seconde moitié du XIe siècle, les sources écrites ne mentionnent donc pas ce territoire sous le nom du Val de la Scye, comme l'usage s'imposera ensuite, mais sous celui de Forêt de Scye. Vers 1170, d'après une charte du roi Henri II Plantagenêt, on sait que le Valdecie était désormais qualifié du titre de domaine (villa) et qu'il possédait, une église et un moulin. Ce dernier servant naturellement à moudre les céréales cultivées sur la paroisse, c'est que les terres cultivées avaient gagné du terrain et, comme partout ailleurs, la population s'était accrue. En 1689, la carte de Mariette de la Pagerie montre encore l'ensemble de cette paroisse recouvert par les vestiges du "Bosq de la Haye", qui s'étendait aussi sur la commune voisine de Saint-Pierre-d'Arthéglise. Il semble que ce bois de la Haye ait donné son nom au territoire de la Haye-d'Ectot, anciennement nommé la Haye-Barneville (Haya Barneville). Il formait un vaste massif forestier, attenant au nord avec les forêts de la baronnie de Bricquebec, et vers l'est avec celles de la baronnie de Néhou. Les lieux-dits "le Buisson" qui figure sur le cadastre ancien, ou "la Chênaie", visible sur la carte IGN, constituent les toponymes les plus évocateurs de cette ancienne situation forestière. Une portion seulement des anciens bois taillis a subsisté, au centre de la paroisse, sur les pentes situées derrière l'église et le vieux presbytère.

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La Valdecie sur la carte de Mariette de la Pagerie, 1689

 

Les landes

Au début du XIXe siècle, le cadastre ancien atteste surtout l'importance des landes, issues du défrichement et de l'exploitation excessive de ces anciennes forêts, qui dominaient toutes les hauteurs de la commune, depuis le manoir de Gouix jusqu'à la Croix Pelletier et descendait jusqu'aux abords de l'église paroissiale. L'actuelle route départementale 242, allant de l'église au manoir de Gouix, portait encore, en 1826, le nom de "voie de la lande du Valdecie". D'après un aveu rendu en 1749, et en vertu d'usages immémoriaux, les habitants du Valdecie étaient coutumiers aux landes du Bosc de la Haye, situées pour l'essentiel sur la paroisse voisine de Saint-Pierre-D'Arthéglise, et qui dépendaient en indivision des seigneuries du Breuil et de Sortosville-en-Beaumont. Ils devaient pour cela acquitter une redevance de dix œufs, une corvée de charrue et le paiement d'une taxe de deux deniers par bête. Maintenues jusqu'à la Révolution, la communauté des habitants du Valdecie sur ces landes fut supprimée suite à un procès intenté en 1822 par la commune de Saint-Pierre-D'Artheglise. Les quelques portions de terrains communaux de la lande du Bosq de la Haye demeurées sur le territoire communal du Valdecie furent vendues entre 1889 et 1899. Les archives départementales de la Manche conservent un plan des terrains mis en vente, daté du 14 mars 1889. Curieusement cependant, d'après une déclaration rendue en 1584, les habitants du Valdecie, n'auraient possédé aucune terre en commun, ni landes, ni marais, sur leur propre paroisse.

A propos de cette commune, Charles de Gerville décrivait en 1819, A poor thin soil, wretched roads, every thing poor and miserable. Exposé au nord, bien moins fertile que le côté opposé de la rivière, aux Perques, où le soleil du midi à toute sa force. Le fait est qu'aujourd'hui encore, les terres du Valdecie demeurent essentiellement vouées à la pâture, tant en raison du caractère argileux des sols et de l'abondance des écoulements d'eau, que par leur pente souvent prononcée.

 

Les voies de communication

La commune est traversée du nord au sud par la route menant de Bricquebec à Portbail, entre le pont Saint-Paul franchissant la Sye et la Croix Pelletier. Au niveau de la Croix Pelletier, cet axe routier se prolongeait jadis jusqu'à la chaussée des Pierrepont via Besneville et Neuville-en-Beaumont. Il s'agit manifestement d'une ancienne voie antique, menant initialement depuis Coutances jusqu'à la Hague. A l'époque médiévale, la portion de cette route comprise entre Bricquebec à Neuville formait l'une des branches de la "carrière Bertran", une route seigneuriale placée sous le contrôle des barons de Bricquebec. Ces derniers en faisaient chaque année effectuer la visite par leurs vassaux, pour s'assurer de son bon entretien. Dans un aveu rendu en 1456, il déclarent notamment "et peuvent mes hommes visiter lesd. Carrières (Bertran), les tauxer en amende en cas de deffault et eux présentz sont condamnez les négligens de réparer lesd. carrières et amender le meffaict sous quelque justice ou jurisdiction qu'ils soient ".

