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6 novembre 2017 1 06 /11 /novembre /2017 11:57
Les Dimanches du Patrimoine 2017-2018

Pays d'art et d'histoire du Clos du Cotentin

 

Les Dimanches du Patrimoine

 

5 novembre à 15h – Conférence

 Le haras du Dauphin à Saint-Sauveur-le-Vicomte

è St-Sauveur-le Vcte, salle des pompiers

 

12 novembre à 15h – Visite et conférence

« Affaires criminelles et justice pénale à Valognes »

è Hôtel-Dieu, rue de l'hôtel Dieu

 

19 novembre à 15h – Conférence et visite guidée

L’ancienne église de Bricquebec et le quartier du village

è Office de tourisme, place Sainte-Anne.

 

3 décembre à 15h – Conférence et visite guidée

 « L’église Saint-Malo de Valognes, avant et après les bombes »

è Valognes, église Saint-Malo

 

17 décembre à 15h – Conférence et visite guidée

Port, ponts et portes de Saint-Sauveur-le-Vicomte

è St-Sauveur-le Vcte, salle des pompiers

 

21 janvier à 15h –  Visite guidée

 « Bricquebec, 1418 »

è Office de tourisme, place Sainte-Anne.

 

11 février à 15h – Visite guidée

L’ancienne abbaye bénédictine royale de Valognes

è Parking de l'Hôpital, avenue du 8 mai 1945

 

25 février à 15h – Visite guidée

« Fragments d’histoire : initiation à la statuaire médiévale»

è St-Sauveur-le Vcte, abbaye Marie-Madeleine Postel

 

11 mars à 15h – Conférence et visite guidée

« Petite histoire d'une commune méconnue : le Valdecie à travers les âges »

è Eglise du Valdecie

 

25 mars à 15h – visite guidée

L'église de Saint-Joseph et la chapelle du Pont-à-la-Vieille

è Eglise de St-Joseph

 

8 avril à 15h – visite guidée

Le moulin et le manoir de Gonneville à St-Jacques de Néhou

è Office de tourisme de Bricquebec, place Sainte-Anne (déplacement sur le site en véhicules individuels)

 

22 avril à 14h30Visite guidée

« L'abbaye de la Trappe de Bricquebec »

è sur place (ATTENTION : visite accessible uniquement sur réservation préalable avant le 19 avril : 02 33 95 01 26)

 

6 mai à 15h – visite guidée

Aspects des jardins valognais

è porche de l'église Saint-Malo

 

Samedi 19 Mai

La Nuit des Musées

 

St-Sauveur-le-Vte : « Une nuit avec Jules Barbey d’Aurevilly »

Visite nocturne théâtralisée suivie d'une présentation du musée installé dans la maison familiale de l'écrivain)

è 20h, office de tourisme, cour du château

 

 

27 mai à 15h – visite guidée

L’église et l’ancien moulin de Colomby

è Eglise de Colomby

 

3 juin à 15h – Visite guidée

L’église de Sauxmesnil et le manoir de la Saint-Yverie

è Eglise de Sauxmesnil

 

17 juin à 15h – Visite guidée

Le village de l’Etang Bertrand la ferme de la Dalle

è Eglise de l'Etang-Bertrand

 

 

Tarif des visites et conférences :

Plein tarif : 4 € - Demi-tarif : 1,50 € - Enfants : gratuit

Renseignements au 02.33.95.01.26 (en semaine) / Email : pah.clos.cotentin@wanadoo.fr

 

- Visites adaptées aux personnes handicapées –

 Contacter la maison du patrimoine, nous mettrons à disposition un accompagnement spécifique en cas de besoin.

 

 

Les visites à la carte

RESERVEZ UNE VISITE PERSONNALISEE

 

Le Pays d'art et d'histoire du Clos du Cotentin propose un riche éventail de visites guidées à la carte, d'excursions thématiques, de conférences et de programmes pédagogiques sur réservation pour groupes, associations, scolaires … Contactez nous, et nous mettrons à votre disposition toutes les ressources de notre équipe de guides conférenciers pour concevoir la sortie qui répondra à vos attentes.

Tarif des visites de 1h30 à 2h00 :  85,00 €

 

La Mise aux marais à Saint-Sauveur-le-Vicomte

En collaboration avec l’Office de tourisme et la commune de Saint-Sauveur-le-Vicomte, le Pays d’art et d’histoire propose une découverte des marais et de la pratique ancestrale du marquage des bêtes et de leur mise aux marais.  La date, habituellement au début du mois de mai, est à définir selon la météorologie : Tenez vous informés !

 

 

Cycle de conférences d'histoire locale

"Hôtels et belles demeures de l'ancien Valognes"

 

Jeudi 16 novembre  : L'hôtel du Plessis-de-Grenédan et la vie dans les hôtels particuliers de Valognes au XIXe siècle (B. Centorame)

 

Jeudi 14 décembre :  L'art de bâtir son hôtel à Valognes au XVIIIe siècle (J. Deshayes)

 

Jeudi 11 janvier : La famille d'Harcourt en ses résidences cotentines (XVIIe-XIXe siècles) (B. Centorame)

 

è 18h30, Valognes, Hôtel-Dieu

 

 

Les jeudis de l'Abbaye de Saint-Sauveur-le-Vicomte

cycle de conférences proposées dans le cadre de l'exposition temporaire

"Fragments d'histoire : initiation à la statuaire médiévale"

 

Du 15 janvier au 30 novembre 2018

 

En partenariat avec la Conservation départementale

des antiquités et objets d'art de la Manche

 

Jeudi 15 mars : La statuaire religieuse de la fin du Moyen-âge en Cotentin (J. Deshayes).

 

Jeudi 12 avril : La statuaire religieuse de la Renaissance en Cotentin (J. Deshayes).

Jeudi 17 mai : Restaurations de statuaire médiévale dans le département de la Manche, quelques exemples récents (E. Marie)

 

Jeudi 7 juin : Les saints dans nos églises : leurs attributs et leur culte populaire

(B. Galbrun)

 

è 18h30,  St-Sauveur-le-Vcte, abbaye Marie-Madeleine Postel

 

 

Le Clos du Cotentin

Appartient au réseau national des Villes et Pays d’art et d’histoire. Le ministère de la Culture et de la Communication, direction de l’Architecture et du patrimoine, attribue l’appellation Villes et Pays d’art et d’histoire aux collectivités locales qui animent leur patrimoine. Il garantit la compétence des guides conférenciers et des animateurs du patrimoine et la qualité de leurs actions. Aujourd’hui, un réseau de plus de 180 villes et pays vous offre son savoir-faire sur toute la France.

A proximité :

Coutances et le Coutançais, le Pays d’Auge, le Havre, Dieppe, Rouen, Caen, Bernay et Fécamp bénéficient de l’appellation des Villes et Pays d’art et d’histoire.

 

Document conçu et édité par le

Syndicat Mixte du Pays d’art et d’histoire « le Clos du Cotentin »

La Parcheminerie 21, rue du Grand Moulin

50 700 VALOGNES

tél. 02.33.95.01.26

 

 

 

Informations touristiques

 

  • Office de tourisme du Cœur du Cotentin

Bureau de Bricquebec, Tél. : 02.33.52.21.65

Bureau de Valognes, Tél. : 02.33.40.11.55

  • Office de tourisme du canton de Saint-Sauveur-le-Vicomte

Le vieux château Tél. : 02.33.21.50.44

 

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11 mai 2017 4 11 /05 /mai /2017 10:39

 

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31 mars 2017 5 31 /03 /mars /2017 15:41

 

 

I – Historique

 

  1. La fondation initiale par la famille de Bruis.

 

D’après la Gallia Christiana et la Neustria Pia, le prieuré Saint-Pierre de la Luthumière aurait été fondé en 1106, sous l’épiscopat de Raoul, évêque de Coutances (1093-1110) par Adam de Bruis (+ 1143). Claude Pithois adopte cette assertion et date la construction de l’établissement dans la première moitié du XIIe siècle, alors que Richard de Bruis, était évêque de Coutances (1124 -1131)[1]. Selon le même auteur, ce n’est que dans un second temps, en 1144, que le neveu d’Adam Ier, Adam II de Bruis, fit don du prieuré fondé par son oncle à l’abbaye de Saint-Sauveur.

 

N’apparaît toutefois, parmi les actes que nous avons consultés, aucune source écrite relative à ce prieuré antérieure à la charte donnée par Adam Bruis, fils de Robert de Bruis, en 1144[2]. Celle-ci énumère le contenu d’une donation « en perpétuelle aumône » faite au profit de l’abbaye de Saint-Sauveur-le-Vicomte, qui comprenait les églises de

Brix avec toutes les dimes, ainsi que la dîme des deux foires de la saint Christophe et de la saint Nicolas, plus les églises de Sainte-Marie de Couville, Saint-Martin-le-Gréart et Saint-Christophe-du-Foc avec toutes leurs dîmes, les aumônes et les terres qui en dépendaient.

 

La charte indique que l’abbé et les moines de St-Sauveur enverraient en retour des moines (monachos) s’établir dans l’église Notre-Dame de Brix, afin d’y entretenir un luminaire (ad lumina invenienda) et pour y servir Jésus et sa Sainte Génitrice. Le donateur demande en outre à ce qu’« un lieu soit construit et édifié en l’honneur de Dieu, de sainte Marie et de saint Pierre » (ad honorem Dei sancteque Marie et sancti Petri predictum locum construant et edificent). Les frères ainsi que toutes personnes nécessitant la charité y seraient entretenus. Pour conclure, Adam concédait aussi aux moines toute la terre située « entre l’église Sainte-Marie jusqu’à la forêt et la motte de sa demeure » (omnem terram ab Ecclesia sancte Marie desuper usque silvam mottamque domus meae). Adam de Sottevast, Roger Alverède et Robert Escarbo sont cités parmi les témoins du donateur.

 

Dans une deuxième charte de dix ans postérieure (1155) Pierre de Bruis, fils de Guillaume, renouvelle la donation de l’église Notre-Dame de Brix en précisant à nouveau l’engagement de l’abbé et de tout le couvent de St-Sauveur à établir des moines dans ladite église, et à construire des bâtiments en ce lieu pour y servir Dieu, sainte Marie et saint Pierre.

 

Par son contenu, la charte de 1144 apparaît donc bien constituer l’acte de fondation initial du prieuré, non le transfert d’une fondation antérieure comme cela a été écrit. Cependant, ce contenu indique aussi que le site désigné pour établir cette fondation ne correspond en rien à celui de son implantation effective ! Il y est bien précisé en effet que l’établissement des moines devrait se trouver étroitement associé à l’église Notre-Dame de Brix, plus probablement sur le terrain donné à cet effet, par devers le château, au nord donc de l’église, tout à fait au sommet de la colline de Brix[3].

 

Le lieu de son implantation actuelle, sur le domaine de la Luthumière, à l’écart du vieux château de Brix et du bourg mais auprès de la rivière, résulte manifestement d’autres donations, distinctes de celles effectuées par la famille de Bruis.

 

 

  1. Le choix de la Luthumière.

 

La première donation reçue par l’abbaye de Saint-Sauveur sur le domaine de la Luthumière émanait d’un individu nommé Guillaume Suen, qui, à une date proche des années 1150-1160, remit aux moines de Saint-Sauveur « toute la terre qu’il possédait à la Luthumière en perpétuelle aumône » (omnem terram quam habeo in Lutumaria, similiter in elemosina perpetualiter). Il leur cédait dans le même temps une part de l’église Saint-Samson d’Anneville-sur-Mer et Saint-Jean-des-Chênes à Jersey. Cette donation fut confirmée entre 1156 et 1162 par Henri II (Concedo item et confirmo donum Guillelmi Suim quod fecit idem abbatia de terre sua de Lutumeria)[4].

