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11 octobre 2012 4 11 /10 /octobre /2012 19:10

14, Rue de l'officialité (ensemble disparu)

 

Il existait au cœur du Valognes d’avant-guerre un ensemble imbriqué de propriétés regroupées autour d’une vaste cour, qui ouvrait au nord par un passage couvert donnant sur la rue de l’Officialité, presque au chevet de l’église Saint-Malo, et s’étendait au sud jusqu’à la rivière du Merderet, sur les arrières de l’actuel Musée des vieux métiers (hôtel de Thieuville). Le nom usuel sous lequel les vieux valognais connaissaient cet ilot apparaît déjà en 1751 dans un document  mentionnant la « cour vulgairement depuis plusieurs années appelée la cour aux gendres ». Cette mention fait directement référence aux frères Nicolas et René Legendre, nés à Teurthevillle-Bocage, qui exerçèrent à Valognes la profession d'ébéniste, architecte et entrepreneurs durant le premier tiers du XVIIIe siècle. On devait en particulier à Nicolas Legendre la construction de l'un des bâtiments de l'hôpital de la ville et la réalisation des très belles stalles de choeur de l'église Saint-Malo. Nicolas fut le père de Jean-Gabriel Legendre, né à Valognes le 30 décembre 1714, qui fit une brillante carrière d'ingénieur du roi en charge de la généralité de Châlons (cf. sur ce personnage article de la revue VAL'AUNA du premier semestre 2013). La "Cour Legendre" abrita aussi la librairie des imprimeurs Clamorgan et la maison familiale du médecin Félix Vicq d’Azir.

 

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La cour aux Gendres et la maison Lerouge, plan de 1767

 

Le 18 septembre 1718, les frères Nicolas et René Legendre passaient un accord avec l’imprimeur Joachim Clamorgan pour l’acquisition commune d’un corps de logis appartenant antérieurement à Thomas le Coutre, sieur de Sauxmesnil, situé « dans la bourgeoisie de Valognes, au grand-carrefour dudit-lieu ». Chacun des deux contractants s’attribuait ainsi une portion distincte d’un immeuble avec boutique donnant sur la rue, passage couvert, escalier, puits et autres dépendances sur l’arrière de la propriété, en maintenant la cour dans leur jouissance commune. Deux ans plus tard, le 19 janvier 1720, l’inventaire après décès de René Legendre était dressé dans la partie d’habitation revenant à sa veuve, Louise Moysi. Ce document est assez décevant car il ne mentionne à l’intérieur de la salle et de l’unique chambre du défunt aucun outil, ouvrage ou autre élément se rapportant à son activité professionnelle. L’atelier des Legendre devait bien cependant occuper une partie de l’édifice car un nouvel acte notarié, passé le 15 janvier 1722 pour régler leur succession, évoque « les immeubles, biens et outils qui appartenaient en commun à Nicolas et René Legendre, frères ». Il semble, à la lecture d’autres transactions, que cet atelier occupait une « maison nouvellement rétablie » située non sur la rue mais sur l’arrière de la cour commune. La propriété de ce lot passa ensuite aux héritières de René, les demoiselles Marie et Anne Legendre, qui s’en séparèrent le 2 mars 1747 au profit de François Chaulieu, avocat et bourgeois de Valognes.



 

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La "Maison Lerouge" et la Cour aux Gendres par Lepeuple, 1924 (coll. archives de la Manche)

 

A la mort de Nicolas, survenue le 8 décembre 1730, l’autre part d’héritage des frères Legendre fut en revanche transmise à son fils aîné, Jean(-Gabriel), alors âgé de 16 ans. Le 18 mai 1739, parvenu à la majorité et se présentant comme « bourgeois de Caen », le futur ingénieur de la Généralité de Châlons cédait son lot à Jean Vicq sieur de Valemprey et au sieur Felix Vicq. La portion d’immeuble acquise par le sieur de Valemprey fut revendue en 1756, par sa veuve, Marie Gaucher, au profit de Guillaume Corval, marchand. L’acte de vente stipule que « laditte veuve venderesse » intervenait comme « acquéreur du sieur Legendre, ingénieur ». Le 1er juillet 1774 Félix Vicq d’Azir (le père du médecin de Marie-Antoinette) revendait l’autre part au sieur Corbin de l’Epine. La propriété comportait alors « deux salles sur la rue avec boutiques, un vestibule entre les deux, deux chambres au premier étage, des combles couverts d’ardoise, un cabinet avec balcon sur la cour et un escalier ». Elle fut rachetée le 4 janvier 1776, par le sieur Orange, qui ne tarderait pas en entrer en conflit avec les héritiers Clamorgan, ses voisins, pour des problèmes de mitoyenneté. Au début du XIXe siècle, les cinq filles du sieur d’Orange exerçait dans l’ancienne demeure des Legendre une activité de mercerie. En 1806, l’une des sœurs amputa cet héritage en cédant sa part à Baptiste Laurent Despinose, receveur des contributions de Valognes.

La « Cour aux Gendre » comprenait encore d’autres bâtiments situés en fond de parcelle, au contact de la rivière. L’un d’eux appartenait au milieu du XVIIIe siècle à Michel Pinel, avocat. En 1774, le fils de Michel Pinel, Guillaume Pinel sieur de Falaize, revendait ce bien à l’abbé Charles Louis d’Hauchemail, propriétaire de l’hôtel dit « de Thieuville », pour en agrandir les dépendances. Un autre corps de logis compris dans cet ensemble, appartenait en 1780 au sieur Lerouge. Jacques Lerouge, époux de Françoise Pottier, avait été fermier des greffes du tribunal de Valognes puis procureur au bailliage. Il apparaît encore en 1786 dans un recensement de la population valognaise avec la mention « ancien procureur ». Parmi les jeunes clercs passés par son étude figure en particulier Jean-Baptiste Lecarpentier, devenu célèbre en tant que délégué de la Convention nationale durant la période révolutionnaire