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Le pont des Perques

Cette portion de route est également mentionnée dans un aveu de la seigneurie de Barneville, sous le nom de "grand chemin du pont Saint-Paul rendant à Pierrepont" et formait l'une des limites de la "banlieue de Barneville", dont l'accès donnait lieu au paiement d'un droit de travers. Jean Barros rapporte notamment le cas de Martin le Vast, qui, le 18 décembre 1541, fut contraint de payer deux écus d'amende "pour demeurer quitte de ses droits de coutume sur 22 moutons poursuivis et arrêtés en la paroisse du Val de Sye pour n'en avoir pas payé ledit droit de coutume, en passant au pont Saint-Paul en ladite paroisse dans la banlieue de Barneville". Ce péage était supprimé une semaine par an, lors de la tenue de la foire de Saint-Paul-des-Sablons (commune aujourd'hui démembrée et intégrée à Baubigny).

 

Eglise paroissiale Notre-Dame

La première mention de l'église est contenue dans un acte de confirmation des possessions de l'abbaye de Saint-Sauveur-le-Vicomte octroyé en 1103 par l'évêque Richard de Coutances. Ce document indique que l'église du Valdecie, avec ses revenus et ses dîmes, venaient alors d'être donnés à l'abbaye par Roger, prêtre de Saint-Pierre-d'Arthéglise, en échange d'une rente de cinq sols par an, jusqu'à sa mort. En 1156, une autre charte épiscopale confirme conjointement à l'abbaye de Saint-Sauveur les églises de Saint-Pierre d'Artheglise (ecclesiam Sancti Petri de Archeto ecclesia) et de Sainte-Marie du Valdecie (de Valle Segia), avec toutes ses dîmes, les terres de l'aumône et ses revenus. Cette concession fut accordée le jour de la dédicace de l'église de Fierville-les Mines, en présence du prieur de la Taille et des seigneurs de Carteret et de Barneville.

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Eglise paroissiale Notre-Dame

Vers 1170, une pancarte de confirmation de l'ensemble des possessions de l'abbaye, octroyée par le roi Henri II Plantagenêt, porte de nouveau mention de l'église Sainte-Marie-du-Valdecie, avec ses revenus et le quart du domaine et du moulin (Ecclesiam Sancte Marie de Valle Segie cum pertinentiis suis et quartam partem ejusdem ville, cum quarta parte molendini). Vers le milieu du XIIIe siècle, le Livre Noir de la cathédrale de Coutances indique bien à nouveau que l'église du Valdecie (Ecclesia Sanctae Mariae de Valle) était sous le patronage de l'abbaye de Saint-Sauveur, et précise que l'intégralité des dîmes de la paroisse étaient perçues par le curé. En 1332, le Pouillé du diocèse confirme ces informations, et mentionne explicitement que le curé y possédait un manoir presbytéral avec vingt vergées de terre.