 

La seconde donation, probablement plus décisive, fut octroyée vers 1155-1165 par Raoul de la Haye[5]. Sa charte confirme en premier lieu la possession de biens situés à Jersey et Portbail, puis précise que « dans la haie de la Luthumière ledit Raoul a concédé à l’abbaye une habitation avec une chapelle fondée en l’honneur de Saint-Pierre » (In haiis vero Lutumerie concessit predicte abbatie idem Radulfus quoddam habitaculum cum capella que fundata est in honore Sancti Petri). C’est ce passage précis qui désigne pour la première fois le site où fut réellement implanté le prieuré.

 

Son donateur Raoul de la Haye, seigneur du Plessis, fils de Robert de la Haye, était le frère frère de Richard de la Haye, devenu baron de la Luthumière lors de son mariage en 1146 avec Mathilde de Vernon[6]. Il apparaît en 1126 avec sa mère Muriel et son frère Richard comme témoin d’une donation de son père à l’abbaye de Lessay. Après la mort d’Henri Ier Beauclerc en 1136, il adopte avec son frère le parti d’Etienne de Blois et assure en 1141 la défense du château de Cherbourg face à Geoffroy d’Anjou ; Selon le registre des fiefs de 1172 il détenait en Cotentin les honneurs du Plessis et de Cérences. En 1173, derrière Raoul, comte de Chester et Raoul de Fougères il s’engage dans la révolte d’Henri le Lion contre son père Henri II, qui en Normandie est rapidement réprimée. « Raoul de la Haye trouva le moyen de fuir ; il se jeta dans les bois et continua la guerre de partisan sur la frontière du Cotentin, jusqu'au printemps de 1174 ». Aurait ensuite continué sa lutte en suivant le comte de Flandres dans une tentative échouée de faire débarquer une armée en Angleterre. La date de son décès est inconnue.

 

 

Quel fut le motif du déplacement du site ?

 

L’émergence du fief de la Luthumière, qui semble rapidement s’imposer comme puissance seigneuriale dominante, est visiblement parvenu à littéralement capter la fondation de la famille de Bruis. La famille du Hommet qui succède en 1180 aux de la Haye comme barons de la Luthumière renforce encore cette sujétion en faisant reconnaître au XIIIe siècle son rang de patron et son droit d’ingérence dans la nomination du prieur.

 

Il ne faut pas sous-estimer toutefois l’intérêt que pouvait représenter le choix du site de la Luthumière. La présence d’une rivière y autorisait l’établissement d’un moulin et la pratique de la pêche. Le bois et les espaces de pâture ne manquaient pas et la retraite d’une solitude forestière devait aussi mieux correspondre à l’idéal monastique. La proximité d’un pont routier faisait dans le même temps du prieuré un relai sur un point de passage particulièrement fréquenté, surtout à l’occasion des grandes foires de Brix. Ainsi qu’en plusieurs autres prieurés forestiers des environs, tels ceux de Saint-Martin-à-l’If et de Barnavast, le devoir de charité auquel ils se trouvaient tenus conduisait peut-être les moines à faire sonner la cloche de la chapelle, chaque nuit, afin de guider les voyageurs égarés. Enfin, la présence d’une habitation et la possibilité de jouir de cette chapelle isolée, plus calme et mieux individualisée que l’église paroissiale, a pu encourager les frères à s’installer dans la vallée.

 

  1. Une probable origine érémitique

 

Le fait qu’une habitation soit nommément citée vers 1160, en même temps que la chapelle Saint-Pierre (quoddam habitaculum cum capella) implique que les moines ont récupéré pour s’y établir un domaine déjà existant. Cette analyse s’accorde avec les indices archéologiques recueillis sur le site, où la présence de fragments de sarcophages en calcaire coquillier et de briques remployés dans les maçonneries est l’indice d’une occupation nettement antérieure aux incursions scandinaves. Citée au XIIe siècle parmi les chapelles de la paroisse de Brix, la chapelle Saint-Pierre pouvait aisément remonter à l’époque mérovingienne.

 

A Saint-Pierre s’ajoute par ailleurs un autre sanctuaire tout proche, la petite chapelle Saint-Jouvin qui occupe à environ 800 mètres à l’ouest le centre d’une vaste prairie. Cette chapelle n’est citée que tardivement parmi les dépendances du prieuré (cf. mention de la vente du pré Saint-Jouvin en 1783, Pithois, p. 182), et son architecture n’offre aucun indice précis d’ancienneté. Son succès dans la dévotion populaire a souvent conduit saint Jouvin à supplanter saint Pierre pour désigner le site même du prieuré (cf. IGN actuel), et cela semble bien démontrer que les deux sanctuaires furent toujours étroitement liés.

 

Il apparaît que ce modeste édifice se trouve déjà mentionnée à une date beaucoup plus ancienne, dans une charte de confirmation des biens de l'abbaye de Lessay octroyée en 1186 par le pape Urbain, citant brièvement parmi les possessions de ce monastère l’ermitage de Saint-Jouvin et l’église de Sottevast (Hermitagium de Sancto Jovino et ecclesiam de Sottevast)[7]. Sauf à imaginer un nouveau déplacement, que dans ce cas rien ne signale, cet ermitage de Saint-Jouvin correspond de toute évidence au site de la Luthumière.

 

En dépit de leur appartenance initiale à deux abbayes et à deux paroisses distinctes, il s’avère probable que ces deux sanctuaires possédaient bien entre eux un lien étroit et que leur implantation à une si faible distance mutuelle traduit leur appartenance à un même établissement érémitique initial, qui pouvait donc présenter une implantation bipolaire.

 

Il serait tentant de mettre en relation cet ancien ermitage Saint-Jouvin avec certains aspects légendaires de la vie de saint Clair, en particulier lorsque est évoquée sa rencontre dans la forêt avec le serviteur de deux ermites « faisant leur résidence dans ces bois », et qui s’était blessé d’une hache en y coupant du bois. Dans un autre passage il est relaté qu’Odobert, abbé du monastère de Mauduin, reconnaissant dans le bienheureux Clair toutes les marques d’une vocation certaine à la vie érémitique, « lui permit de vivre dans une cellule séparée de la communauté, près de la rivière appelée Costus avec obligation seulement de venir les fêtes et les dimanches à Mauduin pour y assister aux divins offices et y recevoir le sacrement de l’eucharistie ». Sans identifier l’ermitage de Clair à celui de Saint-Jouvin ni la rivière « Costus » avec l’Ouve (où Unva dans ses formes les plus anciennes), on peut souligner que la relation topographique entre les deux sites apparaît assez frappante. Ce texte présente aussi l’intérêt de nous rappeler que de tels établissements se trouvaient le plus souvent dans la dépendance d’une abbaye mère, parfois toute proche et d’autres fois beaucoup plus éloignée. La présence d’une fontaine réputée miraculeuse auprès de la chapelle Saint-Jouvin convient bien elle-aussi pour un site d’origine érémitique.

 

 

  1. Le développement du prieuré

     

    En plus des églises du fief de Brix et de la chapelle Saint-Pierre avec son habitation associée où ils vinrent résider, les moines du prieuré de la Luthumière reçurent au XIIe siècle d’autres donations significatives de leurs bienfaiteurs. Il s’agissait en premier lieu du droit d’établir un moulin dans la rivière d’Ouvre, qui leur fut reconnu par le roi Henri II vers 1170, en même temps que celui de se procurer du bois dans la haie de la Luthumière afin de se chauffer et d’entretenir leur église, leur moulin et leurs autres bâtiments. Ces droits sur la forêt comprenaient aussi une franchise de panage, c’est-à-dire la liberté de mettre gratuitement leurs animaux en pâture dans ces bois (ut habeam molendinum in aqua qua vocatur Unva ad Sanctum Petrum de Lutumeria perpetualiter in elemosina. Concedo etiam monachis apud ipsum sanctum locum Petrum Deo servientibus ut habeam perpetualiter in elemosina de ipsis haiis ligna ad Monasterium et molendinum et domos suas omnen tenendas et pasnagium et omnes consuetudines suas quietas omnium possessionum suarum).

     

    Le cartulaire du prieuré contient aussi des donations de terres et de rentes faites dans les dernières décennies du XIIe siècle par Eudes de Sottevast « pour entretenir la lumière des ténèbres dans la chapelle Saint-Pierre de la Luthumière » ; Le même seigneur concéda aussi sa terre de Clibec sur la paroisse de Surtainville, « pour l’entretien du luminaire devant l’autel de Sainte-Marie dans la chapelle Saint-Pierre de la Luthumière, toutes les nuits de l’année, et pour le service et pour les messes dans la même église »[1]. A Breuville, Eudes concéda aussi avec son frère Raoul la moitié des revenus de son moulin.

    Le prieuré et la chapelle Saint-Jouvin sur la carte de Mariette de la Pagerie (1689)

    En 1232, les moines reçoivent de Guillaume du Hommet, connétable de Normandie, baron de la Luthumière, la part en aliments et en galons de vins de deux chevaliers, à prendre sur sa table lorsque lui ou son épouse viennent à résider dans le manoir du lieu (concessi etiam predicti monachis liberationem suam, sicut duobus militibus, in pane et ferculis in hospitio meo de Lutmeria)[2]. Un frère devait en cette occasion célébrer dans la chapelle seigneuriale. A la même époque, Guillaume du Hommet se fait par d’autres donations reconnaitre comme patron de l’établissement, imposant ainsi que le prieur ne puisse être nommé ou déplacé sans son consentement[3]. Ces documents témoignent de l’étroite emprise seigneuriale qu’exerçaient les barons de la Luthumière sur le prieuré.

     

    L’usage d’offrir des rentes en produits de table est également pratiqué par le chevalier Thomas de Tollevast qui, en 1232, concède « la dîme de tout le pain qui se dépenserait dans ceux de ses manoirs où sa femme ou lui séjourneraient ».

     

    Claude Pithois, historien de la commune de Brix, a publié la liste d’autres biens et propriétés reçus par les moines ou acquis par ces derniers au cours du Moyen-âge. Après que les moines aient assis au XIIe siècle les fondements matériels de leur établissement, et avoir dû lutter au début du XIVe siècle pour en maintenir l’intégrité, on constate que le prieur (frère Jean Goubert) mena au début du XVe siècle une politique active d’acquisitions, acquérant à cette époque le fief du Coudray, au hameau du Coudray, et des terres au lieu-dit Vernon. A Brix les moines possédaient le fief de Bricquebosc (avec des extensions sur Rauville-la-Bigot) et une maison dans le bourg. En 1613, ils jouissaient encore, conformément à la donation initiale d’Adam de Bruis, de « toute la terre comprise entre l’église Sainte-Marie et la forêt »[4].

     

    Claude Pithois évalue l’ensemble des rentes reçus par les moines entre les XIIe et XIIIe siècles à 241 sols, 21 deniers + 49 quartiers/80 boisseaux de froment, 2 quartier d’avoine, 1 galon de vin par jour 23 pains 32 gélines, 155 œufs.

     

  2. Le mode de vie des moines

     

    Nous ignorons malheureusement le nombre des moines initialement délégués par l’abbaye de Saint-Sauveur au sein de ce prieuré. La donation de la « part en aliments et en galons de vins de deux chevaliers » en 1232 offre un repère assez conforme à la norme des autres établissements de ce type au XIIIe siècle. Il faut aussi considérer que ces actes ne citent en revanche ni le prieur, ni le personnel domestique et agricole, sans doute assez nombreux, qui devait cohabiter avec les frères.

     

    Si l’on peut supposer qu’une règle était suivie, nous n’avons pas non plus d’informations précises sur leur mode de vie autre que certains devoirs de services religieux, tel par exemple celui qui les contraignait à entretenir une lumière ardente sur l’autel de la Vierge à l’intérieur de la chapelle Saint-Pierre. En plus de la célébration quotidienne des offices des saints et des fêtes du calendrier, les prières et offices pour les seigneurs bienfaiteurs, tant vivants que défunts, devait aussi occuper une part notable de leur quotidien.

