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10 septembre 2012 1 10 /09 /septembre /2012 12:34

Compte rendu de visite du 1er février 2005, en compagnie de Monsieur et Madame MOUCHEL, propriétaires, Josiane MAUX et Margot ZELLER, guides conférencières.

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I - Historique de la propriété

Le manoir de Hautpitois a fait l'objet d'une étude historique de l'abbé Canu, publiée en 1992 dans son "histoire d'une commune Normande, Lieusaint en Cotentin". Nous ne la reprenons pas ici. Rappelons simplement que le plus ancien propriétaire identifié par cet auteur est Jean Potier qui vers 1535 y résidait avec son épouse (mariés vers 1510), Hélène Hébert, fille du seigneur d'Anneville à Morville. Nicolas Lefèvre, receveur des tailles de l’élection de Valognes, devint sieur de Hautpitois par son mariage, le 2 janvier 1575 avec Louis Jouhan, fille d'Adam Jouhan, sieur d'Osmonville et de Haupitois. Leur fils Jehan Lefevre, né en 1577,  hérita ensuite de la sieurie de Hautpitois et fut également receveur des tailles de Valognes. Sa mémoire s’est conservée comme on le sait en raison de son mariage aux issues tragiques avec Marguerite de Ravalet (1586-1603). L'édifice devait ensuite rester dans la descendance de la famille Lefèvre, via les familles de Thieuville et de Blangy, jusqu'en 1924, soit près de 400 ans. Il appartient aujourd'hui à M. et Mme Mouchel.

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II - Architecture

Selon une interprétation relatée par Monsieur Mouchel, la dénomination du Hautpitois, orthographié le "Hautpithey" dans le journal de Gilles de Gouberville, désignerait un lieu "haut perché". L'édifice est en effet établi en bordure d'un plateau et d'une déclivité naturelle, sur le flanc supérieur d'un relief s'affaissant en ressauts successifs vers la plaine alluviale de la rivière du Merderet. Les ressources naturelles du sol ont fourni le grès coloré, de couleur brune ou rouge-orangé, utilisé dans la construction en assoctiation avec le calcaire de la région de Valognes, essentiellement réservé aux encadrements des ouvertures ou à d'autres éléments structurants de la construction (portail principal, cheminées, chaînages d'angle…). Les bâtiments des communs se développent en deux longues ailes perpendiculaires, barrant côté nord le sommet du plateau et délimitant au sud une vaste cour ouverte sur le marais.

 

a) Le logis

Le logis principal, isolé au centre de la cour, présente côté nord une façade entièrement remaniée à la fin du XVIIIe siècle ou au XIXe siècle, ouvrant par deux niveaux de larges baies coiffées d'arcs surbaissés. La travée orientale de l'édifice constitue une adjonction effectuée dans la première moitié du XVIIe siècle. La façade postérieure conserve en revanche l'essentiel de ses dispositions de la fin du Moyen Age. Elle ouvre à l'étage par trois fenêtres à meneaux chanfreinés, dont la partie supérieure s'inscrit sur un réseau de trous de boulins (rebouchés) servant à nicher des pigeons. Les ouvertures du rez-de-chaussée ont subi plusieurs transformations : deux anciens éguets doubles ont été agrandis en fenêtres, une nouvelle fenêtre a été percée en utilisant un encadrement de remploi, et une porte a été ouverte. Malgré les reprises du XVIIIe ou XIXe siècle, la distribution intérieure a également préservé son organisation primitive. Chacun des deux niveaux d'habitation est divisé en deux grandes pièces avec cheminée, disposées de part et d'autre d'un escalier central à montées droites rampe sur rampe. La cage rectangulaire de l'escalier ne traverse pas toute la profondeur de l'édifice mais vient buter contre un mur transversal, délimitant côté sud un petit espace de retrait ou de circulation, disposant à chaque étage d'un éclairage direct. L'utilisation d'un escalier de ce type, au lieu de la traditionnelle vis inscrite dans une tour circulaire hors-œuvre constitue à mes yeux, pour cette période, une anomalie. L'ancienneté du dispositif paraît toutefois attestée par l'existence de plusieurs portes à encadrements chanfreinés, situées à chaque niveau de palier et jusque dans les combles.

Deux cheminées médiévales avec consoles à triples quarts de ronds ont été conservées, l'une en rez-de-chaussée et l'autre au premier étage. A l'étage, une autre cheminée ancienne a été remplacée à une date non déterminée par une cheminée de style Renaissance, avec colonnettes en délits et chapiteaux circulaires, venue s'inscrire assez maladroitement sous le manteau du foyer médiéval.

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Le portail d'entrée et la "chambre seigneuriale"

La cour manoriale ouvre au nord par un portail monumental avec portes piétonne et charretière surmontées de petits écus lisses et coiffés d'arcs moulurés soulignés par un larmier continu. Deux ouvertures de tir avec encoches de visée en garde l'accès, d'une manière sans doute plus symbolique qu'authentiquement efficace.