 En 1205, malgré les actes précis mentionnant sa donation antérieure au profit de l'abbaye de Saint-Sauveur-le-Vicomte, la propriété de l'église (alors qualifiée de chapelle) du Valdecie fut, conjointement à celle de l'église de Saint-Pierre-d'Arthéglise, prétendue par le prieuré de la Taille, situé à la Haye-d'Ectot. L'affaire fut jugée en cour de Rome, qui reconnut l'abbé de Saint-Sauveur comme son légitime patron ecclésiastique. Cependant, les revendications du prieuré de la Taille faisaient selon toute vraisemblance bel et bien référence à une situation de dépendance antérieure. D'après l'analyse que l'on peut proposer de ces sources écrites, il apparaît en effet que la paroisse du Valdecie fut, comme sa voisine de Saint-Pierre-d'Arthéglise, constituée à l'intérieur d'une vaste entité forestière, qui s'étendait aussi sur Fierville et la Haye-d'Ectot. Hors, on sait également que le prieuré de la Taille, avant d'entrer dans la seconde moitié du XIIe siècle en possession de l'abbaye Notre-Dame du Vœu de Cherbourg, avait été précédé par un ermitage, dit "le châtelet du frère Archer". Il y a quelque raison d'estimer que c'est par l'action de cet ermitage, et peut-être du fait de frère Archer lui-même, que se sont initialement développés les sanctuaires de ce secteur. C'est d'ailleurs plutôt de ce frère Archer que d'un scandinave du nom de Arnketill que la paroisse Sancti Petri de Archeti ecclesia semble tenir son nom. Bien que mal connu encore, le rôle exercé par ces ermitages dans l'encadrement religieux des populations rurales du Cotentin et pour le développement des sanctuaires paroissiaux implantés dans les zones forestières fut vraisemblablement tout à fait décisif.

En 1751, l'archidiacre René-Jean Debordes du Plantis, en visite au Valdecie, signalait que l'église ne nécessitait pas de réparations urgentes. Seules de petites portions de la couverture de la nef et la fermeture des fonts baptismaux étaient à réparer. En 1758, le même ecclésiastique demandait que la décoration des autels se trouvant dans la nef soit refaite. Ces travaux n'avaient pas été réalisés en 1783 puisque l'archidiacre écrivait alors "Les deux petits autels de la nef sont dans un état indécent, étant vieux et malpropres. Nous les interdisons dès à présent et nous deffendons d'y célébrer la Ste messe jusqu'à ce qu'ils aient été remis dans un état de décoration convenable". Lors de la même visite, il était également constaté un risque d'effondrement de l'arcade séparant le chœur et la nef. Il fut ordonné en conséquence la suppression du campanile que cet arc supportait, ainsi que la construction d'un nouveau clocher. Ces travaux furent bien réalisés puisque, le 25 mai 1819, Charles de Gerville signalait que l'église avait "naguères un petit campanilier central auquel on vient de substituer un clocher au Nord, entre chœur et nef". Une lettre adressé en 1821 à l'évêque de Coutances par les membres du conseil de la fabrique indique que l'église avait besoin de réparations, les lambris de l'autel tombant en morceaux et la sécurité même des paroissiens étant menacée ; avec une orthographe pour le moins hésitante, ils notaient alors : "Lons est pas ensurté dans Leglise". En 1825, une lettre de l'abbé Jean-Nicolas Hennequin rapporte que "dans la nuit du 25 au 26 décembre une tempête a exercé les plus affreux ravages sur notre église. Tout le comble du chœur a été renversé, le lambris a été brisé, la chaire et les bancs du chœur écrasés et les murs gravement endommagés et en partie détruits. L'autel et toute la partie saillante de la contretable a été froissée et même écrasée par la chute des pierres et de la boiserie".

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Portail occidental (première moitié du XIVe siècle)

L'église actuelle a été largement transformée et remaniée au fil des siècles. Le seul vestige médiéval visible dans l'édifice correspond au portail occidental, encadré de chapiteaux sculptés de motifs végétaux, pouvant dater du XIVe siècle. Le chœur et la nef paraissent avoir été rebâtis dans le courant du XVIe siècle, voir au début du siècle suivant. Sur le flanc sud du chœur, au sommet du mur extérieur, se remarque un cadran solaire en pierre calcaire, daté par inscription de 1771.