     

    Selon une tradition rapportée par l’abbé Lerosey, mes moines assuraient initialement eux-mêmes le service de l’église Notre-Dame de Brix, et ce jusqu’à la réforme du Latran de 1179 qui leur interdit cette pratique. La nomination de prêtres desservant des églises placées sous le patronage du prieuré revenait à l’abbé de Saint-Sauveur. Mais la perception des dîmes et des rentes, l’administration des terres et des revenus constituaient pour le prieur des activités importantes. Celui-ci exigeait de ses tenanciers des pratiques relevant de l’exercice habituel de la banalité seigneuriale, mais il déléguait pour recevoir leurs aveux et percevoir leurs rentes des officiers (sénéchaux).

 

[1] « Cart de la Luthumière », n°29 et 30, et Claude PITHOIS, p. 182 (acte fin XIIe, probablement c. 1180-1190)

[2] Cart. SSVte 164

[3] « Cart de la Luthumière », n°15, et Claude PITHOIS, p. 177.

[4] Claude PITHOIS, p. 182.

Brix, prieuré Saint-Pierre de la Luthumière
  1. La fin du prieuré

 

Dernier prieur identifié, Jean du Chastel, qui perd un procès en 1623 contre Antoine de la Luthumière, baron de Brix ; puis attribué à des prieurs commendataires et confié à des fermiers. Le prieur nommait encore un chapelain en 1684 pour célébrer 3 offices par semaine, « dans l’une des chapelles du prieuré ». Ref ; (ferme), à un droit de pêche dans la rivière.

 

Lors de la mise en vente en 1791, l’ensemble comprenait : « une maison à usage de salle avec un pressoir à bras, une cuve, une étable, une grange, une petite écurie, un petit appartement divisé d’avec la chapelle Saint-Pierre, le tout s’entretenant ensemble, une charterie, avec une boulangerie en ruine ».

 

 

  1. Architecture

 

D’après l’organisation en L des bâtiments, il semble probable que les moines occupaient l’aile ouest tandis que le logis du prieur se trouvait dans l’aile sud, au contact de la chapelle, avec laquelle il communiquait aussi bien par une porte de plain-pied que par une tribune à l’étage.

 

L’étude de la structure architecturale de l’aile ouest permet de distinguer une chambre sur cellier toujours existante associée à une grande salle de plain-pied désormais en grande partie détruite. Bien que l’on retrouve dans cette distribution un schéma assez classique de logis médiéval, il se pourrait que l’on doive ici identifier la chambre avec l’ancien dortoir, et la salle avec l’équivalent d’un réfectoire (servant aussi de salle capitulaire ?).

 

La chapelle Saint-Pierre se reconnaît à son campanile et à la petite croix antéfixe qui se dresse au dessus de son pignon est. Elle a environ 11, 60 m de long sur 6,50 m de large. Trois fenêtres l’éclairés jadis. D’après un dessin de l’abbé Adam on constate que le chevet était percé de lancettes géminées encastrées dans une grande ogive, au tympan orné d’un trèfle. Cette ouverture qui faisait 2,40 m de haut sur 1,20 m de large fut obstruée en 1910.

 

La datation des bâtiments actuels semble pouvoir être attribuée au début du XVe siècle, période qui coïncide comme nous l’avons vu avec la période de redressement du prieuré, porté dans les années 1410-1420 par le prieur Jean Goubert. Une étude fine du bâti permettrait sans doute de déceler des vestiges au moins résiduels de phases plus anciennes. A noter aussi, ainsi que nous l’avons déjà souligné, la présence relativement abondante en maçonnerie de remplois de fragments de sarcophages en calcaire coquillier de Sainteny. Dans le parement extérieur sud apparaît en particulier un fond de cuve tout à fait caractéristique. La présence de tels indices suggère qu’une nécropole du haut Moyen-âge a préexisté - entre le VIe et le IXe siècle - à l’établissement du prieuré bénédictin. La présence également de fragments de briques visibles en remploi dans l’édifice pourrait indiquer un précédent antique, de nature non définie.

 

(Julien DESHAYES, mars 2016)

 

(Nos plus chaleureux remerciements à Pierre, Corinne et Valentin pour le soin mis à l'entretien de l'édifice et leur accueil si chaleureux)

 

 

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21 mars 2017 2 21 /03 /mars /2017 10:10
Harely mss 4373, manuscrit enluminé au XVe siècle pour Jeannde France, dame de Valognes

Harely mss 4373, manuscrit enluminé au XVe siècle pour Jeannde France, dame de Valognes

La figure de Jeanne de France, dame de Valognes dans la seconde moitié du XVe siècle, n’a laissé que peu de traces dans la mémoire locale. Bien qu’il fut souvent éclipsé par celui de son époux, son souvenir se matérialisait pourtant dans notre ville par des constructions significatives, telle la « tour Madame Jeanne », l’une des tours défensives du château médiéval démoli en 1688, et la chapelle et les bâtiments de l’hôtel-Dieu, réaffectés depuis en haras d’étalons puis transformés en centre culturel. La vie de « Madame l’Amirale » recouvre une période de reconstruction et de redressement économique qui, au lendemain de la guerre de Cent ans, a marqué l’histoire du royaume de France en général, celle de Valognes et du Cotentin en particulier.

Selon Brantôme, le roi Louis XI changeait de femme comme de bonnet de nuit. Thomas Bazin en donne un portrait de ripailleur, amateur de filles de joie aux noms évocateurs, telle la Jacqueline de Dijon, la Gigonne de Lyon ou la Catherine de Vaucelle. Mais ce roi qui fut si souvent calomnié par ses nombreux détracteurs, que l’on a même soupçonné d’avoir fait assassiner Agnès Sorel, la maîtresse de son père, ne prit jamais de favorite officielle. Après un premier mariage contracté en 1436 avec Marguerite d’Ecosse, qui meurt en 1445, Louis XI se remarie en 1451 avec Charlotte de Savoie, et l’on estime que, malgré la laideur proverbiale de cette dernière (selon Philippe de Commynes, « la reine n’était pas de celles où l’on devait prendre tant de plaisir, mais bonne dame »), le roi lui resta en fait exemplairement fidèle, n’ayant connu que quelques « amourettes » entre ses deux mariages.

Son premier amour de jeunesse fut Phélise Regnard (v.1424-1474), fille d'Aymar Reynard seigneur de Saint-Didier, veuve en 1452 d’un écuyer nommé Jean Pic. Phélise aurait donné à Louis au moins deux filles : Guyette, qui sera mariée à Charles de Baillans, secrétaire du roi, et Jeanne, la future Dame de Valognes, née en 1447.

Jeanne était donc nettement plus âgée que ses deux demi-sœurs, les filles légitimes du roi, Anne, née en 1461, et Jeanne (dite Jeanne de France, canonisée au XVIIIe siècle sous le nom de sainte Jeanne de Valois), son homonyme, née en 1464, qu’elle a toutefois étroitement côtoyées et, semble-t-il, beaucoup aimées. Malgré son statut de bâtarde qui la disqualifiait au regard de ses cadettes, son mariage représentait cependant pour le roi un enjeu important, relevant pleinement de la raison d’Etat. Au même titre que le mariage de sa sœur Anne avec Pierre de Beaujeu, héritier en 1488 du duché de Bourbon, l’union de Jeanne avec Louis, le bâtard de cette même maison de Bourbon, servait la politique d’unification nationale menée par le roi, qui voulait s’attacher à tout prix cette puissante lignée de grands féodaux.

Fils naturel du duc Charles de Bourbon, Louis était connu comme un excellent homme de guerre. Selon l’historien du XVIIe siècle Antoine Varillas, « II avait porté les armes dès l’âge de 13 ans. II avait servi d'abord en qualité de simple fantassin, et ensuite on l’avait fait archer d'un homme d'armes dans la compagnie de cent lances du duc de Bourbon. II avait passé de là par tous les degrés, jusqu'à commander durant la guerre du Bien Public toute la cavalerie des princes ligués, à la réserve de celles de Bourgogne et de Bretagne ». C’est précisément par ce que le roi Louis XI avait été impressionné par les qualités militaires de son adversaire lors de cette guerre civile dite du Bien-Public, qu’il choisit aussitôt de s’en faire un allié, en lui offrant pour cela sa fille Jeanne. Toujours selon Varillas, « Le Roy avait une fille naturelle tout à-fait bien faite, que plusieurs cadets de la maison royale avaient en vain recherchée. Il la maria avec le Bâtard de Bourbon et, parce que ce n'était point alors la coutume de donner beaucoup de dot à cette sorte de princesse, le roi y ajouta l’usufruit du Roussillon et de la Cerdagne, le gouvernement de ces deux provinces et la promesse du gouvernement de la première armée que sa majesté mettrait sur pied ».

Les fiançailles de Louis de Bourbon et Jeanne de France eurent lieu dans l'hôtel de ville de Paris, au début du mois de novembre de l’année 1465, donnant lieu selon un témoin à « plusieurs joyeusetés, danses et autres plaisances ». Le mariage fut célébré au mois de février suivant et Jeanne fut légitimée dans la foulée. Sa lettre de légitimation, est datée du 25 février 1466. Elle présente Jeanne à la fois comme « fille naturelle du seigneur Roi, née de lui et de Phelise Regnard, sa maîtresse alors veuve », et comme « épouse de Louis de Bourbon comte de Roussillon » (filia naturalis Domini Regis per eum et Phelisiam Regnard, domicellam, nunc viduam, genita, uxor Ludovici de Borbonio Comitis Rossilionis).

Notons que, si la dote constituée par le roi Louis XI au profit de sa fille Jeanne porte mention des châteaux, villes, châtellenies, terres et seigneuries de Usson en Auvergne, de Cremieu, Moras, Beaurepaire, Vesille et Cornillon au pays de Dauphiné, son trousseau n’intégrait initialement ni la ville de Valognes, ni aucun autre bien en Cotentin. D’après les sources que nous avons consultées, il faut attendre le mois de mars 1469 pour trouver mention du bâtard de Bourbon qualifié à la fois de « comte de Roussillon, amiral de France et seigneur dudit Valognes ».

Conformément aux usages du temps, une fois mariée, Jeanne disparaît pratiquement dans l’ombre de son énergique époux. Sans détailler ici les nombreuses missions militaires et diplomatiques dirigées par Louis de Bourbon, retenons que celui-ci s’impliqua en premier lieu dans la soumission de villes rebelles de Normandie, avant de mener plusieurs ambassades difficiles en Angleterre. « Pour les vertus dont il estoit garny, et aussi parce qu’il avoit espousé la fille naturelle du roy », il reçut à la fin de mai 1466 le titre d’Amiral de France, lui donnant un commandement nominal sur l’ensemble de la flotte royale. En 1467 et 1468 il intervint de nouveau en Normandie, face aux armées coalisées du duc de Berry et du duc de Bretagne, dont il fut victorieux. Louis XI, le jour même de l'institution de son Ordre de Saint Michel, en août 1469, lui donna en récompense l’un des premiers colliers. Il semble probable qu’il reçut la seigneurie de Valognes dans la foulée de ces évènements, en même temps que le gouvernement d'Honfleur et de Granville.

S’étant immiscé dans la politique intérieure, pour le moins tendue et instable, du royaume d’Angleterre, Louis de Bourbon se trouva quelques années plus tard, en position de devoir accueillir et héberger en France le comte de Warwick, le fameux « faiseur de rois » de la guerre des Deux Roses. Rebelle au roi Edouard, ce dernier était venu le 29 juin 1470 se réfugier avec sa flotte dans la baie de Saint-Vaast-la-Hougue. Warwick et sa famille, ainsi que Clarence, le frère cadet du roi, furent alors installés avec leurs soldats et leur suite dans la ville de Valognes, où ils demeurèrent cantonnés jusqu’au 9 septembre suivant. On imagine qu’elle pouvait être le climat d’agitation, sans-doute de tension, dans cette ville qui avait vécu, seulement vingt ans plus tôt, deux sièges successifs et des évènements particulièrement meurtriers lors de l’expulsion des derniers soudards britanniques de la guerre de Cent ans !

