Ce site présente les actualités proposées par l'équipe du Pays d'art et d'histoire du Clos du Cotentin. Il contient également des dossiers documentaires consacrés au patrimoine et à l'histoire de Valognes, Bricquebec et Saint-Sauveur-le-Vicomte.
L'Architecture :
L’église paroissiale Notre-Dame de Magneville est mentionnée pour la première fois dans un document datant des environs de 1050-1060, faisant état de sa donation par Robert Bertran, seigneur de Bricquebec, à l’abbaye de Saint-Ouen de Rouen. Malgré les indices d'ancienneté de son implantation (fragments de briques antiques et de sarcophages mérovingiens en remploi), plus rien n'apparaît de cette église du XIe siècle, dont le chœur fut intégralement reconstruit dans les années 1120-1140, et la nef environ un siècle plus tard.
Le chœur à chevet plat, formé de deux travées voûtées sur croisées d’ogives, constitue l’un des plus remarquables représentants de l’architecture romane du Clos du Cotentin. L’articulation savante des voûtes sur nervures croisées, s’équilibrant sur de solides piliers à colonnes engagées, est enrichi par un décor sculpté d’une grande variété : figures animales, masques humains et créatures fantastiques alternent avec des motifs d’entrelacs géométriques et de palmettes végétales.
Comme l’a souligné Maylis Baylé, ce répertoire apparaît par aspect inspiré de l'enluminure des grands scriptoria bénédictins anglo-normands. Les rinceaux à larges fleurons courbés et tiges perlées visibles sur l’un des chapiteaux ressemblent en effet à ceux des lettrines produits à la fin du XIe siècle aux monastères de Fécamp et du Mont-Saint-Michel. Le couple de perroquets adossés d'un chapiteau voisin semble dérivé des bestiaires enluminés contemporains.
Ce foisonnement ornemental s'étend aussi aux bases des colonnes, parfois décorées de curieux masques anthropomorphes, et à l'arc triomphal, dont le larmier d'extrados et orné d'une file de dragons agglutinés, la queue de l'un dans la gueule de l'autre, s'entre-dévorant. Quelques chapiteaux très sobres, à simples corbeilles lisses alternent avec les supports sculptés, apportant de subtils repos visuels au sein de ce dense programme décoratif, que venait jadis recouvrir et compléter un abondant décor peint.
A l'extérieur du choeur les modillons sculpté soutenant la corniche présentent essentiellement des variations sur le thème du masque, plus ou moins difforme, d'aspect tantôt humain ou animal. Malgré leurs modestes dimensions certains visages présentent un modelé qui n'est pas dénué de naturalisme. L’atelier intervenu au XIIe siècle sur les sculptures du chœur de Magneville a également produit pour cette église de remarquables fonts baptismaux. Maintes fois reproduits et commentés, ces derniers sont ornés à chaque angle de masques grimaçants, évocation probable des quatre fleuves du paradis. Une inscription portée en lettres peintes fait référence à la vertu purificatrice et salvatrice des eaux baptismales : « Totus purgatur qui sacro fonte lavatur - fons lavat exterius spiritus interius ».
La chapelle de la Vierge, édifiée au XVIe siècle, dégage sur le flanc sud du chœur un espace lumineux, abondamment éclairé par de larges baies aux remplages flamboyants. La nef longue et étroite, simplement couverte d’une voûte en plâtre installée en 1861, donne par contraste une impression d’extrême dénuement.
Une inscription latine indique que la tour de clocher fut édifiée en l’an 1481. Cette tour porche, très massive, placée à l’occident de la nef, abrite à l’étage une chapelle, consacrée selon la tradition à l’archange saint Michel. Cette disposition exceptionnelle évoque un vieil usage de l’époque carolingienne, lorsqu’il était coutume d’associer aux sanctuaires consacrés à la Vierge une chapelle haute occidentale dédiée à l’Archange. A Magneville toutefois - l’inscription de 1481 faisant foi - ce dispositif n’est pas antérieur à la fin de la guerre de Cent Ans, période de renouveau de la dévotion à saint Michel.
Julien Deshayes - 2002