 

 

 

J. Deshayes

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9 octobre 2012 2 09 /10 /octobre /2012 10:18

Poterie (rue de)

En 1735 Jean-Jacques Le Forestier, seigneur de Clayes, constituait l'assise foncière de la propriété par l'achat de deux lots, provenant d'une vente consentie respectivement par Jeanne Gréard et Bernardin Félix Auger, seigneur de Mesmont. La part cédée par ce dernier se consistait en une portion de maison nouvellement "réédifiée par le seigneur de Mesmont". En 1749, Alexandre et François Le Forestier d'Ozeville, frères et héritiers de Jean-Jacques Le Forestier, revendent cette propriété à Charles-Louis Heurtevent, sieur de la Haulle, conseiller du roi et lieutenant criminel au baillage de Valognes, qui augmente encore la propriété d'une nouvelle portion de maison riveraine. En 1761, un édifice rassemblant les deux propriétés antérieures, est vendu dans sa totalité à Anne-Hilarion Costentin de Tourville, "comte de Tourville, seigneur et patron de Vauville, Pierreville, Bazan, Coutainville, Anneret, Crux, Semilly, le Val, Condé, la Molière, le Mesnil-Vaudon et autres lieux, ancien lieutenant de vaisseau, chevalier de l'ordre de Saint-Louis" pour un montant de 16 000 livres. L'acte de vente nous indique que le bâtiment contenait à cette date "cuisine, cellier, écuries, remises, salles, cabinet de compagnie, chambres et greniers". En 1766, une transaction passée avec le sieur Liénard, propriétaire de l'auberge voisine du Grand-Turc, permet au comte de Tourville de mieux délimiter sa cour, en supprimant une écurie qui y faisait enclave.

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L'hôtel de Tourville sur le plan Lerouge, 1767

Anne-Hilarion Costentin de Tourville était le petit neveu du célèbre amiral de Tourville, dont il portait également les prénoms. Il avait épousé en 1754 Elizabeth-Madeleine de Camprond, fille du seigneur de Sottevast, et décéda à Valognes le 10 mai 1773. Le Comte de Tourville étant mort sans descendance, la propriété passe alors à son neveu, Charles-César du Mesnildot, qui la rétrocède immédiatement pour le prix de 20 000 livres à Elizabeth-Madeleine de Camprond. L'hôtel est ensuite transmis en héritage à Marie-Jacqueline de Camprond, sa soeur (veuve de Jean-François d'Anneville de Chiffrevast), qui en octobre 1796 (24 messidor an V) revend la propriété à Jean-François Vauquelin. En 1833, l'édifice est vendu par la famille Vauquelin à Sophie Leperon de la Fossardière, épouse de Claude-Antoine Premont, juge au tribunal de Valognes. En 1850 il est acheté par Appoline Jobelin, veuve de Louis-Florentin Buhot, la mère du peintre et aquafortiste Felix Buhot. A sa mort, en 1854, l'hôtel est acquis par la famille Abaquesné de Parfouru, qui le conserve jusqu'en 1918, puis passe à Arthur Fauvel, greffier au tribunal, et est enfin racheté en 1939 par Charles Simpson, décédé en juin 1944 de blessures infligées par les bombardements américains.

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Deux aperçus partiels de la façade sur rue, d'après des cartes postales anciennes, vers 1900

 

La façade sur rue en pierre de taille, était composée de sept travées et de trois niveau d'élévation. Une porte cochère située à l'extrémité gauche de la façade ouvrait sur le jardin. Le rez-de-chaussée comprenant les pièces de service, était surmonté de deux étages nobles. Un bandeau horizontal soulignait le deuxième étage. Les baies étaient coiffées d'un linteau cintré, orné d'une clef sculptée. L'hôtel de Tourville a été intégralement détruit lors des bombardements américains de juin 1944.

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Passage couvert de la chasse Greville, accolée au mur pignon sud de l'hôtel de Tourville,

par Felix Buhot, vers 1880.

J. Deshayes 2012

(d'après les notes de Mlle Lebouteiller et compléments de recherche effectués par Stéphanie Javel)

 

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8 octobre 2012 1 08 /10 /octobre /2012 11:04

13, rue de l'Officialité (édifice disparu)

 Hôtel d'Ourville, Charles Jouas 1942

Façade sur jardin de l'hôtel d'Ourville par Charles Jouas, 1942

L'hôtel d'Ourville appartenait au début du XVIIIe siècle à Charles Adrien Félix de la Houssaye, marquis d'Ourville, sieur de Pontrilly, et demeura dans sa postérité jusqu'au début du siècle suivant. En 1778, Paul-Hyacinthe de la Housssaye (1708-1780), officier aux gardes françaises et Chevalier de Saint-Louis y employait quinze domestiques. Un inventaire levé la même année précise que l'édifice comprenait alors trois grands corps de logis regroupés autour d'une cour, et abritait un salon de compagnie, une salle à manger, sept chambres, trois appartements, cuisines, offices et autres communs ainsi qu'un jardin orné d'une grotte. Passé par héritage en 1780 à Ambroise-Gabriel-Charles de la Houssaye, l'hôtel est transmis en 1782 aux deux filles de ce dernier, Ambroisine-Marie et Henriette-Louise-Adélaïde. La maison reste alors en jouissance de leur grand-mère, la marquise d'Ourville, née Ambroisine Doynel, jusqu'à son décès survenu en 1793. En 1805, la propriété est revendue au profit de Nicolas Lecroisey, docteur à Valognes.