Bien qu’il n’ait cessé d’intervenir au service du roi dans les Flandres ou face aux Bourguignons, en dépit également de ses origines bourbonnaises, Louis de Bourbon semble avoir conçu un fort attachement personnel pour le Cotentin. En 1473, on sait qu’il mena différentes manœuvres judiciaires dans l’espoir d’annexer à ses domaines la baronnie de Saint-Sauveur-le-Vicomte, échue au roi depuis la rébellion de Geoffroy d’Harcourt. Autre fait peu connu, ayant acquis en 1473 la baronnie de la Hougue, il s’engagea dans le premier projet raisonné de mise en défense du havre de Saint-Vaast, proposant au roi de faire fortifier le port et lui offrant de construire autour une ville marchande et une grande citadelle. Il y obtint en 1474 la création d’un marché et d’une foire, nourrissant l’espoir de voir le commerce y prospérer grâce aux grands travaux qu’il avait projetés de réaliser. C’est à Louis de Bourbon que l’on doit également, en mai 1481, l’érection du fief du Mesnil-au-Val, créé au profit de Guillaume du Foc, écuyer, capitaine de Cherbourg « à cause des bons et louables et agréables services qu’il avait faits et faisait de jour en jour, tant au roi qu’audit amiral » : il s’agit du manoir où résida (et écrivit !) ensuite son petit-fils, Gilles de Gouberville, l’auteur fameux du « Journal des Mises et Receptes ». En 1479 Louis soutint l’établissement des frères cordeliers, implantés à Valognes depuis 1468, en achetant à leur profit le manoir de Beaulieu, jointif de leur abbaye, à charge pour les frères de « prier pour le repos de son âme ». Nous savons malheureusement peu de choses de l’ancien hôtel de Bourbon, la résidence valognaise de Jeanne de France et de l’Amiral, totalement détruite durant la seconde guerre mondiale, et dont l’emplacement même reste sujet à caution. Les vestiges les plus significatifs de ce très vaste manoir urbain se voyaient au bas de la rue de Poterie, en façade d’un édifice médiéval devenu ultérieurement propriété du seigneur d’Olonde puis des dames Augustines. Orné de niches aux culots sculptés de figures d’anges, la façade de l’hôtel de Bourbon présentait aussi, selon M. Pouchin un relief montrant « un chevalier sur un cheval caparaçonné ». Le fait que Louis de Bourbon ait choisi de se faire inhumer dans l’église des frère cordeliers de Valognes, où il trouva le repos après sa mort survenue le 17 ou 18 janvier 1487, démontre de façon indéniable son attachement pour la ville. Malheureusement endommagé par les Huguenots en 1562 puis détruit à la Révolution, son tombeau ne nous est plus connu aujourd’hui que par un unique dessin du XVIIe siècle, conservé à la Bibliothèque nationale de France.

Jeanne de France – dite Madame l’Amirale - n’apparaît citée durant toutes ces années qu’en de rares occurrences. Tout laisse à penser qu’elle partageait le plus souvent, en compagnie de ses deux demi-sœurs, la vie de cour de la famille royale. Sa résidence est parfois signalée au château de Chinon et, le 24 mai 1481, c’est dans celui de Langeais qu’elle accouche de son fils Charles (décédé sans héritier en 1510). En décembre 1483, suite au traité d’Arras, elle figure au palais royal de Paris, auprès de sa sœur Anne de Beaujeu, pour la réception de la fille de l’empereur Maximilien. Elle résidait à nouveau au château de Langeais en avril 1491, puis au Plessis-Lès-Tours en octobre 1492, pour le baptême du dauphin, s’y faisant remarquer par la richesse des escarboucles et des pierreries ornant sa robe de cérémonie. En janvier 1499 c’est depuis son château du Coudray-Montpensier qu’elle concède à l’hôtel-Dieu de Valognes une acre de terre prise sur le clos du Gisors.

En bonne cheffe de famille, c’est surtout le souci d’assurer un mariage avantageux à ses enfants qui semble avoir occupé ses préoccupations de veuve. Le 2 juillet 1498, elle n’hésite pas à sacrifier la baronnie de la Hougue pour récupérer de l’argent frais, « considérant les grandes charges qu’elle a portées et soutenues pour messeigneurs ses enfants, tant pour le mariage de mesdemoiselles ses filles que pour l’entretenement de Charles de Bourbon, son fils, tellement qu’elle est obligée en de grandes sommes de deniers ». L’an 1500, sans doute toujours par besoin de liquidités, elle fieffait une maison lui appartenant, proche des halles de Valognes. En septembre 1511, elle se mêla du remariage sa petite-fille, Avoye de Chabannes, comtesse de Dammartin, avec Jacques de La Tremoille[1], de beaucoup son aîné, une union financièrement avantageuse, mais des plus calamiteuses si l’on en juge par les scandales qui en découlèrent ensuite (nous savons en particulier qu’Avoye de Dammartin, qui s’était secrètement promise à un autre prétendant, accoucha d’un enfant moins de trois mois après cette union !).

Mère attentive aux intérêts de sa descendance, Jeanne de France ne fut visiblement pas pour autant une belle-mère exemplaire. Le chroniqueur Jehan Leclerc relate en particulier que, non contente d’avoir retenu par devers elle la dote promise à Jean de Chabannes, comte de Dammartin, lors du mariage avec sa fille Suzanne, elle ne pardonna jamais à celui-ci d’avoir servi les intérêts du roi Louis XII au détriment de sa malheureuse sœur Jeanne, au moment de leur divorce. Feignant de vouloir se réconcilier avec son gendre, elle aurait, selon les dépositions recueillies alors, profité d’un séjour à Saint-Fargeau pour le faire mortellement empoisonner par son cuisinier…

L’une des seules marques visibles du mécénat de Jeanne de France en tant que « Dame de Valognes » fut son implication, en 1497, dans la fondation de l’hôtel Dieu, créé à l'initiative de son confesseur, Jean Lenepveu, prestre, bourgeois manants habitant du lieu. Ce dernier avait cédé à cet effet d'une maison et mesnage contenant deux vergées ou viron rüe Levesque bornez par laditte rüe, le douy et le clos du Gisors. Soucieux d’asseoir plus solidement sa fondation, il obtint de Jeanne de France le don d'une acre de terre ou environ pour la fondation de l’hôpital, église, maison Dieu et cimetière, située dans le Clos du Gisors. En retour cependant, Jeanne de France exigea impérieusement de se faire reconnaître l’unique fondatrice dudit hôpital et maison Dieu, avec le privilège de pourvoir et présenter au gouvernement dycelle. Elle demanda aussi à ce qu'elle-même, ainsi que son défunt époux et les membres de sa famille, soient participants à tous les biens, messes, prières et oraisons dites dans la chapelle. Le contrat de donation qu’elle fit établir en date du 28 janvier 1499, précise enfin que cet établissement serait édifié sous l'honneur et révérence de Nostre Dame et de toutte la cour céleste.

On se souvient par ailleurs que le château de Valognes possédait une tour qui, selon le témoignage donné par Jean Lescroël, au XVIIe siècle fut « nommée Madame Jeanne parce qu’elle avait été bâtie par la princesse Jeanne de France ». Selon Nicolas Faucherre, qui est aujourd’hui l’un des meilleurs spécialistes français des fortifications de l’époque moderne, la tour « Madame Jeanne » doit probablement être identifiée avec l’ancien bastion quadrangulaire qui occupait la pointe du flanc nord-est du château. Il s’agissait d’un ouvrage de défense adapté aux tirs d’artillerie, équipé d’après les plans anciens de meurtrières « à la française », dont le profil très ébrasé était sans doute similaire à celui d’une des ouvertures que nous avons pu observer en janvier 2016 sur une portion de cette même courtine nord-est, fortuitement dégagée à l’occasion des travaux de la place du château de Valognes.

Se voyant contestée dans la jouissance de son douaire, Jeanne de France fut contrainte en 1497 de céder ses domaines du Dauphiné afin de conserver les seigneuries de Valognes et d’Usson que son demi-frère, Charles VIII, avait souhaité annexer. Mais bien plus qu’en ses domaines du Cotentin, Jeanne de France semble s’être surtout impliquée dans l’agrandissement et l’aménagement de son château du Coudray-Montpensier, près de Chinon, pour lequel nous possédons le compte détaillé des travaux qu’elle ordonna entre 1489 et 1492. Elle avait aussi un attachement fort pour sa seigneurie de Mirebeau, en Anjou, qui lui fut offerte par sa sœur Anne de Beaujeu, et où elle résidait le plus régulièrement à la fin de sa vie. Tandis que la gestion de ses domaines du Cotentin était déléguée à Jean et Robert d’Anneville, de la famille des seigneurs de Chiffrevast, Madame l’Amirale continuait de soutenir à Mirebeau diverses procédures, toutes plus ou moins infamantes et vexatoires, pour faire valoir ses intérêts à l’encontre de la noblesse et du clergé local (on apprend en particulier comment elle envoya dix hommes armés pour saccager la collégiale de Mirebeau et intimider les chanoines, qui refusaient d’afficher ses armes sur le pourtour de leur église !). En 1505, elle concédait au profit de Jean Jallot, procureur du roi à Valognes, la seigneurie de Beaumont-Hague. Lorsqu’elle fit son testament à Chinon en Touraine, le 7 mai 1515, c’est bien d’ailleurs dans la chapelle des cordeliers de Mirebeau, non à Valognes auprès de son époux, que « cette charitable et vertueuse princesse » (M. Pouchin) choisit d’élire sa sépulture. Elle y fut inhumée l'an 1519, ayant atteint l’âge avancé de 72 ans.

S’il ressort de cette petite étude que Jeanne de France fut bien, par son tempérament, digne des plus belles diaboliques de l’histoire de Valognes, elle n’en resta cependant qu’une résidente des plus occasionnelles.

 

(J. DESHAYES/Pays d'art et d'histoire du Clos du Cotentin/2016)

signature autographe de Jeanne de France (collection privée)

signature autographe de Jeanne de France (collection privée)

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10 août 2016 3 10 /08 /août /2016 11:05
Dixièmes "Dialogues du patrimoine religieux et de la création contemporaine" avec FLorane BLANCHE, artiste plasticienne.

Lors des prochaines Journées européennes du Patrimoine (17 et 18 septembre 2016) auront lieu, dans le cadre de la chapelle Notre-Dame de la Victoire de Valognes, les 10e rencontres du patrimoine religieux et de la création contemporaine.

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L'invitée sera cette année l'artiste plasticienne Florane BLANCHE, pour une installation intitulée "LES MORTS ONT TOUS LA MÊME PEAU", créée spécialement pour cette occasion.

Installation à découvrir durant les deux journées (de 11h à 18h) en présence de l'artiste, et avec les créations sonores de « L’Ecrit du son ».

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RV. Chasse de Chanteloup.

L'installation progresse. Un tunnel se creuse entre nef et choeur, sorte de yourte encore énigmatique bientôt chargée de ses épidermes....
L'installation progresse. Un tunnel se creuse entre nef et choeur, sorte de yourte encore énigmatique bientôt chargée de ses épidermes....

L'installation progresse. Un tunnel se creuse entre nef et choeur, sorte de yourte encore énigmatique bientôt chargée de ses épidermes....