La plupart des éléments du mobilier et de la statuaire conservé dans l'église appartient à la fin du XIXe siècle. L'autel majeur enpierre calcaire, orné d’un relief représentant la Nativité entre saint Pierre et saint Paul, est daté par inscription de 1879. Les statues de saint Vincent, patron secondaire de la paroisse, de sainte Thérèse de Lisieux, de saint Joseph et saint Antoine de Padoue sont des productions en plâtre relativement récentes. La plus belle pièce de statuaire est une Vierge à l'Enfant en pierre calcaire de la fin du Moyen âge. Celle-ci est représentée debout, couronnée, portant l'enfant Jésus dans se bras. De manière originale, le petit garçon a les jambes croisées et repose sur le bras droit de sa mère. A signaler également, plusieurs épitaphes insérées dans les murs de la nef. Quatre d'entre elles appartiennent à des membres de la famille de Launoy (Jean de Launoy, décédé en 1585, Jean de Launoy, fils de Jean, décédé en 1587, Gilles de Launoy, mort en 1626, Roberge de Launoy, morte en 1603). Les de Launoy ne sont pas référencés comme nobles, mais ils occupèrent probablement des charges auprès du siège de tabellionnage (ancêtre du notariat) établi sur la paroisse. C'est à cette famille qu'appartenait un théologien et historien célèbre en son temps, qui fut docteur en Sorbonne et écrivit au XVIIe siècle plusieurs traités remarqués de ses contemporains. Figurent également l'inscription funéraire de Michel La Niepce, curé de la paroisse, décédé en 1597, et celle de Pierre Durel des Orailles de Néhou, décédé le 7 mai 1624.

 

Une personnalité originaire du Valdecie : Jean de Launoy

L'historien Jean de Launoy, né au Valdecie le 21 décembre 1603, décédé à Paris le 10 mars 1678, autrement connu sous le nom de Johanni Launoii Constantiensis, est une figure originale du XVIIe siècle. Surnommé "le dénicheur de saints", il a consacré l'essentiel de ses travaux à dénoncer le caractère non historique des vies de saints honorés par l'église catholique. Pour cette raison, le curé de saint Eustache de Paris disait de lui : "Quand je rencontre le docteur de Launoy, je le salue jusqu'à terre, et ne lui parle que le chapeau à la main et avec bien de l'humilité, tant j'ai peur qu'il ne m'ôte mon saint Eustache qui ne tient à rien !" Jean de Launoy est cité par Voltaire parmi les philosophes du siècle de Louis XIV qui contribuèrent "à dessiller les yeux du peuple sur les superstitions qu'il mêle toujours à sa religion". Les nombreux ouvrages, aujourd'hui oubliés, de J. de Launoy ont été réunis sous ce titre : J. I.aunoii opera omnia, Coloniae Allobrogum (1731).

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Vierge à l'Enfant, XVe siècle

 

Ancien presbytère

Le Presbytère du Valdecie est déjà signalé en 1332 dans le Pouillé du diocèse de Coutances. Les bâtiments forment un ensemble de trois édifices regroupés autour d'une cour et abritant respectivement le logis, le pressoir à cidre et la grange, ainsi qu'une remise formant retour. Un puits est installé à l'entrée de la cour. Le cadastre de 1826 montre qu'il existait aussi un petit édicule, peut-être une boulangerie, à l'intérieur du jardin situé sur l'arrière du logis presbytéral.

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L'église et le presbytère sur le cadastre de 1826

Tous ces bâtiments sont édifiés en plaquettes de grès local, avec des apports de pierre calcaire des environs de Valognes ou de granit de la région des Pieux, pour les encadrements de portes ou autres éléments structurants de la construction.

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Ancien presbytère, détail de maçonneries médiévales

 Le logis presbytéral comprend encore des éléments de maçonneries pouvant dater de la première moitié du XVe siècle, voire du XIVe siècle, mais il a fait l'objet d'un remaniement important vers le milieu du XVIIe siècle. A cette date, furent notamment installés une belle fenêtre à meneaux moulurés en quart de rond, ainsi qu'une grande cheminée servant à chauffer la salle. De nouvelles reprises effectuées dans la seconde moitié du XVIIIe siècle on occasionné l'extension du logis vers le nord, ainsi que la reprise de la plupart des percements de la façade. C'est également durant cette période que fut probablement installé l'escalier droit intérieur situé dans l'axe de la porte d'entrée principale. Ces travaux sont documentés par deux inscriptions gravées sur des pierres insérées dans les maçonneries de la façade. La première, inscription, sur la partie gauche de la façade porte "fait aux frais de Mes Pierre Le Boisselier curé et (les) paroissiens 1760" et surmonte le dessin d'un calvaire surmontant un cœur. Elle date la reprise et l'extension de la travée sud du bâtiment. La seconde inscription, logée sur une pierre en forme d'écu insérée dans la partie droite de la façade précise : "cette côtière a été faite en 1776". 