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L'hôtel d'Ourville sur le plan Lerouge, 1767

En 1816, l'hôtel, comprenant "une maison de maitre composée d'une cuisine, une laverie, double offices et deux cabinets au rez-de-chaussée, un salon de compagnie avec antichambre (...), une salle à manger avec un poêle en faïence (...), quatre chambres à coucher sur l'aile gauche de cette maison, un cabinet de toilette et une armoire à quatre panneaux en garde-robe, deux autres chambres à l'aile droite (...) et les greniers faisant le comble couverts en pierre ; plusieurs escaliers servant à l'accession desdits appartements, écuries, remises, caves cour, puits, porte cochère sur la rue et une autre cour à fumier", ainsi que des jardins et autres dépendances, est acquis par le docteur Bernard Blény, pour la somme de 12 000 francs. La veuve du docteur Blény, s'étant installée en 1829 dans l'hôtel Saint-Rémy, rue des Religieuses, loue ensuite l'hôtel d'Ourville, qui abrite en particulier, à partir de 1837 la "Chambre de lecture de Valognes". En 1842, elle revend l’édifice à la ville de Valognes, pour y installer l'Ecole des Frères de la doctrine chrétienne. Les frères firent alors construire une aile sur le jardin pour abriter les salles de classes. "L'école ouvrit ses portes à la rentrée de 1845 et ne comptait pas moins de 270 élèves d'après le procès verbal du 16 février suivant" (note de Mlle Lebouteiller). En 1892, l'école des Frères était remplacée par une école communale. L'édifice a été détruit par les bombardements alliés de juin 1944.

 

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Hôtel d'Ourville, la salle de classe construite entre 1842 et 1845,

carte postale ancienne, vers 1900

Mlle Le Bouteiller donnait de l'hôtel d'Ourville la description suivante : « Au centre, au fond de la cour, s'ouvrait la porte d'honneur. Une légère saillie du bâtiment, encadrée de bossages et surmontée d'un fronton triangulaire, la mettait en valeur. Deux portes, aux angles, utilisées pour les services, équilibrait cette façade. Les ailes étaient occupées par les communs. L'ensemble comportait un rez-de-chaussée, un étage et des combles éclairés par des lucarnes "en chien assis". Face au Merderet, sur l'autre façade, un escalier à double volée menait des appartements d'apparat au jardin, tandis qu'à l'opposée de cet escalier une tour carré mettait une note pittoresque ».

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Felix Buhot, détail d'une tour d'escalier de l'hôtel d'Ourville, 1884

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Tour d'escalier de l'hôtel d'Ourville, carte postale ancienne, vers 1900

Cette tour carré fut représentée en 1884 par Félix Buhot, avec pour légende "Pavillon et tourillon dans la cour d'entrée de la maison actuelle des frères de la Doctrine chrétienne, rue de l'Officialité". L'écrivain Jules Barbey d'Aurevilly s'est inspiré du Docteur Blény, l'un des propriétaires de l'édifice, pour l'un des personnages de sa nouvelle "A un diner d'athées", publiée dans le recueil Les Diaboliques.

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Aperçus de la façade sur la rue de l'Officialité, cartes postales anciennes, vers 1900

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L'hôtel d'Ourville sur un plan d'urbanisme de la Reconstruction.

J. Deshayes (d'après notes Lebouteiller et fonds André Chastain)

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4 octobre 2012 4 04 /10 /octobre /2012 10:53

28, rue des Religieuses (Accueil/ Restauration : Lien)

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Les nombreux vestiges d'époque médiévale et Renaissance visibles parmi les bâtiments de l'hôtel du Louvre attestent l'ancienneté de son implantation. Sa première mention en tant qu'auberge remonte au 25 aout 1707, date de l'assassinat de Guillaume de Hennot, écuyer, qui résidait alors sur place. Le 8 novembre de la même année, est relaté dans les sources judiciaires l’arrestation "au milieu de la ville de Valognes" de Nicolas Samuel, sieur de Basmond, notaire royal et apostolique, qui, condamné pour "fausseté bien prouvée" fut conduit aux prisons de la ville. On apprend alors que l’huissier "s’étant présenté à la porte des prisons, ayant même frappé et appelé inutilement le concierge qu’on voyait par la fenêtre, il fut réduit d’autant plutôt à conduire Basmond à l’hôtellerie du Louvre que Basmond faisoit des signes à ses amis qui passoient dans la rue, et au peuple qui s’attroupoit, et faisoit craindre quelque émotion". A la suite, est relatée l’intervention de Jean René de Cussy, noble local de quelque envergure et commandant de la garnison du lieu, qui accompagné de soldats et "sous prétexte d’y rendre visite au sieur de Senecey, gentilhomme de ses amis qui y logeoit", y organisa une sorte de coup de main contre les représentants de la justice, l’un d’eux se trouvant même percé à la cuisse d’un coup d’épée, et serait parvenu ainsi à libérer le sieur de Basmond, "son homme d’affaire". (cf. René GUILLARD, Histoire du Conseil du Roy depuis le commencement de la Monarchie, Paris, 1718, p. 796 et suivantes).

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En 1719 est à nouveau cité "la maison où pend l’enseigne le Louvre", lieu de résidence de Jean-Baptiste Morgan, conseiller du roi. L'édifice est ensuite régulièrement mentionné lors de ventes ou d’inventaires après décès (en 1726, 1744, 1770, 1793 …). Outre une auberge, le Louvre abritait depuis le XVIIIe siècle un relais de diligence et un relais de poste aux chevaux. L'appellation "Hôtel du Louvre" est commune à un grand nombre d'autres relais de poste, sur tout le territoire français. Leur origine pourrait remonter à l'institution même du service des postes royales, sous le règne de Louis XI.

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On relate que Marie Dorothée Desprez, veuve de Richard Marguerie et héritière en 1781 de la charge de maître des postes, y cacha à la Révolution plusieurs prêtres réfractaires. Elle fut sur le tard une proche du médecin Félix Vicq d'Azir, qui déclarait dans un acte du 22 mai 1795 vivre chez elle "mais seulement pour y résider, y boire et manger à titre de pensionnaire". Notons qu'il s'agit ici du père du célèbre Vicq d'Azir, qui fut membre de l'Institut et médecin personnel de la reine Marie-Antoinette.