L'AFFICHE : noter, l'installation de Florane Blanche restera visible plusieurs semaines après les Journées du Patrimoine, en particulier à destination des établissements scolaires

L'AFFICHE : noter, l'installation de Florane Blanche restera visible plusieurs semaines après les Journées du Patrimoine, en particulier à destination des établissements scolaires

La Manche Libre, jeudi 15 septembre 2016

La Manche Libre, jeudi 15 septembre 2016

La Presse de la Manche, vendredi 16 septembre 2016

La Presse de la Manche, vendredi 16 septembre 2016

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15 juillet 2016 5 15 /07 /juillet /2016 11:10

I – Données historiques :
La propriété connue sous le nom de « la Prieuré », sur la commune de Morville, présente l’intérêt historique d’être assez précisément documentée par des sources anciennes publiées par Paul LECACHEUX ou conservées aux archives départementales de la Manche (nos remerciements à Jérémie Hallais qui nous en a facilité la consultation).
Cet édifice constituait en effet une propriété ecclésiastique, dépendance de l’hôtel Dieu de Coutances, et ce statut a permis la conservation des archives depuis son implantation au XIIIe siècle jusqu’à sa reconstruction à la fin de l’ancien régime.
Le premier acte identifié relatif au prieuré de Morville est constitué par une charte de donation de l’an 1219, par laquelle Herbert de Morville, seigneur de la paroisse, offrait la moitié de l’église de Morville à la maison Dieu fondée par son frère, Hugues de Morville, en sa cité épiscopale de Coutances. Cette donation fut confirmée la même année par Richard de Vernon, baron de Néhou et suzerain d’Herbert de Morville, puis une nouvelle fois en 1221, par l’évêque Hugues de Morville lui-même.
En 1274, cette première donation fut augmentée par la concession de 9 acres de terres offertes à l’hôtel-Dieu de Coutances par Robert Néel, de Morville et son épouse Agnès. Cet acte précise déjà l’existence de maisons, de « masures », de jardins et vergers, prés et terre labourables ou non labourables (« in domibus, masuris, gardinis, hortis, pratis et terris arabilus vel inarabilus »). Sans en reprendre la liste ici, notons que, durant le XIIIe siècle, les frères de l’hôtel Dieu parvinrent aussi à acheter ou se faire offrir d’autres terres ainsi que des rentes sur la paroisse de Morville, afin d’augmenter les revenus de leur établissement .
D’autres concessions antérieures ayant été effectuées au XIIe siècle en faveur de l’abbaye bénédictine de Saint-Sauveur-le-Vicomte, la paroisse de Morville se trouva dès lors partagée en deux cures . Cela signifie que le prélèvement des dîmes comme la desserte religieuse de la paroisse étaient partagés entre deux prêtres, le plus souvent des vicaires rétribués exerçant cet office en lieu et place des prêtes « habitués ». En 1332, le pouillé du diocèse de Coutances distingue ainsi la petite portion revenant au prieur de l’hôtel Dieu (« prior et fratres domus Dei Constanciensis sunt patroni ecclesie de Morevilla »), de la grande portion tenue par l’abbaye de Saint-Sauveur-le-Vicomte, et possédant un presbytère distinct (aujourd'hui "le Vieux presbytère).
En 1451, tout juste à la fin de la guerre de Cent ans, cette situation de partage de la paroisse entre deux établissements religieux engendra un conflit pour la perception des dîmes. Cette procédure précise de façon intéressante que l’un des curés de la paroisse était parti hors de Normandie lors de l’arrivée des anglais, soit 34 ans plus tôt ( !) . Ce différent eut pour conséquence la destruction de la grange aux dîmes, finalement ordonnée en 1458.
En 1477 un échange fut effectué avec Robert d’Anneville, seigneur de Morville, pour permettre aux frères du prieuré de récupèrer une terre jointive à leur domaine, dite se trouver au « Maubute » (auj. le Maubert).
Le 22 janvier 1663, un aveu fut rendu à la seigneurie (devenue fiefferme) de Morville par le sieur Jacques Hamel, prieur et curé du lieu. Celui-ci comprenait alors neuf acres de terre (environ 3 hectares) avec « les maisons dessus estant », qui se consiste « en maison manable, pressoir, grange, étables, compris deux petits jardins potagers et un petit jardin à pommiers (..) jouxte le curé de Morville pour la grande portion, le chemin de Morville au pont au Muey (Moy ?), et autres pièces de terre nommées le vieux presbytère, le petit Maubut (…), pièce de terre seiche nommée La Chaux ».
En 1752 une procédure fut entreprise par le prieur Pierre le Trouy, religieux de l’hôtel Dieu, souhaitant obtenir des paroissiens la restauration à leurs frais des bâtiments de son prieuré qui menaçait ruine. Au terme d’une longue procédure, le procès fut perdu par le prieur, contraint donc de financer lui-même les travaux. De fait, par une lettre du 23 octobre 1773, le prieur s’engageait finalement à faire restaurer « à ses frais et dépens le presbytère dudit Morville, suivant le plan qui en serait donné, selon l’usage, et ce d’ici 2 ans, et faire aussi reconstruire les basses cours dans 3 ans et demi, où les batiments du prieuré seront rendus parfaits à l’hôtel-Dieu ». La date portée visible en façade de la demeure actuelle « PLT 1775 » confirme la véracité de cette source écrite.
Après la Révolution de 1789 et la nationalisation des biens d’Eglise, la commune tenta de récupérer le domaine de l’ancien prieuré en menant à son tour un procès contre l’hôtel Dieu de Coutances. Etant reconnu qu’il s’agissait d’un prieuré dépendant d’une institution charitable, non supprimée par la nouvelle République, la commune fut finalement déboutée. La vente du prieuré par le diocèse ne survint finalement qu’en 1920, au profit de la famille Delarocque, demeurée en possession de cette propriété jusque dans les années 1990.
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II- Description sommaire :
Cet ancien site prioral est formé d’un logis principal dont la façade ouvre au nord-ouest sur une cour partiellement entourée de communs. L’ensemble des constructions est édifié en calcaire local.
Ainsi que l’indiquent les sources historiques et la date portée visible au-dessus de sa porte d’entrée, le logis fut entièrement reconstruit entre 1773 et 1775. Il présente une belle ordonnance classique, avec cinq travées ordonnancées sur deux niveaux plus un étage de combles. Les communs, au nombre desquels peuvent s’identifier l’ancien pressoir, la grange, les étables avec fenil à l’étage, ainsi qu’une remise et un puits couvert en dôme, conservent des éléments antérieurs au XVIIIe siècle, pouvant remonter pour les plus anciens aux XVe et XVIe siècles, mais ils ont été assez largement remaniés lors de la phase de modernisation des années 1773-1776.
A noter, au nord-est de la cour, la présence d’un petit logis secondaire sur deux niveaux, ne comportant que deux travées d’ouverture, avec une porte d’entrée particulièrement soignée, que l’on daterait volontiers, par le détail de ses ornements, de l’extrême fin du XVIIe siècle ou des premières décennies du siècle suivant. L’existence d’une chambre sur cellier dissociée du logis principal pourrait s’expliquer ici par la volonté de dissocier la résidence du prieur de celle des frères du prieuré.
A noter par ailleurs, la capacité que nous avons, grâce aux sources médiévales, à reconstituer la géographie du domaine prioral en le reportant sur le cadastre moderne. Son schéma d’implantation, dessinant une sorte de grand ovale irrégulier et intégrant aussi bien des portions de terres labourables au contact de l’habitation, que des terres de pâture et, probablement, un petit bois, apparaît représentatif des logiques médiévales d’exploitation domaniale.
L'ancien logis du prieur, "camera" dissociée du logis principal.

L'ancien logis du prieur, "camera" dissociée du logis principal.

La perception du bâti ancien doit aussi intégrer l'aménagement des paysages environnants. La Prieuré de Morville se prète à ce type d'approche.

La perception du bâti ancien doit aussi intégrer l'aménagement des paysages environnants. La Prieuré de Morville se prète à ce type d'approche.

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14 avril 2016 4 14 /04 /avril /2016 12:03

~~Les résultats préliminaires de l’étude menée par l’Université de Leicester sur l’histoire génétique de la péninsule du Cotentin ont été présentés à Valognes le jeudi 21 avril 2016.

Les échantillons collectés l’été dernier d’hommes issus de familles solidement ancrées dans la région offrent pour la première fois l’opportunité aux scientifiques d’explorer l’histoire des peuplements de la presqu’île au cours du dernier millénaire à travers le profil ADN de sa population actuelle.

Les personnes qui ont livré des échantillons pour permettre cette étude ont été invitées par M. Richard Jones, le directeur de ce projet, à cette restitution qui aura lieu au cinéma le Trianon à partir de 20h (inutile pour eux de s'inscrire à nouveau !).

Le génotypage de SNP visant à cartographier le génome entier d'un petit échantillon de la population moderne de la presqu'île du Cotentin Résultats Préliminaires, par le prof. Richard Jones.

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Avant-propos :

Avant d’aborder ces données de notre étude ADN, je voudrais remercier le Leverhulme Trust d’avoir financé, et donc rendu possible, la réalisation de ce projet, ainsi que nos partenaires français représentés par le professeur Pierre Bauduin du Centre de Rcherches Archéologiques et Historiques Anciennes et Médiévales à l’Université de Caen, et le CNRS. J’aimerais également adresser des remerciements particuliers à mon collègue et ami, Julien Deshayes, qui a rendu notre tâche possible, grâce à ses efforts considérables en matière de recrutement, de médiatisation locale, de traduction, et de mise à disposition de la Maison du patrimoine. Je tiens également à remercier la presse de son intérêt pour cette étude, et dont les reportages ont entraîné un flux remarquable de demandes de participation. De même, je tiens à remercier Lauren Butler, qui a contribué, une fois de plus, à recueillir les échantillons. Par-dessus tout, je tiens à remercier bien sûr ceux d’entre vous qui se sont portés volontaires pour fournir les échantillons. Comme vous le savez, et pour des raisons juridiques, nous avons été incapables de fournir des résultats individuels à des participants spécifiques. Le retard causé par les cinq mois de négociations juridiques entre les deux côtés a sans doute mis votre patience à rude épreuve. Je vous suis donc vivement reconnaissant d’avoir décidé de mener à bien le projet, et d’avoir eu la générosité d’apprendre à connaître vos histoires individuelles afin de contribuer à une étude qui ajoute aujourd’hui une nouvelle dimension à l’histoire du Cotentin et plus généralement de la Normandie. Vous avez été quatre-vingt-neuf, d’un total de 92 participants, à accepter les nouvelles dispositions en matière de communication des résultats. Cela implique deux choses. D’abord, et sur le plan pratique, le nombre important d’échantillons permet d’obtenir des résultats plus fiables que si le nombre de participants avait été plus restreint. Plus essentiellement encore, ceux d’entre vous qui sont restés dans le projet ont réussi à communiquer un message fort à ceux qui ont remis en question son objectif. Vous avez prouvé par vos actions et vos réponses que la principale motivation derrière votre participation a toujours été de contribuer au progrès général de la compréhension historique de votre région, pour le bien de tous, et non d’établir une certaine base scientifique en vue de faire valoir des revendications à titre personnel et politique. Certains crachent fureur et indignation pour faire valoir leurs opinions ; en crachant, en toute discrétion, dans des tubes à essai, vous avez eu un impact aussi puissant, sinon plus.. Vous pouvez tous être fiers de vous.