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Ancien prebsytère, inscription commémorative de la construction avec date portée de 1760

D'après le témoignage de Monsieur Ribet, dont les parents possédaient déjà cette habitation au début du XXe siècle, la grange était encore traditionnellement désignée sous le nom de "grange à dîmes". Le pressoir attenant comprend une partie saillante servant à loger l'extrémité du "princeux", ainsi qu'un axe vertical ancré dans une poutre, qui servait de soutien aux roues du tour à piler. Cet édifice conserve l'essentiel de ses dispositions d'origine, et se signale par la qualité de la mise en œuvre des maçonneries, intégralement édifiées en assises régulières de petites plaquettes de grès brun soigneusement débitées et liées à l'argile. Les mêmes caractéristiques constructives se retrouvent sur une portion du mur pignon du logis presbytéral, en connexion avec une petite fenêtre chanfreinée en pierre calcaire, datant de l'époque médiévale.

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Pressoir de l'ancien presbytère

 

Fiefs seigneuriaux

Une charte de confirmation des biens de l'abbaye de Saint-Sauveur-le-Vicomte, datant des environs de 1090, indique la donation d'un quart de la forêt de Sie par un dénommé Guillaume fils d’Hastench. Vassal des barons de Saint-Sauveur, ce dernier serait donc le premier seigneur attesté sur cette paroisse. C'est semble t-il le domaine seigneurial de ce dernier qui, demeuré dans la mouvance de la baronnie de Saint-Sauveur-le-Vicomte, fut en 1378 confisqué pour forfaiture sur Jean Tesson, et fit en 1394 l'objet d'une évaluation par Robert Blondel, vicomte de Valognes. Celui-ci est encore déclaré parmi les fiefs dépendant de Saint-Sauveur en 1528 et il était tenu en 1534 par les hoirs Jean Morisse, puis en 1683 par Charles Pigace, sieur de Gonneville et du Valdecie. En 1576 Guillaume Yvelin rendait aveu pour son fief du Valdesye tenu de la baronnie Saint-Sauveur-le-Vicomte, quart de fief de haubert avec extension à Saint-Pierre-d’Artheglise et Saint-Jean-de-la-Rivière (A.3491). En 1712, le fief de Tilly, tenu par François Yvelin, est cité parmi les dépendances de la seigneurie de Saint-Sauveur. En 1754 le fief de Tilly était en possession de M. de Querqueville (A. 4043), puis en 1756 de la Dame de Querqueville (A. 4066). En 1776 il appartenait à nouveau à un M. de Querqueville (A 4084) puis en 1779 à Michel Godreuil, acquéreur de M. de Querqueville. J'ignore où se trouvait le siège de cette seigneurie.

 La donation effectuée par Guillaume fils d'Hastench au XIe siècle est à l'origine du fief ecclésiastique que l'abbaye de Saint-Sauveur détenait également au Valdecie. L'abbaye obtint également, dans la seconde moitié du XIIe siècle, le don d'une vergée de pré, qi lui fut donné par un dénommé Richard, neveu de Jean, du consentement de Guillaume Avenel. Le fief e l'abbaye fut vendu en 1586 par les moines au profit d'un dénommé Lequeurray. Il passera ensuite à la famille de Briroy, puis aux d'Harcourt. Le 22 octobre 1667, il était en possession de Guillaume d'Harcourt, seigneur et patron de Fierville et du Valdecie, qui fondé au droit de l'abbaye de Saint-Sauveur par engagement, le possédait encore en 1683.

 Un troisième fief seigneurial, connu d'ancienneté sous le nom de fief de Gouy, relevait pour sa part du domaine royal de Carentan. Valant ¼ de fief de haubert, ce dernier s'étendait aussi aux paroisses de Saint-Pierre-d'Arthéglise et de Saint-Jean-de-la-Rivière. Il était au XVIe siècle et au XVIIe siècle tenu par la famille Yvelin, portant pour armoirie un écu à trois roses posées 2 et 1 au chef chargé d'un lion. D'après le registre paroissial, on sait notamment que Françoys Yvelin, sieur du Valdescye, assiste le 12 juin 1612 au mariage de Louis Davy, sieur de Sortosville et de Gourbesville, en l'église du Valdecie. Jean Yvelin, son successeur, sera témoin, le 19 novembre 1629, du mariage de Antoine de Franquetot et de Catherine de Varroc, également mariés au Valdecie. En 1683, ce fief était entré en possession de Adrien du Saussey, qui était également seigneur et patron de Barneville. En 1746 il faisait partie du patrimoine de la famille Lepigeon. Son chef seigneurial correspond au manoir de Gouix, que nous n'avons pas visité. L'observation du cadastre ancien permet d'y relever la présence d'un colombier aujourd'hui disparu.