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Note de frais de Jules Barbey d'Aurevilly, pour deux mois de coiffure et de produits cosmétiques, adressée à l'hôtel du Louvre

On dispose pour le XIXe siècle de nombreuses précisions sur la vie de cet établissement et sa clientèle. En aout 1830 il hébergea notamment la garde particulière du roi Charles X, logé dans une demeure voisine, lors de son départ vers l’exil. Alexis de Tocqueville y établit son bureau de campagne lors des élections législatives, de 1837 à 1848, et y tenait ses permanences de député. Son hôte le plus célèbre reste toutefois Jules Barbey d'Aurévilly, qui y séjourna en 1871 puis y déjeuna régulièrement de 1872 à 1887. L’écrivain s’est directement inspiré du lieu pour situer le décor d'une nouvelle de son recueil Les Diaboliques intitulée "Le Rideau cramoisi". Nous avons conservé certaines de ses notes de frais, indiquant un net penchant pour le rhum en carafe… La réputation culinaire de l’hôtel du Louvre est du reste soutenue par divers témoignages : En 1854, l’anglais John Murray écrivait, dans son Handbook for Travellers in France : "Valognes. Hôtel du Louvre, kept by M. Guetté, one of the best cooks in France". L’appréciation est confirmée par un autre guide de voyage, indiquant la même année que le Louvre était alors "renommé pour sa bonne cuisine et ses andouillettes, dites andouillettes de Valognes" (Guide classique du voyageur en France et en Belgique, Paris, 1854).

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La cuisine a conservé une cheminée monumentale datant de la Renaissance

La façade comprend trois niveaux d’élévation plus un étage de combles et se développe tout en longueur, sur un total de treize travées ordonnancées. En position latérale, au bas bout de l’édifice, une haute porte cochère mène vers la cour des communs, qui abrite des écuries, un très vaste hangar à diligences et d'autres dépendances. Si la façade sur rue constitue une élévation homogène, caractéristiques des grandes demeures valognaises de la fin du XVIIIe siècle, l’analyse de l’édifice permet toutefois d’identifier les vestiges de deux constructions antérieures, initialement distinctes.

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Le raccord entre ces deux entités primitives est marqué côté rue par un net décrochement et s’observe aussi dans la structure interne du bâtiment. La partie droite conserve un escalier droit datant du  milieu du XVIIe siècle et intégrait initialement un passage couvert ouvrant côté rue par une porte massive, d’aspect médiéval. La partie droite, étendue sur neuf travées, est cependant celle qui présente les éléments architecturaux les mieux préservés et les plus anciens. Elle présente encore, côté cour, sa tour cylindrique d'escalier en vis, dont la toiture en poivrière couverte de lauses de schiste abrite une petite volière à pigeons. Plusieurs éléments datant de la même période - cheminée monumentale de la cuisine,  consoles prismatiques soutenant les poutres et portes à encadrements chanfreinés - subsistent à l’intérieur de l’édifice et permettent d’identifier une phase d’occupation remontant au second tiers du XVIe siècle.

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Façade sur cour, avec escalier en vis logé dans une tour circulaire

A l’étage, toutes les chambres ont en revanche été réaménagées au XVIIIe siècle. Elles ont conservé pour certaines leur cheminée et leurs boiseries de style Louis XV, en particulier la chambre n°4, qui fut dit-on occupée par Barbey d’Aurevilly.

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La salle de restauration et la salle de bar du rez-de-chaussée ont été entièrement refaites dans les premières décennies du XXe siècle, suite probablement à un incendie survenu en 1885 (Dans un courrier du 21 février 1885 adressé à Mme de Bouglon, Barbey indique que l’hôtel avait subi, cette année là, un important incendie, provoqué semble t-il par les éclairages au gaz de M. Maréchal, propriétaire des lieux ; Correspondance générale, vol. IX, Paris, 1989, p. 141). Le décor de miroirs couvrants fut ensuite complété, dans la petite salle, par un ensemble de panneaux peints sur toile signé de la main d’Alice Courtois, décoratrice parisienne qui dessina également l’ameublement. Ces panneaux peints datant des années 1920 figurent des monuments du patrimoine local (gare maritime de Cherbourg, Grand Quartier de Valognes, Cour de Flottemanville-Bocage…).

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D’autres vestiges d’habitats anciens sont visibles parmi les communs, à l’intérieur de la cour, où plusieurs ailes et corps de bâtiment forment un ensemble complexe et très enchevêtré. On distingue en particulier, au nombre de ces dépendances, un vaste hangar à diligence du XIXe siècle, affecté aujourd’hui à un usage de garage. Deux boxes à chevaux, jointifs, abritaient les étalons servant à tracter l’omnibus de l’hôtel, avec lequel on faisait jadis la navette jusqu’à la gare de chemin de fer.

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boxes à chevaux et ancien hangar à diligences

A l’étage du hangar subsistent un séchoir à linge, avec ses claustras en bois, ainsi que l’ancienne sellerie, pratiquement intacte. La serre située sur l’arrière des écuries a perdu en revanche son vitrage et son ancien chauffoir. Ces différentes constructions, partiellement édifiées en brique, semblent de peu postérieures à 1885.

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ancienne sellerie    

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Remises

L'hôtel du Louvre est inscrit au titre des Monuments historiques depuis mars 2012.