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I Historique Génétique :

En ce moment même, d’énormes progrès se réalisent en matière d’ADN ancien. Pourtant, cette science a toujours souffert d’une difficulté à obtenir du matériel exploitable à partir de vestiges archéologiques et à cause du coût important de l’analyse. Il existe par conséquent très peu d'échantillons qui nous permettent d’étudier de manière directe, la composition génétique des populations anciennes. Or la situation évolue rapidement. Il a été démontré récemment qu’un des os du crâne, nommé os pétreux, préserve bien son ADN en étant particulièrement dur et dense. Aujourd’hui, la réduction du coût de l'analyse ainsi que la possibilité d’avoir une source fiable d'ADN ancien, nous permettent de prévoir des découvertes dans le proche avenir. Nous attendons avec beaucoup d’intérêt les résultats sortants des études de Rollo, par exemple, actuellement entrepris par des généticiens Danois et Norvégiens et qui devraient être prêts en automne. Pendant les deux dernières décennies, l'insuffisance d'échantillons d’ADN anciens fiables a poussé les généticiens à développer des méthodes indirectes qui à partir d’ADN moderne explorent les populations historiques. Les deux parties les plus précieuses de notre ADN forment le chromosome Y, qui est transmis de père en fils, et l'ADN mitochondrial qui est transmis par la mère aux descendants des deux sexes. Notre étude s’est jusqu'à présent concentrée sur le chromosome Y. Des examens bien réfléchis sont capables d’identifier les variations dans la composition complexe des chromosomes. Ces variations se produisent au fil du temps sous forme de mutations génétiques causées par plusieurs mécanismes naturels et sociaux, mais aussi par le hasard. Ces variations peuvent être regroupées selon plusieurs critères. Cela permet de classer un individu dans un ‘haplogroupe' particulier, et ceci en fonction du type de variations détectées dans leur ADN. Ces haplogroupes ne sont pas équitablement répartis sur le globe terrestre mais tendent à se regrouper dans des continents particuliers. Ce phénomène est causé par le fait que les mutations sont relativement récentes (au cours des derniers 15000-5000 ans) et ne se sont pas encore bien dispersées géographiquement. Cependant, comme les populations mondiales deviennent plus mobiles, ces regroupements géographiques commencent à se dissoudre. ~~Cette carte montre la répartition des haplogroupes les plus souvent retrouvés en Europe sous forme de pourcentage de la population totale de chacun des pays échantillonnés. Contrairement à l'analyse par échelle continentale, où les différences sont souvent faciles à détecter, l’analyse par échelle sous continentale devient une tâche bien plus compliquée. Nous traitons souvent les proportions relatives d’haplogroupes présents dans une population donnée afin de différencier au sein même d’une nation. Nous constatons que le groupe rose R1b est dominant en Europe de l'Ouest, mais que plus on se déplace vers l'Est, donc l’Europe centrale et orientale, plus le R1A devient fréquent. Une forte agglomération de J2 rouge est observable autour de l’est de la méditerranée, alors que le I1 bleu se démarque au nord de l'Europe. Si nous nous concentrons sur la France, nous constatons qu'environ la moitié de la population appartient à l'haplogroupe R1b, similairement à l'Allemagne, mais qu'il est sensiblement inférieur à celui constaté dans la péninsule Ibérique et chez les Basques, ou en effet parmi ses autres voisins Néerlandais et Anglais. Il y a toutefois des raisons qui justifient le devoir d’être prudent quant à ce type de carte génétiques d’Europe. Tout d'abord, les statistiques d’une base de données nationale risquent de ne pas prendre en considération les importantes variations régionales. Deuxièmement, et d'un point de vue historique, les données ne garantissent pas une représentation totale de la vraie composition génétique des résidents de long terme d’un certain pays surtout lorsqu’elles proviennent de rapport médicaux anonymes et modernes. Ceci dit, ces données sont loin d’être inutiles car elles fournissent incontestablement le cadre dans lequel nous pourrions commencer à expliquer les différences. Il existe d'autres manières pour illustrer ces données. Prenons l’haplogroupe J2 comme exemple. Nous remarquons que la proportion de ce groupe peut atteindre 30-40% de la population en Turquie et au Moyen-Orient. Sa présence reste importante en Italie et en Grèce, mais elle diminue rapidement vers le Nord et vers l’Ouest montrant ainsi une proportion de 1-5% en Normandie, et de moins de 1% en Angleterre. Il semble judicieux dans le contexte de la présente étude, de faire contraste en examinant la distribution de l’ haplogroupe I1. Ce groupe est visiblement le plus fréquent dans les populations modernes de la Suède et de la Norvège et un peu moins dans la population Danoise. Il est également présent parmi les Allemands (1% à 10%) et les Anglais (1% à 7%). Beaucoup moins répandu en France, où l’on retrouve cet haplotype moins qu’une fois sur vingt. La particularité de ce groupe laisse à suggérer la possible origine géographique d'un ancêtre à distance. Il est donc sensé d’adopter l’hypothèse qui trace le mouvement de populations suivant le mouvement d’haplogroupes. ~~Mais cela ne pourrait pas être prouvé définitivement à cause du mélange d’haplogroupes au sein d’une même population. De plus, depuis la totalité du matériel génétique formant un individu, seul le brin d’ADN paternellement transmis et formant le chromosome Y est considéré. D’autres pièces d’ADN comme celles héritées directement de la lignée maternelle pourraient indiquer différentes origines. Il est possible de voir à travers l’arbre généalogique cité comme exemple, la manière dont le chromosome Y passe à travers les générations de père en fils ; mais comment le chromosome Y de certains ancêtres ne figure pas dans la dernière génération. Lorsque nous passons à l'ADN mitochondrial, la situation est presque similaire. Les mères contribuent leur ADN mitochondrial à leur progéniture des deux sexes, sauf que dans ce cas seules les filles pourront retransmettre ce brin d’ADN. En fait, l’entièreté de notre ADN provient d’un mélange complexe et diversifié qui ne permet que très rarement de revenir à un ancêtre en particulier. Il est aussi essentiel de noter que la génétique ne s’exprime ni sur la race, ni sur l’ethnie des personnes en question. La biologie (génétique incluse) ne reconnait pas le système de races : 99,9 % de l’ADN est identique chez tous les êtres humains, nous appartenons tous à une seule race humaine qui ne peut pas être subdivisée racialement. De l’autre côté, l'appartenance ethnique est construite par le social et le culturel ; elle n’est pas une réalité biologique, et ne laisse donc aucune marque visible dans l'ADN d'une personne. Des personnes ayant le même haplogroupe peuvent se définir comme ethniquement différentes entre elles ; alors que des personnes se définissant eux-mêmes ethniquement semblables pourraient avoir différents haplogroupes. Ce ~~sont des choses importantes à retenir lors de l'interprétation de tout résultat génétique, de sorte à pouvoir dévoiler toute ignorance ou intention de falsifier les preuves en tentant d’associer ceci à une différence raciale. L'art du généticien de populations réside dans l'interprétation de ses résultats. Ceci est mieux réalisé lorsque les résultats sont regroupés et non pas traités isolément, car les familles ayant des historiques complexes pourraient influencés les chiffres de manière significative. Alors que si les résultats sont étudiés en masse, une image claire de la composition génétique de la population et les contributions relatives d’haplogroupes (possiblement de différentes origines géographique) apparaît. C'est particulièrement le cas lorsqu’une population montre une proportion d’haplogroupes plus importante que prévu, et au-delà de sa répartition géographique attendue. Dans des situations pareilles, les généticiens peuvent aller rechercher les raisons dans l’histoire, chez les populations dotés d’un passé migratoire évident, afin d’expliquer ces anomalies génétiques apparentes. Compte tenu l'histoire connue de l'Angleterre, par exemple, nous pouvons nous attendre à voir une "contribution" Germanique par la colonisation des Anglo-Saxons après la période Romaine. Nous prenons compte de ces attentes. Mais encore plus, ce n’est qu’en examinant la proportion de ceux ayant les marqueurs d'ADN potentiellement d’origine Anglo-Saxonne, que nous pouvons commencer à évaluer l'ampleur de la colonisation. Une question à laquelle ni l'histoire, ni l'archéologie n'ont pu répondre. Est-ce que l'invasion Anglo-Saxonne était une prise de charge de l’élite ? Ou a-t-elle causé la migration massive des gens ? Et là où l'ADN mitochondrial a été examiné, s'agissait-il des femmes (si oui, combien) ainsi que des hommes ? Nous pouvons poser les mêmes questions que celles posées face aux autres mouvements migratoires historiquement prouvés, comme par exemple ici en Normandie. Pouvons-nous détecter une signature génétique des Vikings ? Si oui, à quel degré ? Comment les résultats de Normandie se comparent à ceux venant d'autres territoires touchés par la diaspora Scandinave à la fin du premier millénaire avant notre ère ? Y’a-t-il des différences évidentes dans la structure génétique des Anglais, des Irlandais, des Écossais et des Normands qui pointent vers différentes échelles et intensités de colonisation Scandinave ? Est-il possible de séparer la contribution Danoise de celle Norroise Viking ? Ces sont des questions intéressantes et importantes. Mais ce sont aussi des questions sur lesquelles il est difficile d’y répondre. Nous faisons un énorme saut de croyance lorsque nous expliquons une distribution génétique moderne par des processus historiques. Il existe un énorme fossé à combler entre des événements qui ont eu lieu depuis mille ans, et le présent. La génétique historique ne peut qu’offrir un ensemble de possibilités, des probabilités occasionnelles, mais jamais des certitudes. Il est important de reconnaître que l’histoire des population d’Europe de l'ouest, et particulièrement de Normandie, est extrêmement complexe. Toutes les régions ont connu des vagues successives d'immigration au cours des siècles. Il n’est pas facile d’isoler la contribution d'une seule population au sein de mouvements de populations tellement fluides. La tâche devient plus difficile par le fait que même si nous avons souvent affaire à des épisodes historiques distincts, beaucoup d’individus ont du matériel génétique en commun. Il est difficile par exemple de confirmer si l'origine d'un haplogroupe particulier dans une certaine région vient des tribus Germaniques, ou ultérieurement avec les Anglons-Saxons, ou encore plus tard avec les Danois. Génétiquement tous ces gens sont très similaires. La génétique historique est donc pleine d'incertitudes, mais elle reste notre meilleure méthodologie disponible, d’ici jusqu'à la sortie en masse des études d’ADN ancien. Nous pouvons prendre des mesures, comme nous l'avons fait ici en Normandie, pour veiller à ce que notre échantillon nous donne les meilleures chances de succès. Il a été démontré ailleurs, que des résultats plus significatifs peuvent être obtenus par échantillonnage des individus ayant une association familiale avec leur région. C'est la raison derrière le critère de sélection qui a limité les participants à ceux qui sont nés dans un rayon de moins de 50 km de la ville natale de leurs quatre grands-parents. Une résidence stable au cours des trois dernières générations est souvent indicatrice d'une plus longue histoire de la famille dans cette région en particulier. Tous ceux qui ont participé à ce projet respectait ce critère. Il est cependant très difficile de retrouver ces personnes en Angleterre, car la population est devenue beaucoup plus mobiles au XVIIIe siècle en conséquence à la révolution industrielle. Bien que cette différence marquée entre les deux côtés du canal n’était pas attendue, cela ne signifie pas forcément que la France, ou du moins certaines de ses régions, offrent un meilleur environnement d'échantillonnage pour cette étude qu’en Angleterre. Deuxièmement, parce que notre intérêt se concentre sur le chromosome Y, transmis de père en fils, nous avons ajouté les noms de familles comme autre dimension à notre sélection, car ils sont aussi transmis via la lignée paternelle. C’est aussi parce que nous nous intéressons à la contribution Vikings dans le Cotentin que notre intérêt se concentre sur les patronymes Scandinaves en particulier. L’obligation juridique de rendre les échantillons anonymes, nous a privés toutefois de comparer ces derniers avec ceux dont les noms de famille n’indiquent aucune origine Scandinave. Mais ce processus de sélection aurait biaisé l'échantillon. C’est en effet chez vous, les participants, qu'il nous est le plus possible de détecter une contribution Scandinave à l'ADN de la population moderne du Cotentin.