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Le manoir de Gouix sur sur le cadastre de 1826

Une enquête de noblesse effectuée en 1576 mentionne également sur la paroisse du Valdecie un dénommé Jean Coquet que les parr(oissiens) ont dit user dudit privilège sans savoir de quel droit, ainsi que Robert de Breuilly, que les paroissiens dirent également user du privilège de noblesse, mais j'ignore encore quels étaient les fiefs que ces familles possédaient. En 1666, Chamillart mentionne à nouveau comme noble sur cette paroisse Jean et Germain de Breuilly. Cette famille de Breuilly (portant pour armoiries d'azur au lion d'or armé lampassé et couronné de gueule au chef cousu de gueule plein) est connue ailleurs en Cotentin, notamment par la branche de seigneurs de Baudreville et de Saint-Nicolas-de-Pierrepont. Elle est encore présente sur la commune au XIXe siècle, et un dénommé de Breuilly figure également au nombre des hommes du Valdecie tués durant la guerre de 1914-1918

Enfin, le Valdecie comptait aussi des extensions des fiefs du Breuil, dont le chef se trouvait aux Moitiers-d'Allonne, du fief de Sortosville-en-Beaumont et du fief de la Vieille-Roquelle de Néhou.

Un dénommé Guillaume du Valdecie (Wuillelmo de Valcejo) est cité dans la seconde moitié du XIIe siècle, aux côtés de Guillaume de Morville et Guillaume de Reviers, comme témoin d'une donation concédée à l'abbaye de Saint-Sauveur par Guillaume fils de Rogon.

 

Ecarts et hameaux

La commune du Valdecie est principalement constituée de fermes et de hameaux isolés, désignés pour la plupart d'entre eux par le nom d'anciens propriétaires. L'église elle-même était encore, au début du XIXe siècle, un édifice esseulé parmi les landes. Au Hameau Launoy existait anciennement une étude notariale, qui avait remplacé un siège de tabellionage attesté depuis au moins le début du XVIIe siècle. Les épitaphes de plusieurs membres de cette famille de Launoy sont visibles dans l'église paroissiale. Une pièce de terre nommée l'Etude, ainsi que le lieu-dit Le Hameau au Clerc garderaient aussi le souvenir de l'ancien notariat du Valdecie. Comme nous l'avons indiqué, les lieux-dits le Buisson qui figure sur le cadastre ancien, ou la Chênaie, visible sur la carte IGN, sont des toponymes évocateurs de l'ancienne situation forestière de la commune. La Londerie (de Londe, terme issu de l'ancien scandinave et désignant un bois) qui a donné son nom au ruisseau des annes de la Londerie, et le chemin des Epinettes (cadastre 1826) pourraient contenir le même genre d'indication paysagère. Le lieu-dit les Aunettes, située en creux de vallée, est probablement un diminutif des aulnaies. Un moulin aurait existé au hameau Benoît, ce qui paraît un peu surprenant puisqu'aucun cours d'eau n'arrose ce point de la commune, situé à 94 mètres d'altitude : faut-il supposer qu'il s'agissait d'un moulin à vent ?

Julien Deshayes

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L
bonjour,<br /> bravo et merci pour cet article tres documenté, vraiment intéressant. Concernant lers de Breuilly, ils sont en effet Sr du Valdécie pendant plusieurs génération, je ne sais non plus de quel fief sur cette paroisse. Par contre, je lis vers la fin de votre article que des extentions d un fief de Sortosville y existait, ce pourrait etre celui-ci car les de Breuilly arrivés au Valdécie sont originaire juste avant de Sortosville en B et plus haut de Baudreville.<br /> Si vous trouvez cete information, je suis preneur. <br /> Merci encore pour ce que j'ai pu découvrir de ce village. :)<br /> loic.richer@gmail.com
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