Julien Deshayes, 2012

Pays d'art et d'histoire du Clos du Cotentin

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3 octobre 2012 3 03 /10 /octobre /2012 17:41

Rue de Poterie

En 1722 Jean René de Cussy, sieur d’Armanville, de Teurthéville Hague, de Nouainville, de Montfiquet et autres lieux, commandant pour sa Majesté « dans la ville et château de Valognes en Normandie», achetait un fonds constitué de trois boutiques jouxtant sa propriété, sur la rue de Poterie. Epoux en 1718 de Marie-Madeleine Varin, le sieur de Cussy avait été impliqué en 1707 dans une curieuse affaire d’évasion, qu’il avait organisée au profit du dénommé Nicolas Samuel, sieur de Basmond, notaire royal, son « homme d’affaire ». Condamné pour ces agissements, il fut assigné en cassation au versement d’une amende de 450 livres et fit même, semble t-il, quelques jours de prison. Cela ne semble pas avoir compromis sa carrière puisque Jean-René de Cussy d’Armanville est cité en 1736 au nombre des « portes épées » appointés de 500 livres de rente, devant figurer dans les cérémonies du Sacre et des funérailles royales. A son décès, survenu le 17 septembre 1737, la propriété de la rue de Poterie fut semble t-il transmise à son fils cadet Jean-René (II) de Cussy, né en 1694, tandis que l’ainé, Jean-Gabriel, héritait à Valognes d’une autre demeure, connue aujourd’hui sous le nom d’hôtel de Carmesnil.  L’inventaire après décès levé en cette occasion mentionne « la chambre neuve non enduite du côté du levant ayant vue sur le jardin», correspondant probablement à l’extension nouvelle de la demeure.

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Plan d'alignement de la rue de Poterie levé en 1768, détail

A son décès, survenu le 5 avril 1763, Jean René (II) de Cussy transmet la propriété à son fils aîné, François de Cussy, né à Valognes le 3 juin 1732 de son union avec Marguerite du Mesnildot. Seigneur de Nouainville et Teurtheville-Hague, conseiller du roi, maitre particulier des eaux et forêts du Cotentin, ce dernier est cité en 1778 parmi les nobles résidants de la rue de Poterie. Célibataire, il employait à cette date six domestiques à son service. En 1780, il cèdait une partie de la propriété en vendant à Guillaume Louis d’Arthenay un corps de logis jouxtant son hôtel de la rue de Poterie, composé de "plusieurs salles, avec porte cochère, (...) avec chambres et cabinets au-dessus" (cf. hôtel du Plessis de Grenadan)Au lendemain de la Révolution, en 1795, il vend le reste de la propriété à Louis-Bon-Charles de la Couldre de la Bretonnière pour la somme de 36 000 livres.

Né en 1741 à Marchésieux, Bon-Charles de la Couldre fit une brillante carrière militaire dans la marine, participa en particulier à la guerre d’indépendance des Etats-Unis d'Amérique, et fut le principal promoteur du développement du port de Cherbourg sous le règne de Louis XVI. Monarchiste et catholique convaincu, il fut enfermé à Valognes durant la Terreur et on sait également qu’il logeait en 1797, en son hôtel de la rue de Poterie, un prêtre non assermenté, Alexis-Nicolas Levaufre, employé pour l’éducation de ses enfants. Après sa mort, survenue à Paris en 1809, la propriété est restée dans la famille de la Couldre, jusqu’à sa vente, en 1887 à la ville de Valognes, par Armand de la Couldre (châtelain de Tourville). En 1889 la décision est prise par la municipalité d’y installer une école des filles et de construire des salles de classe à l'intérieur des jardins. L’édifice a été détruit lors des bombardements américains de 1944.

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Extension supposée (??) de la propriété sur le plan Lerouge de 1767

Le plan Lerouge de 1767 et un autre plan de la rue de Poterie levé en 1768 montrent un édifice relativement vaste, constitué d’un corps de logis entre cour et jardin, flanqué au devant de la façade de deux ailes, reliées sur la rue par une clôture en demi-lune. Par l’inventaire après décès de Louise-Marguerite de Cussy, sœur de François de Cussy, décédée en 1773, nous savons que l’aile sud « à main gauche en entrant » abritait à cette date la chambre de la défunte. Je suppose que l'aile nord, vendue en 1780, fut en revanche intégrée postérieurement à la propriété voisine.

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Détail d'une portion de la façade sur rue de l'hôtel de Cussy, d'après une carte postale ancienne

L’acte de vente passé en 1795 mentionne avec précision un grand escalier central donnant accès au jardin par le premier palier, ce qui indique qu’il existait un décalage de niveau entre le rez-de-chaussée semi-enterré, donnant sur la cour, et l’étage noble ouvrant sur le jardin. Deux escaliers de service complétaient la distribution, constituée d’écuries, de remises, cuisine et autres annexes en rez-de-chaussée, de deux salons, une salle à manger et neuf chambres à l’étage. Sont également signalés lors de cette vente les « tableaux, dessus de portes, tapisseries, baguettes, tringles, buffets à objets attachés et encadrés dans le lambry », cédés à l’acquéreur, tandis que les « glaces, tables de marbre et autres meubles meublant » furent conservés par le vendeur.

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Portail de l'hôtel du Cussy ouvrant sur la rue de Poterie, jouxte l'hôtel du Plessis de Grenadan,

qui englobe depuis 1780 l'une des ailes de l'édifice primitif

L’acte de vente passé en 1887 contient également de nombreuses informations sur cet hôtel, dont le jardin était à cette date équipé d’une serre, et qui couvrait une superficie importante de 54 hares.

 

J. Deshayes, 2012

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3 octobre 2012 3 03 /10 /octobre /2012 14:10

30-32, rue de Poterie.

Le 29 janvier 1695, Hervé de Camprond, sieur de Sottevast, avocat au parlement de Normandie, achète à Guillaume Martin, sieur du Perron, président en l’élection de Valognes, « une maison à luy appartenant composée de sales, chambres, cabinets, greniers, écuries et le jardin le tout fermé de murs sise rue de Potterye ayant pour jouxte et butte la rue de Potterye». Le 18 avril suivant, il augmente cette première acquisition en achetant à Catherine et Anne Vaultier une seconde maison, voisine de la précédente, comprenant "salle, salette, cabinet, chambres, greniers, poulailler et escurie". L'acte de vente précise aussi « que ce qu’il y a de carreaux de pierre à bastir dans lesdites maisons et court demeurent audit sieur acquéreur ». Hervé de Camprond va donc réunir deux tènements initialement distincts pour constituer l'assise foncière du futur hôtel de Tanouarn.