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II Les Résultats :

Voici les résultats de l'étape préliminaire d’analyse sortant de votre ADN. Je voudrais les décrire brièvement ainsi que la manière dont ils sont interprétés par les généticiens qui traitent le sujet d’Histoire. Je tiens ensuite à comparer nos résultats à d'autres échantillons disponibles et venant du reste de l'Europe. Nous allons voir comment ceci va permettre de voir si votre ADN est inhabituel et va aider à identifier d’autres régions ayant des profils similaires, ou souvent très différents. Enfin, je listerai les analyses futures que nous avons l’intention de faire pour affiner les résultats, en espérant de mettre plus de précisions à un tableau complexe. Ce n'est pas la fin du processus analytique. En fait, ce n'est que le début. La loi française nous empêche malheureusement de vous dire où dans l'organigramme votre ADN a contribué. Néanmoins vous êtes là, et ensemble, vous avez aidé à créer ce premier aperçu des profils génétiques de la population moderne de la péninsule du Cotentin. Ce diagramme en camembert représente le groupement des résultats sortant de l’analyse des 89 échantillons. Chacune des sections représente un haplogroupe différent du chromosome ~~spécifique aux mâles. Il est important de rappeler qu’en tant que participants individuels, vous appartenez à une seule des sections identifiées dans le diagramme. Plus le nombre de personnes appartenant à un haplogroupe particulier est grand, plus la taille de la section dans le camembert est grande. L'ensemble des résultats ici est exprimé en pourcentage du total plutôt qu’en nombre d'échantillons individuels. Le plus important segment du graphique, et de loin, représente l’haplogroupe R1b (52 personnes; 59 % des échantillons). C'est le type de chromosome Y le plus répandu en Europe du Nord et de l’Ouest. Comme vous pouvez le voir sur cette carte, sa fréquence géographique forme un gradient qui augmente sur un axe partant du sud-est vers le nord-ouest ; de la Turquie vers l'Irlande. Son origine revient à une expansion médiée par les mâles pendant l'âge de Bronze, il y’a environ 4000 ans. Des éléments de preuves d'ADN ancien et moderne suggère que les bergers de la région des steppes au nord de la mer Noire ont immigré en Europe en apportant cette haplogroupe, et aussi une nouvelle technologie pour l'usage des métaux. Certains chercheurs croient que ces migrants ont même importé la famille linguistique indo-européenne qui domine l'Europe d'aujourd'hui. Cette haplogroupe peut être utile pour étudier les contributions des Vikings Norvégiens et Danois à la Normandie mais un travail plus détaillé reste nécessaire pour subdiviser ce grand groupe. Nous pourrions noter, cependant, qu'ici dans le Cotentin, le pourcentage de R1b est légèrement plus faible que prévu. C'est parce qu'ici d’autres haplogroupes jouent un rôle plus important. ~~Le deuxième groupe en importance est I1 (11 individus, 13 % de l'échantillon). Tout comme le R1b, il vient aussi d’une "jeune" lignée, descendant d'un homme qui vivait il y a environ 4000 ans. L’haplogroupe I1 est très fréquent en Scandinavie (plus de 45 % de la population appartiennent à ce groupe génétique dans certaines régions), et donc nous pouvons pour l’instant suggérer une possible ascendance Viking en Normandie. Nous pouvons voir, à partir de cartes génétiques européennes, que notre échantillon donne près de trois fois le nombre prédit d’individus I1. Cependant, certaines populations Germaniques ont aussi des fréquences comparables à celles observées en Normandie. Nous avons examiné ce dernier groupe de plus près. Les généticiens produisent des réseaux qui placent les échantillons individuels d’une certaine origine géographique au sein de son propre groupe. D’autant qu’ils sont positionnés proche l’un de l’autre, d’autant le lien de parenté est grand. Nos échantillons de Normandie ne sont pas agglomérés, résultat indicatif d’un ensemble hétérogène plutôt qu’un groupe homogène. En d'autres termes, les haplogroupes I1 en Normandie auraient différentes origines. Lorsque nous examinons les "empreintes" sous-jacentes de l’haplogroupe I1, certains des chromosomes Y Normands montrent une affinité avec les Germaniques, tandis que d'autres révèlent une affinité avec les Scandinaves. Ceci pourrait suggérer une contribution mixte en Normandie dans le passé.

~~D’autres haplogroupes, moins représentatifs au sein de notre échantillon, pointe aussi dans une direction d’origines Germaniques ou Scandinaves. I2 vient d’une lignée ancienne qui apparut au paléolithique il y’a 14,000 ans. Cet haplogroupe est le plus fréquent dans le sud-est de l'Europe, et il est retrouvé chez trois participants de la Normandie. Toutefois nos échantillons s’identifient beaucoup plus étroitement avec la sous-clade I2a2. Aujourd'hui, la fréquence de I2a2 est à son sommet dans le centre et le nord de l'Allemagne (10-20 %), les Pays-Bas (10-15 %) ainsi que dans ~~le nord de la Suède. I2a2 est également constaté dans 3- 10% des habitants du Danemark, de l'est de l'Angleterre et le nord de la France. Il est plus rare en Norvège, à l’exception du sud, où l'influence Danoise fut forte historiquement. R1b-M222 est un haplogroupe pour lequel il n’existe pas de carte Européenne. Nous avons créé un réseau à cette jeune lignée, généralement considérée comme caractéristique de l'Irlande. Sa fréquence là-bas, 26%, est inhabituellement élevée. Retrouvé chez trois participants de la Normandie, il indique une possible migration Irlandaise, peut-être Hiberno-Norroise, dont la présence peut être expliquée par certains noms de lieux dans le Cotentin. Cependant, la lignée est également retrouvée à faible fréquence dans d'autres régions Françaises et dans les Pays-Bas, chose qui demande précaution dans l’interprétation. Au moins un de nos R1b-M222 Normands s’aligne avec des exemples Irlandais. Aujourd'hui, plus du quart d’hommes Norvégiens portent le ‘jeune’ haplogroupe R1a, et sa présence à l’extérieur de la Scandinavie est souvent considérée comme preuve d’une migration Viking. Cette lignée est toutefois rare en Normandie : seulement 2 des 89 participants. Ceci pourrait être à l’encontre d’une contribution Norroise, constatation qui aurait une potentielle importance historique et à laquelle je reviendrai plus tard. Certes, l’examen du réseau R1a de plus près, montre que les deux Normands ne sont pas étroitement liés au groupe principal Scandinave représenté en violet. L’haplogroupe N est une lignée commune dans le nord-est de l'Europe, particulièrement à l'est de la mer Baltique. Il est est rare dans la péninsule Scandinave, et il est tentant de spéculer que le seul exemple en Normandie pourrait représenter un migrant Viking.

~~Nous pouvons passer maintenant aux haplogroupes qui pointent dans d'autres directions. Le troisième groupe le plus grand (5 personnes ; 6 % de l'échantillon) est représenté par l’haplogroupe E3b. Cette lignée remonte à il y’a environ 15 000 ans et comme indiqué par ces deux cartes, elle se concentre dans la Méditerranée. Parmi notre échantillon, on peut identifier deux sous-groupes : trois de nos échantillons peuvent être classés comme E-V13, prédominant dans les Balkans, tandis que les deux autres appartiennent à E-M81, une lignée d'Afrique du Nord. Comme vous pouvez le voir dans le graphique, ces deux haplogroupes sont rares en Europe de l'Ouest, et E-M81 est en effet extrêmement rare. Toutefois, environ 1 à 10 individus mâles de la population Portugaise appartient à cet haplogroupe, ce qui rend possible l’hypothèse d’une migration récente en Normandie via les liens commerciaux maritimes. Par contre, les déclarations de l'historien du dix-neuvième siècle Elisée Reclus dans l'Homme et la Terre disant que "les habitants [de Granville] sont considérés par certains d’être de descendance Ibérique" ne sont pas admises en générales par les historiens qui ne trouvent dans les listes de noms enregistrés, aucune preuve de résidents Espagnols ou Portugais. La détection de ces deux haplogroupes dans nos échantillons reste un mystère.

~~L’apparition de l’haplogroupe G dans nos échantillons est tout aussi inattendue, et certainement à la fréquence dans laquelle il est retrouvé (4 individus; 5 % de l'échantillon). Cet haplogroupe est rare dans l'ouest de l'Europe (généralement moins de 5 %), et comme le montre cette carte, il est le plus commun dans certaines régions Méditerranéennes particulièrement à l’est de la Turquie, en Géorgie, et en Arménie. Similairement à l’haplogroupe I, il reflète la présence de la population autochtone en Europe avant l'âge Néolithique (estimée à environ 19 000 ans). Sa forte présence en Normandie est surprenante. Le lieu d’origine possible le plus proche est la Sardaigne, sauf que je ne suis au courant d'aucun des liens historiques étroits entre la Normandie et cette île. L’haplogroupe G n’est pas commun en Sicile et dans le sud de l’Italie, mais suffisamment présent pour que ces lieux restent une origine potentielle du G retrouvé récemment dans le Cotentin. J1 est très fréquent dans le Moyen-Orient et en Afrique du Nord, mais rare en Europe à l’exception du Sud. Il reste surprenant de trouver deux exemples J1 en Normandie. J2 est plus étroitement associé avec la Turquie et le Moyen-Orient. Nous avons un ou peut être deux exemples de cet haplogroupe dans nos échantillons. Trois de nos échantillons sortent suffisamment des normes attendues, empêchant donc leur classification dans un haplogroupe défini. L’un de ces dernier montre une affinité étroite avec J2, l'autre avec I1, tandis que le troisième pourrait représenter un nouveau type génétique non identifié auparavant.

~~Pour mieux comprendre ces résultats, il est utile de les comparer avec d’autres études. L'étude de l'ADN effectuées sur la Péninsule de Wirral dans le nord-ouest de l'Angleterre est la plus proche de la nôtre en termes de méthodologie. Cette zone est connue historiquement (noms de lieux comme éléments de preuve) d'avoir été colonisées par les Nordiques à la fin du premier millénaire après JC. Les chercheurs en question ont ont entrepris une analyse basée sur les noms de familles (comme cela a été notre première intention) ainsi qu’un l'examen de la population moderne dans son ensemble. Certaines constats peuvent être faits : Tout d'abord la variation génétique présente en Normandie est significativement plus grande que dans la région de Wirral. Toutefois, les résultats se rapprochent là où les pourcentages peuvent être vérifiés. Ainsi, parmi la population du Wirral, 69 % appartiennent à R1b, tandis que pour la Normandie ce chiffre est de 62 % (si on inclut R1b-M222). Pour l’haplogroupe I, les pourcentages sont respectivement de 23 % et 17 %, de 4 % et 2% pour R1a, et de 3 % et 6 % pour E3b. Lorsque les résultats du Wirral résultats ont été examinés par l'historique des noms de famille, la plupart des haplogroupes ont maintenu leurs fréquences initiales, mais R1b a chuté de 69% à 62 %, et I a chuté de 23% à 14%. Par contre, R1a a augmenté considérablement, passant de 4 % à 14%. Ceci est très significatif, étant donné que R1a lorsqu’en dehors de la Scandinavie est souvent représentatif d’une migration Viking. C’est en effet une raison pour remettre en question l’importance de la contribution Norroise dans la péninsule du Cotentin. D’autre part, il aurait été très utile de comparer le marqueur Hiberno-Norrois R1b-M222 et le marqueur RIa tous deux présents dans l'échantillon de Normandie, avec les noms de famille pour tester l’association marqueur génétique-nom de famille Scandinave. Malheureusement, jusqu'au jour où les règles affectant l’étude génétique de populations changent en France, il ne serait pas possible de savoir. Nous sommes donc laissés à devoir comparer nos résultats de Normandie avec d'autres résultats venant de populations dans toute l'Europe. Et ceci doit être traité avec prudence car la manière dont ces résultats ont été compilés est très différente. Il serait donc possible que parfois nous ne comparons pas directement le comparable. Malgré ces problèmes potentiels à résoudre, nous avons généré une carte qui montre les profils de base résultants de la Normandie plus alignés avec les pays de l’Europe du nord plutôt qu’avec ceux du sud.