Le petit bâtiment jointif, prolongeant côté est le long alignement de l'aile nord, offre malgré d'assez lourdes transformation un bel exemple de petit logis seigneurial en dépendance. L'édifice présente côté cour une façade sur deux niveaux mais il prend appuis au nord-est sur l'aplomb du plateau, communiquant directement avec l'ancien jardin par une porte de plain-pied ouvrant dans le mur pignon oriental. Deux portes obstruées, situées en rez-de-chaussée, présentent un profil caractéristique du XVe siècle, avec un linteau supporté par des coussinets et de larges chanfreins. En rez-de-chaussée également, subsiste au mur pignon oriental une cheminée massive avec grosses consoles à triples quarts de ronds séparés par des cavets, qui ouvrait semble t-il sur un four par un arc appareillé maçonné au fond de l'âtre du foyer.

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Le premier étage a en revanche été intégralement modernisé et réaménagé à une époque postérieure, que l'on peut situer entre le dernier quart du XVIe siècle et le premier tiers du siècle suivant. Une travée d'ouvertures, avec porte haute (obstruée postérieurement) et fenêtres à frontons triangulaires, a alors été insérée en façade sud de l'édifice. Les deux pièces de l'étage ont été dotées d'imposantes cheminées Renaissance. La première, très luxueuse, utilise un modèle assez rare en Cotentin, avec piédroits bombés reposant sur des bases à griffes léonines. Un modèle de cheminée assez similaire, probablement dérivé de modèles gravés issus de traités d'architecture, existait à la ferme d'Arpentigny, à Valognes, et a été remonté après guerre dans l'école de musique de la ville. La seconde, également de belle venue, reprend un type architectural plus courant dans l'architecture manoriale de la Renaissance, avec un large manteau supporté par des colonnes cannelées en délits et chapiteaux ioniques à grosses volutes. A signaler également, la qualité des enduits intérieurs, très lisses et légèrement ocré, subsistants dans un remarquable état de conservation. La relation privilégiée entre cet édifice et le jardin voisin, sa distribution avec appartement à l'étage initialement desservi par un escalier extérieur et sa qualité architecturale en font un bon exemple de petit logis seigneurial secondaire. Cette chambre seigneuriale sur fournil était probablement destinée à recevoir le propriétaire des lieux lors de séjours ponctuels, tandis que le logis principal était affecté à un fermier. Cette hypothèse est renforcée par les travaux historiques de l'abbé Canu, indiquant que le manoir avait été, depuis les années 1630 au moins, mis en fermage par la famille Lefevre. Cette typologie d'habitat possède d'assez nombreux équivalents dans notre région et constitue un héritage ancien, issu d'une tradition médiévale attestée en Cotentin depuis le XIIe siècle. L'intérêt dans ce cas précis est que la mise au goût du jour de l'édifice, sa modernisation dans le style de la Renaissance, peuvent avec vraisemblance être attribués à Jean Lefevre de Hautpitois, le célèbre époux trompé de Marguerite de Ravalet.

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Les communs

Les bâtiments situés à l'ouest du portail d'entrée n'ont été que rapidement approchés. L'édifice immédiatement jointif abritait un pressoir. Il conserve notamment son appendice en saillie, servant à loger la longue étreinte du "ponceux". Il ouvre sur la cour par une large porte en plein-cintre à chanfreins épais. Deux ouvertures étroites fortement ébrasées sont également conservées, indiquant une construction antérieure à la fin du XVe siècle. La charreterie qui fait suite, avec sa rangée d'arcades reposant sur des piliers circulaires appareillés en pierre calcaire, constitue une adjonction de l'extrême fin du XVIe siècle ou du début du XVIIe siècle. Sa construction pourrait donc coïncider avec le réaménagement de la chambre sur fournil précédemment évoquée. Elle semble également contemporaine d'une importante opération de décaissement du sol, au niveau du portail d'entrée et dans une partie de la cour, ces travaux ayant probablement eut pour finalité de permettre l'accès à des charrois devenus plus élevés.

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La charreterie vient s'appuyer contre l'extrémité nord de l'aile ouest, qui est formée d'un long alignement d'étables et de fenils. Le détail des ouvertures et des maçonneries permet de rattacher ces bâtiments à une phase de construction de la seconde moitié du XVe siècle ou du début du XVIe siècle. Les autres bâtiments conservés, en particulier la grande grange située sur l'arrière du logis, sont de date récente. On notera l'absence, au sein de cet ensemble, d'édifices typiquement seigneuriaux, comme la chapelle, le colombier ou le moulin. A souligner cependant l'existence d'un puits associé à un beau de lavoir ancien alimentant à son tour un petit étang pouvant avoir servi de vivier. A remarquer également, un imposant four à chaux édifié au XIXe siècle au devant du portail d'entrée.

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Conclusion

L'observation architecturale du manoir de Hautpitois permet de distinguer principalement deux phases de construction ou de réaménagement des bâtiments. La première phase identifiée, pouvant s'échelonner entre 1460 et 1520 environ, comprend le portail d'entrée et le logis principal, ainsi que le pressoir et l'aile ouest des communs. La seconde phase se situe, selon des critères stylistiques, entre 1580 et 1620 environ. Elle a vu le réaménagement de la chambre seigneuriale par modification d'un édifice du XVe siècle avec fournil en rez-de-chaussée, et la construction de la charreterie.

 Julien Deshayes, 2005

LIEN VERS LE SITE DES GITES DE FRANCE

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