Le 3 novembre 1727, son inventaire après décès recense les différentes pièces d'une vaste habitation, comprenant un rez-de-chaussée avec salle et cuisine, une laverie et un aistre à usage de boulangerie situé sous l'escalier, ainsi qu'un salon communiquant avec une petite chapelle et une autre salle. Le premier étage était alors occupé par trois chambres et deux cabinets. Il existait également un troisième niveau, avec une chambre avoisinant des greniers ainsi qu'un bâtiment en dépendance abritant un cellier et une écurie avec chambre à l'étage, occupée à cette date par le sieur d’Aigremont. Il ne s'agissait pourtant pas encore de l'hôtel dans sa forme achevée. Un accord de mitoyenneté conclu en 1736, nous apprend notamment que le sieur Guillaume de Camprond, héritier de la propriété, ayant pour projet de faire élargir sa maison pour en faire "un demy double", obtint de son voisin (hôtel de Vauquelin) l'autorisation de faire construire sur la totalité du mur mitoyen. L'inventaire des papiers de Guillaume de Camprond nous indique également qu'un marché fut passé en 1738 avec un maçon dénommé Samuel. L'année précédente, ce dernier avait déjà réglé un achat de pierre pour les travaux de construction à entreprendre.

Lorsque le 7 juin 1746, Madeleine Hervine de Camprond et son époux Charles François Léonor le Sage vendent l'hôtel, à Jean-Bonaventure de Beaudrap, sieur de Sotteville, l'édifice se composait désormais « d’un tènement de maisons, cour et jardin potager sis à Valognes consistant en une porte cochère et un vestibule servant d’entrée audit tènement, à main gauche en entrant dans la cour un cabinet de compagnie, une salle à manger, une autre salle, un escalier, une cuisine avec les offices, une remise, les chambres, cabinets et greniers et à main droite en entrant ladite cour, un vestibule, un escalier, un office, une cuisine, une remise, un autre office, les chambres, cabinets et greniers dessus. Au fond de la cour, deux écuries, deux celliers, chambres et greniers, une latrine et autres aménagements, le tout contenant une vergée ». Les travaux menés par Guillaume de Camprond avaient semble t-il consisté notamment en l'adjonction de deux ailes sur cour, visibles sur le plan Lerouge de 1767 et sur un plan d'alignement de 1768, et dans l'aménagement d'une porte cochère permettant d'y accéder.

Tanouarn 1767 JPG

Détail du plan Lerouge, 1767

Plan d'alignement de la rue de la Poterie, 1768 (AD14 série C)

Un nouvel acte de vente, concédé en date du 28 mai 1790 par Pierre François de Beaudrap, au profit de François Charles Adrien Simon, vicomte de Carneville fait explicitement référence à cette cour bordée de "deux ailes avec porte cochère d’entrée".

Le 27 mai 1818 Romain Pezet, président du tribunal de Bayeux, acquiert l'hôtel qu'il cède à nouveau, le 27 novembre 1827, aux frères et soeurs du Hecquet. D'après l'abbé Adam, l'hôtel de Tanouarn, mis en location, aurait abrité la préfecture jusqu'en 1829, année de sa vente par les demoiselles du Hecquet de Rauville à Madame Marie-Henriette de Chivré, épouse de Louis Etard de Bascardon. Après la mort de ce dernier, le 15 août 1853, il passe en héritage à sa fille, « Madame la Comtesse Marie Euphrasie du Plessis de Grénédan », qui le revendit en juin 1854 à son parent, Anésime Etard de Bascardon. Décédé en 1863 ce dernier transmet l’hôtel à son neveu, Charles de Tanouarn, qui y mourra lui-même en octobre 1917. Il est alors vendu par ses ayants droit, le 19 mars 1918, à Eugène Bretel, riche industriel valognais, qui possédait déjà plusieurs hôtels voisins dans la rue de Poterie.

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Aperçu de l'hôtel de Tanouarn sur une carte postale ancienne, vers 1900

(derrière les éléphants !)

L'hôtel de Tanouarn, détruit lors de bombardements américains de 1944 a été entièrement reconstruit après guerre. Il se composait d'après le plan de 1767, d'une partie sur rue et de deux ailes en retour de chaque côté de la cour. Les cartes postales du début du XXe siècle montrent une façade très sobre en moellons apparents, composée de neuf travées avec un faux avant-corps central à fronton délimité par des bossages. Une porte cochère surmontée d'un épais arc cintré ouvrait au centre de l'élévation. Les baies du rez-de-chaussée possédaient un linteau cintré tandis que celles de l'étage étaient à linteau droit. Un bandeau horizontal reliait l'appui des baies du premier étage. Il n'existait pas de lucarnes de comble. Seule subsiste aujourd'hui une aile ancienne située sur l'arrière du bâtiment, en bordure de la cour.

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Aperçu d'une portion de la façade de l'hôtel de Tanouarn sur une carte postale ancienne

S. Javel/J. Deshayes 2008

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28 septembre 2012 5 28 /09 /septembre /2012 11:45

35, rue des Religieuses

Par acte du 8 mai 1726, Pierre de la Rocque, écuyer, conseiller du roi et receveur des tailles de l’élection de Valognes vendait à Nicolas Desfosses, marchand drapier et bourgeois de Valognes « une maison cour et jardin située en la franche bourgeoisie de Valognes, rue Aubert », cédée au prix de 6692 livres (AD14 cote 8E2752, information communiquée par M. Etienne Faisant).Il est précisé dans l’acte de vente que cette propriété avait été acquise le 15 octobre 1720 par à Pierre de la Rocque auprès du sieur du Larvy, lui-même acquéreur en janvier 1713 du sieur Jacques Jacquemin, sieur des Vallons. Ce dernier l’avait acheté antérieurement, en juin 1700, de noble dame jeanne Dumour ( ?), devenue veuve la même année de Jacques du Prael, sieur de Maubray.