~~Ceci est dût en particulier à cause de la faible fréquence de l’haplogroupe I1 dans les échantillons du sud. Nos échantillons du Cotentin ressemblent donc le plus ceux provenant de la Baie de Somme, des Pays-Bas et la Belgique, et ne sont pas différents des résultats du centre et du sud de l'Angleterre. La séparation génétique entre la Normandie et la Bretagne devient plus claire. En effet, il est frappant de constater à quel point ces deux duchés semblent être génétiquement différents. La différence la plus grande réside dans la présence beaucoup plus élevée de J1 (‘jeune lignées' Germanique/Scandinave) et de G (‘ancienne lignée’ dans le Caucase) dans la population Normande, qui sembleraient remplacer R1b. En bref, la Bretagne s’associe avec Cornwall et d'autres parties de la soi-disant "frange Celtes" y compris le Pays de Galles et l'Irlande. Donc, en dépit de leur proximité et leurs quelques quelques histoires partagées, l’étude suggère différentes histoires génétiques pour ces deux populations. Une évaluation statistique peut tester cette différence. Ce graphique représente les similarités et les différences des échantillons régionaux et nationaux selon deux axes. Il regroupe les camemberts nord-ouest Européens comme statistiquement indiscernables, en les plaçant dans le même quadrant comprenant les résultats Scandinave tout en démontrant une différence qualitative attendue entre les deux groupes. L’éloignement de la Norvège du Danemark et de la Suède est à noter. La Bretagne s’aligne avec d'autres échantillons Français de l’ouest du littoral et reste proche de de l'Irlande et le Pays de Galles. Elle est significativement différente des échantillons provenant du sud-ouest de la France et le Pays Basque.

~~Que devrons nous faire alors de nos résultats du Cotentin ? D'abord, nous ne sommes pas surpris par la diversité génétique au sein de notre échantillon. Nous savons que l'histoire du peuplement de la Normandie est complexe. Que cela se reflète dans l'échantillon est à bien des égards rassurant. Nous savons peu de choses sur la préhistoire, mais la présence d'anciennes lignées d'ADN nous ramène un long chemin dans le temps. Pour les périodes historiques, nous pouvons être plus certain : occupation gallo-romaine, migrations germaniques, connexion des deux rives du canal qui est attestée par les noms de lieux Anglo-saxons, et colonie Scandinave. Puis nous avons la complexité ajoutée pendant le deuxième millénaire AD, lorsque le mouvement de populations est devenu de plus en plus important et l'ADN s’est entremêlé entre individus. C'est ce que nous dit cet échantillon.

~~Deuxièmement, nous pouvons voir que la Normandie se tourne vers le nord. Sa population et son histoire culturelle appartiennent, au moins en général, au nord-ouest de l'Europe centrée sur la mer du Nord et le canal. Mais ce qui peut être encore plus fascinant, c’est que les haplogroupes les moins représentés sont plus fréquents que prévu, et indiquent des origines autour de la Méditerranée, y compris l'Afrique du nord, et s'étendent plus loin vers l'est dans le Moyen-Orient et l'Europe de l'est. La Normandie est donc une connexion nord-sud européenne. Rome explique la relation avec le sud, de même que les avoirs fonciers Normands en Sicile, ainsi que l’engagement historique dans les croisades qui s’éloigne plus encore vers l'est. La mer ouvre aussi à la Normandie d'autres routes le long desquelles de l'ADN aurait pu être transmis à différents moments par différentes interactions. Il est intéressant de noter que malgré les attentes que ceci se reflète aussi chez les Bretons, il ne l'est pas. Enfin, qu’en est-il des Vikings ? Il est frustrant que l'échantillon soit ambiguë. Sauf qu’il est aussi très tentant de considérer le fort signal de I1 comme marque laissée par les Vikings en Normandie, où il se trouve présent approximativement dans les mêmes proportions que celles observées chez d’autres populations ayant un historique Viking connu. Si ceci est vrai, alors la colonisation a apparemment eu lieu à une échelle de temps similaire, par exemple, à celle du Danelaw Anglais. Que nous ne voyons pas une forte signature Norroise, si I1 peut être interprété tel, tend vers l'implication Danoise plutôt que Vikings Norroise ici dans le Cotentin. Mais la présence de R1b-M222 nous donne la possibilité d'un lien pour les Norrois, possiblement venant en deuxième diaspora via l'Irlande plutôt que directement à partir de leur pays d'origine. Dans l'affirmative, cela peut révéler une longue période de colonisation Scandinave directe et indirecte pendant quelques centaines d'années. Mais comme tout en génétique de l’histoire des populations, ces conclusions doivent être prises avec prudence. I1 pourrait aussi représenter l'empreinte de tribus Germaniques plus anciennes ou en effet un accouplement entre populations Anglo-Saxonnes. Quelle est la prochaine étape ? Il y a clairement beaucoup de travail à faire. A l’heure actuelle, l’image reste extrêmement floue. Pour aller plus loin, nous effectuons en des analyses du chromosome Y plus poussées afin de mieux définir les haplogroupes, identifier d'éventuelles sous-clades, et créer des réseaux qui aident à identifier plus clairement et de manière précise les origines géographiques. Nous allons également effectuer une analyse de du génome qui est partagé entre les mâles et les femelles, et hérité des deux parents. Ces expériences clarifieront aussi la contribution de l'ADN mitochondrial, transmis seulement des mères à leurs enfants. Ceci ouvrira vos arbres généalogiques vers des parties qui sont à l’heure invisibles. L'ADN mitochondrial est très difficile à analyser, car il s’agit de plusieurs brins d'ADN hérités plutôt que la seule lignée du chromosome Y. Enfin, les données génétiques que vous nous avez aidés à générer depuis la population moderne de Normandie reste une ressource précieuse permettant de comparer l'ancien matériel génétique de squelettes de l'époque viking si ce dernier est généré à l’aide des nouvelles méthodes de séquençage d’ADN actuellement disponibles. La connaissance de l’histoire génétique de la Normandie n’est qu’à ses débuts.

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11 avril 2016 1 11 /04 /avril /2016 14:25
EXPOSITION : La Pierre de Valognes, 2000 ans d’extraction et de création

L'exposition estivale présentée à la Maison du Patrimoine de Valognes aborde l'histoire de l’utilisation de la "pierre de Valognes" qui, depuis l’antiquité romaine jusqu’à la Reconstruction de l’après-guerre, a permis d’édifier l’ensemble des édifices de la ville, depuis les modestes demeures d’ouvrier jusqu’aux grands hôtels urbains.

Ce matériau, jadis vendu et exporté dans toute la presqu’ile du Cotentin, servit aussi à produire de la statuaire religieuse et des décors funéraires. L’organisation des chantiers, le travail des carriers et des tailleurs de pierre y sont aussi abordés en douze panneaux illustrés.

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EXPOSITION VISIBLE EN SEMAINE A LA MAISON DU PATRIMOINE DE VALOGNES, accès libre et gratuit.

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11 février 2016 4 11 /02 /février /2016 12:08
Une souscription pour la sauvegarde de l'église de Magneville (50)

L’église paroissiale Notre-Dame de Magneville est mentionnée pour la première fois vers le milieu du XIe siècle, lors de sa donation par Robert Bertran, seigneur de Bricquebec, à l’abbaye de Saint-Ouen de Rouen. Plus rien ne subsiste de cette église primitive, dont le chœur fut intégralement reconstruit dans les années 1120-1140, et la nef environ un siècle plus tard.

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L’ÉGLISE : Ce chœur à chevet plat, formé de deux travées voûtées sur croisées d’ogives, constitue l’un des plus remarquables représentants de l’architecture romane de la presqu’ile du Cotentin. L’articulation des voûtes sur croisées d’ogives, s’équilibrant sur de solides piliers à colonnes engagées, est complétée par un décor sculpté d’une grande variété : figures animales, masques humains et bestiaire fantastique alternent avec des motifs d’entrelacs et de palmettes végétales. Le même atelier de sculpteurs a également produit pour cette église de remarquables fonts baptismaux polychromes. Maintes fois reproduits et commentés, ces derniers sont ornés à chaque angle de masques grimaçants, évocation selon certains des quatre fleuves du paradis, ou bien, selon d’autres, des quatre peuples de la terre. La chapelle de la Vierge, édifiée au XVIe siècle, dégage sur le flanc sud du chœur un espace lumineux, abondamment éclairé par de larges baies aux remplages flamboyants. Une inscription latine indique que le clocher fut édifié en l’an 1481. Cette tour porche très massive, placée à l’occident de la nef, abrite une chapelle haute, consacrée selon la tradition à l’archange saint Michel. La statuaire de l’église de Magneville, de belle qualité, comprend en particulier un saint Gilles et un saint Jacques, sculptés au XVe siècle par un atelier du Cotentin.

Une souscription pour la sauvegarde de l'église de Magneville (50)

Nature des travaux :

Le premier souci de l’association est de mettre l’église hors d’eau d’où la nécessité d’entreprendre en urgence des travaux de réfection d’une partie de la toiture et d’intervenir sur les écoulements d’eau de la tour de clocher :

- Réfection d’une partie de la charpente et de la couverture

- Restauration de la charpente du porche nord de la nef

- Restauration de plusieurs verrières et huisseries

- Réfection des fenêtres de la sacristie

Les acteurs du projet sont :

- L’Association pour le Patrimoine de Magneville

- La commune de Magneville

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13 janvier 2016 3 13 /01 /janvier /2016 16:33
La Cour de Saint-Martin-le-Hébert

Le « fief de Saint-Martin » dépendait sur le plan féodal de la baronnie de Bricquebec, dont le château médiéval est toujours visible à quelques kilomètres de là. Il était tenu en 1251 par Guillaume de Saint-Martin, chevalier et passa ensuite en possession de la famille de la Mare, puis de la famille d’Orglandes, qui l’a conservé durant six générations. Au XVIIe siècle, le domaine est entré par mariage en possession par la famille Plessard, qui a remanié et modernisé les bâtiments du manoir. Passé au XIXe siècle en possession des de Chivré, des de Tanouärn puis des Noël, il appartient aujourd’hui à la famille Riblier.

Bâti en fonds de vallée, contre le flanc sud d’un relief que domine l’église du village, le manoir de Saint-Martin se compose d’un groupe compact de bâtiments organisés autour d’une vaste cour fermée et entourée de douves. Face au corps de logis principal, qui occupe l’angle nord-est de la cour, se trouvent un imposant colombier circulaire et un corps d’entrée défensif. Ce dernier conserve trace d'anciennes échauguettes d’angles et de son système de pont-levis à flèche. Le bâtiment qui forme l’aile ouest correspond à une portion de l’ancien logis médiéval, qui fut ensuite fortement remanié. Parmi les communs se remarquent l’ancienne charreterie, ouvrant sur la cour par quatre grandes arcades, des étables, un pressoir à cidre, un second colombier formant tour d’angle au sud-est, et d’autres dépendances agricoles (fenils, burets à cochon, remises…). Le corps de logis principal, qui semble appartenir en intégralité au premier tiers du XVIIe siècle, peut être attribué avec vraisemblance à Guillaume Plessard, devenu propriétaire de la Cour en 1612. Il présente une façade soignée, percée de grandes fenêtres à meneaux régulièrement ordonnancées et coiffées en partie haute de frontons triangulaires. Une curieuse échauguette, destinée à loger une cloche pour l’appel du personnel de la maisonnée, vient se loger dans l’angle rentrant entre les deux ailes. Sur l’arrière, le logis est augmenté d’une grosse tour circulaire qui abrite en rez-de-chaussée un surprenant lavoir octogonal. Le grès aux teintes orangées de la région de Bricquebec se marie harmonieusement ici aux calcaires de Valognes et aux schistes bleus du Cotentin, qui en recouvre les 2000m2 de toiture.

Avec sa cour fermée, ses douves, ses tours d’angles et son corps d’entrée, la Cour de Saint-Martin évoque encore les traditions de l’architecture défensive du Moyen-âge. Au-delà de la volonté de s’assurer ainsi une protection contre d’éventuels agresseurs, ces « citations » du passé traduisent probablement tout autant un effort de représentation sociale. Issu d’une famille anoblie seulement en 1580, devenu procureur du roi vers 1618, Guillaume Plessard pouvait ainsi affirmer aux yeux de tous sa remarquable ascension.

Propriété privée non accessible au public, la Cour de Saint-Martin-le-Hébert ouvre chaque année ses portes aux visiteurs lors des Journées européennes du Patrimoine.

J. Deshayes / pah Clos du Cotentin.

Le corps de logis principal, façade sur cour.

Le corps de logis principal, façade sur cour.

La Cour de Saint-Martin-le-Hébert
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