En 1746, Nicolas Desfosses vend à Jean-Antoine Heurtevent, avocat, bourgeois de Valognes, sieur de la Haulle une maison composée de trois salles avec chambres au dessus, donnant sur la rue Aubert (actu. rue des Religieuses). Cette vente, consentie pour la somme relativement modeste de 6 000 livres, correspond probablement à ce qui constituera ensuite l'assise foncière de la "maison Delisle". En 1766, Jean-Antoine Heurtevent agrandit la propriété en faisant l'acquisition de terrains voisins, achetés au sieur Meslin. En 1781, son fils revend à Jean-Edmond Davannier, sieur de la Bussière un corps de logis bordant la rue Aubert, avec bâtiments en dépendance sur les deux côtés de la cour. Cette description définit les dispositions de l'édifice tel qu'il existait avant sa destruction en 1944. En 1825, les petit fils de l'acquéreur, Jean-Charles Vaste et son frère revendent à leur tour l'immeuble au Docteur Delisle. Son fils, Léopold Delisle, archiviste paléographe, qui fut notamment l'administrateur général de la bibliothèque nationale, y naquit en 1826.

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L'édifice, l'un des rares hôtels de la rue des Religieuses à avoir été détruit lors des bombardements alliés de juin 1944, fut reconstruit à l'identique lors des travaux de la Reconstruction. La façade sur rue reprend des dispositions remontant au dernier tiers du XVIIIe siècle. Entièrement traitée en pierre de taille calcaire, elle est composée de six travées et de trois niveaux d'élévation. La porte cochère menant vers la cour est décalée à droite de la façade. Les baies du rez-de-chaussée sont couvertes d'un linteau cintré tandis que celles des étages possèdent un simple linteau droit. Un bandeau horizontal reliant les appuis des fenêtres marque la division entre chaque étage. Trois lucarnes cintrées éclairent les combles.

S. Javel/J. Deshayes

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28 septembre 2012 5 28 /09 /septembre /2012 11:06

1, rue de Gréville

Par actes notariés datés du 2 janvier 1720 et du 18 février 1726, Nicolas Legendre vendait à Joseph Rouxel deux jardins potagers destinés à servir d'assise foncière à la propriété. Jean Rouxel y fait bâtir une petite maison, qu'il revend, le 13 janvier 1748, à Louis le Chosel, sieur de la Vallée. Vingt ans plus tard, ce dernier cède l'édifice au dénommé Jean-Michel Le Liepvre, qui y meurt en 1772. L'inventaire après décès qui est alors effectué n'indique pas que l'édifice ait subi de transformations ou d'extensions notables depuis sa construction. Le 14 décembre 1774 Jacques-François de la Mache, sieur du Féron, rachète la propriété. C'est probablement lui qui en assure la reconstruction, comme semblent l'indiquer les "mémoires et quittances pour la construction de la nouvelle maison du sieur Féron", inventoriées lors de son décès, survenu en 1783. Le 6 novembre 1826, la propriété est vendue à Antoine-Alexis-François Heurtevent par Jeanne-Félicité Françoise D'Ozouville, veuve de Eléonor Jean-Louis Le Trésor de la Roque. Né à Alleaume en 1786, officier sous l'Empire et chevalier de la légion d'honneur, il avait épousé à Valognes, le 24 novembre 1825, Rosalie Adélaïde Lecauf. Membre du conseil municipal, il devint ensuite capitaine (1831), puis commandant (1839) de la Garde nationale de Valognes, et meurt dans son hôtel le 3 février 1869. Son héritière, Adélaïde-Louise Antoinette Heurtevent, épouse en 1868 de François Julien Lescroel-Desprez, décède en 1908 en léguant la propriété à Mme Jacques Lescroel-Desprez, née Alexandrine Legrand, et à sa fille, Mme Pierre Laisné, née Camille Lescroel-Desprez.

Dans une note des Disjecta Membra du 9 octobre 1871, l'écrivain Jules Barbey d'Aurevilly dit de cette demeure "c'est une vraie nostalgie de ne pas la connaitre et de ne pas l'avoir à soi, c'est une nostalgie qu'elle vous donne cette scélérate de maison".

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La façade sur rue, en moellon apparent, possède peu d'ouvertures. Deux baies éclairent le rez-de-chaussée, deux autres baies à garde-corps éclairent le premier étage. La façade sur le jardin, composée de sept travées, est beaucoup plus ouverte. Elle est recouverte d'un enduit à faux joints tirés à la pointe réguliers. A l'extrémité droite, les baies ne possèdent qu'un seul vantail. Les ouvertures du rez-de-chaussée sont surmontées d'un linteau cintré et celles du premier étage d'un linteau droit. La travée centrale est soulignée par une porte fenêtre, située au premier étage et ouvrant sur un balcon à garde-corps en fer forgé, supporté par deux consoles en volutes. Trois lucarnes éclairent les combles. La grille en feronnerie ouvragée du portail d'entrée porte les initiales de la famille Heurtevent. 

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Bibliographie : Rémy VILLAND, "L'hôtel Heurtevent à Valognes", Mélanges de la Société d'archéologie et d'histoire de la Manche, 1985, p. 101-105.

J. Deshayes / F Javel

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20 septembre 2012 4 20 /09 /septembre /2012 12:45

26, rue de Poterie

Le 21 mai 1720, Jeanne Prevel fille et unique héritière de Pierre Prevel sieur de Préfontaine, veuve d’Adrian Duboscq, sieur des Longchamps, vendait pour la somme de 14 500 livres à messire Jacques Le Berceur comte de Fontenay "une maison, jardin, cour et boelle", jouxtant et buttant "du levant les représentant du sieur Montaigu Bazan, du midy le boelle au cornet, du couchant la rue de Poterie et du septentrion le sieur de Sottevast, représentant le sieur Grip de Savigny". Il existait alors un droit de passage dans le "boel" au cornet pour accéder aux caves de la maison.

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L'hôtel de Vauquelin sur le plan Lerouge de 1767

En 1731 Jacques Le Berceur revend la propriété à Jean Jacques Leforestier seigneur de Clayes pour la somme de 13 000 livres. Il est stipulé dans l'acte de vente que l'acquéreur est "autorisé d’y faire telles réédification augmentation ou bâtiment neuf qu’il jugera à propos ».

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En 1736, des contrats d'accord sont passés avec les voisins, Guillaume Camprond, propriétaire de l'hôtel de Tanouarn, ainsi que Richard Lemesle et Suzanne Marguerie pour régler les problèmes de mitoyenneté des futurs bâtiments. En 1738, Jean-Jacques le Forestier étant décédé, sa veuve revend l'hôtel à Charles du Mesnildot, seigneur de Vierville. La vente comprend les "bâtiments neufs tant fini que commencés" ainsi que les matériaux. Les travaux sont probablement achevés peu après cette date et, en 1753, la veuve de Charles du Mesnildot, cède l'ensemble à Henry Louis René Bon de Marguerie, seigneur de Colleville.

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Le 7 frimaire an 3, Bon Henri Marie Marguerie vend l'hôtel à Thomas François le Tort d'Anneville. Il passe ensuite par héritage à Emilie Clotilde le Tort, épouse d'Auguste Gabriel du Mesnildot et à son fils Edmond du Mesnildot, qui le revend en 1875 à Eugène Emile Bretel, riche industriel et propriétaire de laiteries importantes. Raoul Le Doux, neveu d'Eugène Bretel, hérite de l'hôtel en 1933.

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L'hôtel de Vauquelin sur une affiche publicitaire des industries Bretel, vers 1890

L'hôtel de Vauquelin présente un plan en U avec deux ailes en retour délimitant une cour carrossable. Cette cour ouvre sur la rue de Poterie par un portail monumental à arc en plein-cintre. L'élévation du corps de logis en fond de cour est composée de cinq travées. Elle s'organise autour d'un avant-corps central large, d'une unique travée délimité par des chaînes d'angle traitées en bossage, couronné par un fronton triangulaire avec pierre armoriale en attente. Cet avant-corps abrite un escalier central rampe sur rampe desservant à l'étage des alignements de pièces en enfilade. Les ailes sont terminées aux extrémités par des pavillons. Elles se composent toutes deux de cinq travées, éclairées par des baies à linteau cintré. L'ensemble des ouvertures est coiffé d'un linteau cintré.

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Le jardin d'hiver sur une photographie des années 1930

Les intérieurs conservent en partie leur décor de boiseries et de panneaux peints (dessus de porte), copies de paysages français et de scènes de genre du XVIIe siècle. La salle à manger et les salons de l'étage ont également gardé plusieurs cheminées en pierre calcaire à décor rocaille et leurs miroirs d'origine. Au rez-de-chaussée de l'aile gauche subsiste une belle cheminée Renaissance de la première moitié du XVIIe, probablement réemployée. Dans le jardin, il est encore possible de discerner quelques vestiges d'un ancien jardin d'hiver édifié par Eugène Bretel au retour de Russie, sur le modèle de celui du Tsar Nicolas. 


J. Deshayes/ S. Javel pays d'art et d'histoire du Clos du Cotentin

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17 septembre 2012 1 17 /09 /septembre /2012 16:13

1, rue Barbey d'Aurevilly

 

L'histoire de l'hôtel Viel de la Haulle a été étudiée de manière approfondie et publiée par Monsieur Michel Viel, son actuel propriétaire. L'édifice occupe une portion d'un terrain qui était affecté à l'époque médiévale aux bâtiments de l'Officialité de Valognes. La construction de l'édifice actuel est entreprise dans le dernier quart du 18e siècle, par Anne Pigache, veuve de maître Jacques Théroulde, écuyer, qui avait acquis la propriété en 1774, pour le prix de 9600 livres. Le 10 avril 1782, elle revendait pour 11 000 livres la maison au dénommé Pierre Allain, qui occupait depuis 1778 la charge de Conseiller du Roi et Receveur des consignations. La maison est alors signalée comme étant "couverte en ardoise, depuis peu construite ou faite reconstruire en la majeure partie mais encore non finie". L'acte de vente précise également qu'il manquait alors "quantité de portes, vitres, croisées et autres fermetures". L'achèvement des travaux fut donc exécuté par l'acquéreur, qui résida ensuite sur la propriété jusqu'à sa mort, le 9 décembre 1810.

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L'édifice est construit entre une petite cour ouvrant par un portail monumental à arc surbaissé, et un jardin s'étendant sur l'arrière de la propriété jusqu'à la rivière du Merderet. L'élévation sur cour se compose de cinq travées, organisées autour d'un avant-corps central peu saillant, souligné par des pilastres à moulure en creux et surmonté d'un fronton triangulaire à pierre armoriale laissée en attente. Deux marches permettent l'accès à la porte d'entrée, couverte d'un linteau en plein-cintre décoré d'une clef, semblable à celui de la fenêtre étant au droit de la porte d'entrée. Toutes les autres baies sont couvertes d'un linteau droit. La façade postérieure, partiellement détruite lors des bombardements de 1944, a été reconstruite entre 1946 et 1952.

 

 

Bibliographie :

VIEL Michel, L’histoire d’une maison et de ses habitants du XIIIe au XXe siècle à Valognes : l’hôtel de la Haulle, Valognes, impr. Le Révérend, 1993.

 

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